Elles s'installent officiellement dans le système de soins français. Vendredi 1er mars, le Gouvernement a publié au Journal officiel le décret sur l'agrément des sociétés de téléconsultation médicale. Le texte donne à ces nouveaux acteurs une place à part entière dans le système de soins. "Nous faisons désormais partie intégrante du système de santé, en devenant des offreurs de soins à part entière", comme un hôpital ou un praticien libéral, a réagi auprès de l'AFP Olivier Thierry, directeur général de la plateforme Qare, qui revendique 200 000 téléconsultations par mois sur sa plateforme.
Ce décret, qui applique des dispositions de la loi de financement de la Sécurité sociale de 2023, va notamment permettre aux sociétés de téléconsultation agréées de pouvoir salarier des médecins. Ces sociétés vont aussi pouvoir percevoir directement auprès de l'Assurance maladie la rémunération des consultations. Jusqu'alors, les plateformes de téléconsultation - dont Qare, Livi et Medadom sont parmi les plus connues - devaient passer par un centre de santé partenaire pour pouvoir salarier leurs médecins ou facturer l'Assurance maladie.
L'agrément des sociétés de téléconsultation sera accordé par le ministère de la Santé, en fonction du respect d'un cahier des charges défini dans le décret. Celui-ci prévoit notamment des exigences techniques, pour garantir la sécurité informatique des consultations. Il exige également la création d'un comité médical, associant les salariés médecins et des représentations d'associations de patients.
Sur le plan de la tarification, le décret prévoit que le patient ne pourra pas payer sa téléconsultation plus chère que le tarif conventionnel de la Sécurité sociale. Les sociétés de téléconsultation ne pourront donc pas faire payer de frais de service au patient, contrairement à une pratique répandue. "Nous pourrons offrir des services payants en plus" de la consultation, "mais ils seront optionnels", a ainsi précisé Olivier Thierry.
Des efforts "à poursuivre"
Dans un communiqué, diffusé vendredi 1er mars, les Entreprises de télésanté (LET) se sont dites "heureuse[s]" de la publication de ce décret, saluant une "avancée significative, considérée comme une première étape nécessaire pour la reconnaissance et la crédibilité des sociétés de téléconsultation". Si ce nouveau décret établit "la procédure d'agrément" de ces sociétés, "ainsi que les conditions pour la prise en charge par l'Assurance maladie des actes de téléconsultation réalisées par leurs médecins salariés", "le statut n'encadre pas les activités de télésurveillance médicale, de télésoin" ou " de télérégulation", note le LET. Elles "nécessitent aussi un cadre de sécurité et de normes pour que les patients et les médecins puissent y avoir recours en toute sécurité". L'association appelle donc "à poursuivre les efforts pour réguler l'ensemble de ces activités".
Plus largement, en 2024, "le LET s'apprête à accueillir de nouveaux membres, des acteurs de la télésanté dans son ensemble, et à poursuivre son travail de partenariat avec […] les institutions pour réguler ces parcours", écrit l'association. "A long terme, [l']ambition est d'obtenir le statut plus étendu d'opérateur de santé numérique".
Du côté des médecins libéraux, on craint que l'émergence des plateformes de téléconsultation ne soit une nouvelle illustration de la financiarisation de la santé, avec des soins de ville de plus en plus assurés par des entreprises salariant des médecins, et non plus par des praticiens indépendants.
L'Assurance maladie regarde, elle, avec circonspection le développement de cette nouvelle pratique médicale. Lors de la présentation de ses propositions le 8 février, dans le cadre des négociations conventionnelles, la Cnam a proposé de laisser à 25 euros la téléconsultation du médecin généraliste, alors qu'elle envisage d'augmenter à 30 euros la consultation physique.
Enfin, ce nouveau décret laisse inchangée l'obligation pour les médecins de consacrer un maximum de 20% de leur temps à la téléconsultation.
[avec AFP]
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