"La santé des femmes ne constitue clairement pas une priorité" dans les territoires ruraux : tel est le constat de la délégation aux droits des femmes du Sénat qui a réalisé durant dix mois une série de travaux pour évaluer la situation des 11 millions de femmes qui vivent dans ces zones. Violences conjugales, précarité, égalité professionnelle, orientation scolaire, mobilité, accès aux responsabilités… Cette mission balayait un nombre important de champs. Ce jeudi 14 octobre, les auteurs ont présenté leurs enseignements à travers la publication du rapport "Femmes et ruralités : pour en finir avec les zones blanches de l’égalité". Dans le champ de la santé, le rapport est sans appel : il existe une véritable inégalité dans l’accès aux soins, entre territoires ruraux et territoires urbains, mais aussi, au sein des territoires ruraux, entre les hommes et les femmes. Ces dernières seraient bien plus touchées par la désertification médicale, notamment, par le manque de médecins spécialistes, en particulier les gynécologues. "La hausse du nombre de professionnels de santé qui entrent dans la vie active ne suffira pas à contrebalancer les cessations d’activité des médecins âgés, d’autant qu’ils n’ont pas les mêmes habitudes de travail", alertent par ailleurs les auteurs. Au 1er janvier 2021, la moyenne française des médecins qualifiés en gynécologie médicale en activité régulière et tous modes d’exercice confondus est de 2,6 pour 100.000 femmes en âge de consulter (cette densité est de 1,7 médecin en activité libérale et mixte pour 100.000 femmes). Or, il existe d’importantes inégalités entre territoires puisque, selon le Conseil national de l’Ordre, 77 départements sur 101 ont une densité inférieure à 2,6 pour 100.000 femmes. Et 13 départements en sont dépourvus : les Hautes-Alpes, le Cher et la Corrèze par exemple.
Des carences dans les dépistages des cancers La délégation s’inquiète également des multiples fermetures de maternités (on est passé de 1.369 maternités en 1975 à 518 en 2014). Fermetures qui "ne sont pas nécessairement dues à l’absence de gynécologues-obstétriciens" mais au manque d’autres soignants, anesthésiste-réanimateur par exemple. En janvier dernier, le Pr Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), rappelait que des femmes demeuraient encore très éloignées d’un lieu d’accouchement, citant le cas des Alpes. Ce dernier s’inquiétait par ailleurs du nombre de jeunes obstétriciens "qui refusent de s’installer dans des zones reculées". La faible densité médicale dans les zones rurales et les difficultés d’accès au système de soins (pour se déplacer, manque d’information…) et aux spécialistes ont "souvent pour conséquence un renoncement par certaines femmes à un suivi médical pourtant primordial en matière de prévention", ajoutent les auteurs. Les dépistages en font aussi les frais, notamment pour les cancers féminins (l’Ariège...
connaît le plus faible taux de dépistage). "Dans les milieux sociaux défavorisés, […] environ 40 % des femmes échappent au dépistage du cancer du col de l’utérus", déplore Isabelle Héron, présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM). Elle ajoute que "les femmes en situation de précarité présentant des comorbidités, comme une obésité morbide, ou étant dans des situations de handicap, n’osent souvent pas consulter". D’autant que la mobilité constitue une véritable problématique dans ces zones (seules huit femmes sur dix ont le permis, contre neuf hommes sur dix). Quelles solutions ? Face à ce constat alarmant, la délégation aux droits des femmes du Sénat préconise de s’appuyer sur un maillage territorial existant de professionnels de santé, en l’occurrence les sages-femmes, dont le réseau est particulièrement "dynamique" (leur nombre a triplé en 50 ans). D’autant que leurs prérogatives ont évolué ces dernières années : possibilité de prescrire une contraception, dépistage des cancers, suivi gynécologique, pratique de l’IVG médicamenteuse (70% des IVG pratiquées en France sont médicamenteuses). Aujourd’hui encore, notent les auteurs, le taux de recours à l’IVG varie "du simple au triple selon les régions". En métropole, il varie de 11,4 IVG pour 1.000 femmes en Pays-de-la-Loire à 21,7 IVG en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Il est, de fait, nécessaire, selon les auteurs, de revaloriser leur statut et de lancer une campagne grand public sur l’utilité de leur profession.
Le rapport suggère de favoriser également le rôle des pharmaciens, dont "la répartition homogène sur l’ensemble du territoire" (32 officines pour 100.000 habitants et plus d’un tiers des officines sont installées dans des communes de moins de 5 000 habitants). La disponibilité et la proximité des pharmaciens en font "des acteurs de premier plan pour la santé des femmes, à tous les âges de la vie". Vaccination, contraception, prévention sur l’arrêt du tabac, suivi gynécologique et de l’alcool, accompagnement des grossesses à risques… "le pharmacien a l’avantage d’être un acteur de santé de premier recours, porte d’entrée dans le système de soins", fait valoir Françoise Amouroux, vice-présidente du Conseil central de de l’Ordre des pharmaciens. Au total, la délégation formule 14 recommandations pour améliorer la santé et le suivi médical des femmes dans les territoires ruraux. Plusieurs ont trait à l’installation des praticiens dans ces zones. En effet, la délégation recommande notamment d’instaurer un plafonnement du nombre d’installations par département ou l’obligation, pour les médecins jeunes, de trois années d’exercice dans les départements sous-dotés en offre de soins. Elle appelle aussi à réfléchir à la mise en place d’une politique d’incitation fiscale à l’installation de jeunes médecins spécialistes dans les territoires isolés. Enfin, elle suggère d’augmenter le nombre de maîtrises de stage des carabins dans les territoires ruraux. Parmi les autres recommandations, on retrouve notamment le développement de l’exercice regroupé ou coordonné (MSP, ESP, CPTS), le déploiement des téléconsultations gynécologiques, y compris dans des tiers lieux si nécessaire, et l’autorisation pour les sages-femmes de pratiquer la téléexpertise, ou encore la généralisation à tous les départements ruraux les solutions de médecine itinérante (comme le un camion Mammobile qui sillonne l’Orne pour promouvoir le dépistage du cancer du sein).
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