Délais de rendez-vous : comment l'ophtalmologie est devenue "l'une des rares spécialités à avoir réussi à répondre à la hausse des demandes de soins"
Le syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) a présenté ce mardi 8 octobre les résultats de sa 6e enquête sur les délais de rendez-vous dans la spécialité. Ils confirment la baisse continue observée depuis 2017, fruit "des efforts fournis par la filière", a loué son président, le Dr Vincent Dedes.
Un rendez-vous non urgent d’ophtalmologie sur deux a été obtenu en moins de 19 jours cette année, révèle une étude de l’institut CSA pour le Snof présentée ce mardi 8 octobre lors d’une conférence de presse. Il s’agit de la sixième enquête de ce type commandée par le syndicat pour suivre l’évolution de l’accès aux soins ophtalmologiques. Elle a été réalisée par téléphone du 30 mai au 14 juin dernier auprès de 2436 ophtalmologistes libéraux.
Deux scenarii ont été étudiés : un scenario pour un nouveau patient pour un contrôle périodique de la vue et un scenario pour un nouveau patient présentant des symptômes (points noirs, filaments…) nécessitant une consultation rapide ne relevant pas de l’urgence. A aussi été testée la prise de rendez-vous en ligne auprès de 2454 ophtalmologistes, là encore pour une consultation non urgente. "Le meilleur reflet de l’accès aux soins, c’est la consultation non urgente", a estimé le président du Snof, le Dr Vincent Dedes.
Il découle de cette enquête que le délai médian d’obtention d’un rendez-vous par téléphone ou internet pour un nouveau patient poursuit sa baisse continue, atteignant 19 jours pour un contrôle périodique, contre 66 jours en 2017 (soit une baisse de 71%). C’est encore moins s’il l’on ne tient compte que de la prise de rendez-vous via les plateformes, 17 jours. S’agissant des délais moyens, ceux-ci sont passés de 90 jours en 2017 à 43 jours en 2024, mais ils sont "moins représentatifs", pour le Dr Dedes.
Par téléphone, le délai médian pour l’obtention d’un rendez-vous en vue d’un contrôle périodique a diminué de 22 jours depuis 2019, pour s’établir à 21 jours, et "on a encore perdu 9 jours depuis l’enquête de 2022", s’est réjoui le président du Snof. En moyenne, les délais ont été raccourcis de 22 jours, soit trois semaines, depuis 2019.
Dans 60% des cas, ces rendez-vous sont donnés à moins d’un mois, et en moins de 7 jours dans 25% des cas. La proportion de rendez-vous obtenus s’est elle aussi améliorée (75% en 2024 contre 64% en 2019).
Pour les consultations avec apparition de symptômes (scenario 2), le délai médian s’établit à 5 jours (contre 10 jours en 2019). Le délai moyen est quant à lui passé de 27 jours à 7 jours en cinq ans. Toutefois, la proportion de rendez-vous obtenus est plus faible (41% en 2024 contre 51% en 2019) et les "échecs" de rendez-vous sont en hausse. La filière mériterait de se structurer davantage pour "répondre de manière plus efficace" aux demandes, et ce grâce aux équipes de soins spécialisées (ESS) centrées sur les soins non programmés, soutient le Snof. Un modèle qui est "en train de s’organiser".
Légende : Enquête CSA – Snof 2024
S’agissant de la prise de rendez-vous par internet, les délais sont plus courts que par téléphone (4 jours de moins). Les patients ont également un peu plus de chance d’obtenir un rendez-vous dans les meilleurs délais par ce biais (+20 points en cinq ans). "L’ophtalmologie est une spécialité leader des rendez-vous en ligne", a vanté le Dr Dedes, précisant que Doctolib représente 90% des plateformes de prise de rendez-vous dans cette spécialité. Selon lui, ce mode de prise de rendez-vous a de nombreux "atouts" pour le patient et le médecin, qui a une meilleure visibilité sur son planning de consultations. Il s’agit "d’une offre complémentaire".
L’étude montre par ailleurs que les délais médians sont similaires entre secteur 1 et 2 (avec ou sans Optam).
"Les ophtalmologistes se sont organisés"
Le Snof, qui poursuit l’objectif d’arriver à un délai médian de 15 jours d’ici l’année prochaine "pour un accès fluide" aux soins ophtalmologiques, se réjouit par ailleurs que les installations d’ophtalmos en ville aient dépassé le nombre de départs à la retraite en 2024. Grâce à cette "stabilisation démographique", l’ophtalmologie a été cette année "l’une des rares spécialités à avoir réussi à répondre à la hausse des demandes de soins", a assuré Vincent Dedes. Le volume d’actes a en effet, lui, augmenté de 3,7% en un an, selon l'ISPL (Institut statistique des professionnels de santé libéraux).
L’accès aux soins d’ophtalmologie est, en outre, relativement homogène sur le territoire métropolitain. Pour le contrôle périodique, "11 grandes régions ont vu leurs délais s’améliorer, notamment celles où les délais étaient les plus longs" avant, la Normandie ou l’Occitanie par exemple, a indiqué le président du Snof. Deux régions subissent néanmoins une "dégradation" des délais de rendez-vous. C’est le cas des Pays de la Loire qui sont "un peu coincés" et pas seulement en ophtalmologie, a pointé le Dr Dedes. "Peut-être que les solutions proposées ne sont pas les bonnes".
Les résultats de l’enquête en ligne témoignent de tendances similaires.
Pour ce qui est des consultations liées à l’apparition de symptômes (hors urgence), le Snof observe une amélioration sur l’ensemble du territoire français, "même dans les régions qui étaient en difficulté". Seuls les Hauts de France, l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Corse ont des délais médians en hausse, mais seulement de l’ordre de 1 à 5 jours. Cela montre que "les ophtalmologistes se sont organisés", a analysé le Dr Dedes, citant par exemple les sites secondaires qui permettent d’aller "au plus près des patients".
Selon le président, "10 à 12% des ophtalmologistes" consultent à d’autres endroits que leur cabinet principal. Un modèle qu’il conviendra de développer pour améliorer encore davantage le maillage territoire, "notamment dans les territoires en difficulté", en association avec la télémédecine et les orthoptistes, soutient le syndicat.
En outre, il apparaît que les délais de prise de rendez-vous diminuent dans toutes les agglomérations, en particulier dans les villes de plus de 20 000 habitants. L’évolution est moins franche dans les communes rurales et urbaines de moins de 20 000 habitants. La situation est en revanche au beau fixe dans les 10 plus grandes villes françaises, à l’exception de Nantes qui est un peu à la peine sans que cela constitue une alerte : "dans 9 villes sur 10, on est capable d’avoir un rendez-vous pour le jour-même [ou le lendemain, et sur internet, NDLR], y compris pour un contrôle simple", a précisé le Dr Vincent Dedes. Par téléphone, c’est le cas dans 7 grandes villes sur 10.
Cet accès "assez facile" aux soins ophtalmologiques en ville montre bien qu’il n’y a "aucun besoin médical" à créer des centres de santé dédiés dans ces zones très urbaines, soutient le président du Snof, qui note que "la fermeture des centres de santé un peu frauduleux n’a eu aucun impact sur les délais de rendez-vous en ophtalmologie comme certains le craignaient". Depuis février 2023, une centaine de structures de ce type ont fermé ou ont été déconventionnées par l’Assurance maladie. Le syndicat appelle à aller plus loin dans la lutte contre la fraude des centres de santé ophtalmologiques.
"Lisibilité" des rôles de chacun
Pour le président du Snof, si l’accès aux soins ophtalmologiques s’est amélioré, c’est avant tout grâce aux mesures mises en place par la filière ces dernières années, en particulier au travail aidé. 85% des ophtalmologistes travaillent désormais avec des orthoptistes, opticiens, infirmières ou assistants médicaux, indique l’étude CSA. La délégation de tâches, "qui se passe plutôt bien" sur le terrain, y est aussi pour beaucoup, en particulier grâce aux décrets de 2016 élargissant le rôle des orthoptistes et des opticiens.
Tout n’est pas complétement rose néanmoins. Les opticiens se sont vu autoriser, en juin dernier, d’adapter la prescription de corrections visuelles de l’ophtalmologiste dès la première délivrance. Une ligne rouge pour le Snof et le Syndicat national autonome des orthoptistes (SNAO), qui ont formé un recours en annulation de ce décret auprès du Conseil d’Etat cet été, craignant pour la "sécurité" des patients, certaines "pathologies oculaires graves pouvant entraîner une modification de la réfraction et nécessitant un avis médical spécialisé : glaucome, diabète, cataracte, kératocône, etc.".
Le Dr Dedes est revenu sur ce point de crispation, indiquant regretter surtout la formulation de ce texte. Le président du Snof a néanmoins assuré travailler avec le représentant des opticiens sur la question. Il aimerait "avancer sur un dossier partagé optique" pour simplifier la coordination orthoptistes-ophtalmologistes-opticiens et améliorer la traçabilité des parcours. Ce dernier a également loué l’efficacité "croissante" des protocoles organisationnels et du travail en collaboration au sein et en dehors des cabinets.
Tout ceci doit néanmoins s’accompagner d’un travail d’amélioration de la "lisibilité" des rôles de chacun, en fonction de leurs compétences, a jugé le Dr Dedes. Car aujourd’hui, "le patient peut se retrouver perdu". Afin de dissiper la confusion, le syndicat a ainsi souhaité poser, en juin dernier, une définition "claire et précise" de ce qu’est un cabinet d’ophtalmologie ; appellation qu’il souhaite réserver à un site où un ophtalmologiste est présent au moins deux fois par semaine, ou bien au minimum 40% du temps d'ouverture du cabinet.
Si les délégations de tâches et transferts de compétences ont permis d’améliorer l’accès aux soins, "il est important que le patient puisse bénéficier d’un contrôle médical", a conclu le Dr Vincent Dedes.
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