N'est pas généraliste qui veut : volontaire pour remplacer à l'île d'Aix, un médecin anesthésiste recalé par l'Ordre
200 habitants à l'année, jusqu'à 8000 l'été… et plus un seul médecin jusqu'en septembre. L'île d'Aix, située à quelques encablures de l'ile d'Oléron et du célèbre Fort Boyard, en Charente-Maritime, se retrouve sans généraliste depuis quelques semaines. Le Dr François Laprade, qui y est installé depuis 7 ans, est en effet en arrêt maladie. Face à l'urgence de la situation, le maire de la commune, Patrick Penaud, a jeté une bouteille à la mer dans les médias pour tenter de trouver le médecin qui pourra soigner les nombreux touristes débarquant chaque jour durant l'été. Un appel entendu à l'autre bout de la France par le Dr Bruno Coulibeuf. A la retraite depuis un peu plus de trois ans, cet anesthésiste-réanimateur de 67 ans a décroché son téléphone pour proposer au maire ses services, fort de son expérience passée aux urgences. "J'ai vu cette annonce à la télé et je l'ai vraiment interprétée comme un poste de médecin urgentiste", nous confie-t-il. A l'ile d'Aix, les pathologies ne sont pas celles habituellement rencontrées dans les cabinets de médecine générale, souligne-t-il. "Ce sont plutôt des coups de soleil, des brûlures de barbecue, des malaises, des chutes à vélo", décrit Bruno Coulibeuf. S'il est installé en tant que médecin généraliste, le Dr Laprade lui-même est davantage un urgentiste, assurant les soins non programmés durant la haute saison, ainsi que des gardes au Samu et aux urgences de Rochefort. "Je l'ai eu au téléphone et il m'a dit que j'étais tout à fait qualifié pour ce poste", souligne son confrère. L'ARS donne également son accord. "Ils m'ont contacté pour me dire que ce médecin était parfait, que c'est qu'il fallait pour l'ile d'Aix", rapporte le maire, qui dit avoir été contactés par d'autres médecins. "Certains voulaient du salariat, c'était plus compliqué à mettre en place administrativement parlant. Et vraiment, le Dr Coulibeuf me semblait avoir le meilleur profil", confie-t-il.
Il ne restait plus qu'à obtenir l'aval de l'Ordre des médecins. En effet, Bruno Coulibeuf doit non seulement passer du statut de retraité en situation de non-exercice à celui de retraité actif, mais également solliciter une autorisation de remplacement. "Simple formalité", pense-t-il alors. En tant qu'anesthésiste-réanimateur, il a été amené à exercer aux urgences à l'époque où la spécialité d'urgentiste n'existait pas encore. Et depuis sa retraite, le médecin n'a pas chômé, assurant une prise en charge humanitaire en Afrique. "Ce n'était pas contractualisé, mais à titre bénévole. Les ONG faisaient appel à moi", raconte-t-il. Pour ne pas perdre de temps, en accord avec le maire, Bruno Coulibeuf se met en route et arrive à l'ile d'Aix vendredi 15 juillet. "Je voulais prendre connaissance des locaux, me mettre en contact avec les pompiers", relate le médecin. Un appartement de 80 mètres carrés face à la mer a été mis à sa disposition par la mairie, gratuitement. "Il faut arrêter de croire que le généraliste est le bobologue du coin" C'est alors qu'il reçoit un courrier du CDOM de Charente-Maritime le notifiant d'un refus à sa demande de remplacement. En tant que spécialiste d'anesthésie-réanimation, il ne peut remplacer un médecin généraliste, fait valoir l'Ordre. Et quand bien même ce serait autorisé, la CPAM ne pourrait rembourser ses actes, lui fait-on comprendre. "J'ai contacté la CPAM qui m'a dit qu'étant donné l'urgence de la situation, les patients seraient bien entendu remboursés", conteste-t-il. Interpellé dans la presse, le président du CDOM de Charente-Maritime explique que le refus vient en fait de son homologue du Var. Contacté par Egora, ce dernier estime être pieds et poings liés par la réglementation du code de santé publique. "En l'état actuel des textes, on ne peut remplacer que dans sa spécialité, insiste le Dr Jean-Luc Le Gall. Et le Dr Coulibeuf est inscrit chez nous en tant qu'anesthésiste. Je ne veux pas remettre en question ses compétences mais à ma connaissance, il n'a jamais exercé la médecine générale." Et si son confrère a commencé à exercer à une époque où les spécialistes avaient "un diplôme initial de médecine générale", la discipline est entre temps devenue une spécialité à part entière, dont l'accès est sanctionné par un DES, souligne ce généraliste toulonnais, qui se dit "un peu en colère" face à l'argumentaire développé par l'anesthésiste. Outre les petites urgences, le généraliste de l'île d'Aix pourrait être amené à prendre en charge "de la pédiatrie ou de la gynécologie", relève Jean-Luc Le Gall. "Il faut arrêter de croire que le généraliste est le bobologue du coin", s'insurge-t-il.
Mais pour le maire de l'île d'Aix, ces objections sont inconcevables à l'heure où l'on manque cruellement de médecins. A fortiori dans le contexte particulier d'une île dont la fréquentation explose l'été. "On est une île, on doit faire preuve de souplesse", plaide Patrick Penaud. "On a entre 5000 et 8000 personnes tous les jours", souligne-t-il. Pas plus tard que mardi, un touriste a fait un malaise. "Les pompiers ont été appelés et ont déclenché la venue de l'hélicoptère du Samu. Ça aurait peut-être pu être évité si on avait eu un médecin sur place", lance le maire, désormais en relation avec l'ARS pour "trouver une solution". "Les deux têtes du serpent du caducée perdent la boule!" De son côté, Bruno Coulibeuf est "dans l'attente" d'une décision ferme et définitive du CDOM du Var. "J'ai fait 850 kilomètres à l'aller, je vais faire 850 kilomètres au retour", désespère-t-il. Le médecin retraité prévient : une fois qu'il sera rentré chez lui, il ne reviendra pas. Une situation qu'il juge "affligeante". "A chaque fois que je vais au cabinet pour préparer mon installation, il y a des patients qui viennent frapper à la porte. Il y a une vraie demande", déplore-t-il. "Cette situation est complètement inadmissible, s'insurge Patrick Penaud, qui a décidé d'alerter les médias. Les deux têtes du serpent du caducée perdent la boule ! Un médecin anesthésiste a les compétences pour remplacer pendant un mois et demi un médecin généraliste, il me semble." "Je comprends les difficultés de l'île d'Aix, on a les mêmes dans le Var sur les îles de Porquerolles, du Levant ou à Toulon intra-muros", se défend le président du CDOM du Var, lui-même en quête de deux confrères pour son cabinet. "Si je pouvais embaucher des anesthésistes, je le ferais !", lance-t-il. "On fait tout ce qu'on peut pour faciliter l'exercice de nos confrères dans le département. S'il y avait une solution miracle, on le ferait. Mais on est face à une difficulté administrative qui dépasse notre propre volonté."
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