Pénurie de psychotropes : "Cette crise révèle un abandon profond de la psychiatrie"

"Accepterions-nous cela dans le traitement du cancer ?", interrogent quatre psychiatres dans une tribune publiée mardi 15 avril dans Le Monde. Réunis en collectif, ils alertent sur la crise aiguë d'approvisionnement en médicaments psychotropes essentiels. Depuis plusieurs mois, la quétiapine, indiquée dans la prise en charge de certaines dépressions, des troubles bipolaires et de la schizophrénie, connaît ainsi "une rupture d'approvisionnement totale", rappellent les Prs Philippe Fossati (La Pitié-Salpêtrière, AP-HP) et Raphaël Gaillard (Sainte-Anne, Paris) et les Drs David Gourion et Marc Masson, psychiatres libéraux à Paris.

"Aujourd’hui, la liste des médicaments en situation de pénurie plus ou moins critique s'allonge : sertraline et venlafaxine, antidépresseurs de référence ; lithium, indispensable aux patients bipolaires, avec date de remise à disposition 'indéterminée' ; et même l'olanzapine à libération prolongée, réservé aux formes les plus difficiles à stabiliser, indisponible à cause d’une défaillance de fabrication des aiguilles d’injection​", pointent les signataires de cette tribune.

Débat des lecteurs

Après l'angine et la cystite, faut-il autoriser les pharmaciens à prendre en charge davantage de pathologies "simples"?

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François Pl

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Petit extrait d'une interview du Dr C. Recchia : "avoir une angine en hiver est presque devenu… banal. Pourtant, comme l’explique... Lire plus

Une situation dramatique, d'autant que "chaque rupture de traitement est susceptible de provoquer des décompensations aiguës, des souffrances psychiques insupportables, et surcharge davantage des services psychiatriques déjà saturés", alertent ces psychiatres, qui relèvent qu'"environ 20% des patients bipolaires non traités décèdent par suicide​".

Des "traitements pourtant nécessaires et innovants", et "validés ailleurs en Europe", "restent absents du marché français"

"Fragilité des chaînes d’approvisionnement, dépendance à des sites industriels étrangers uniques, stratégies commerciales des laboratoires pharmaceutiques privilégiant des marchés plus rentables, régulation des prix en France jugée insuffisamment attractive par les fabricants"… Les causes de ces pénuries sont "multiples", avancent les signataires. Ceci a pour conséquence que des "traitements pourtant nécessaires et innovants", et "validés ailleurs en Europe", "restent absents du marché français", constatent-ils.

"Ainsi, un traitement comme la cariprazine, recommandé internationalement pour la schizophrénie, reste indisponible en France faute d'accord sur le prix, privant les patients français d'options thérapeutiques modernes pourtant utilisées ailleurs", déplorent ces psychiatres, pour qui les réponses des pouvoirs publics "restent largement insuffisantes". "Cette crise révèle un abandon profond de la psychiatrie, comme si la santé mentale ne méritait pas la même attention que d’autres pathologies."

"Derrière ces ruptures de stock", pourtant, "se jouent des vies entières, des trajectoires brisées, des familles épuisées", tiennent-ils à souligner. Et d'appeler l'Etat à agir "maintenant" : "Il est urgent que les autorités prennent conscience de l'ampleur du problème et agissent avec détermination : relocaliser les productions essentielles, revaloriser économiquement les médicaments indispensables, garantir l’accès à des innovations thérapeutiques validées internationalement."

En effet, "abandonner les malades mentaux ne peut pas être un choix politique acceptable dans une société qui se veut solidaire et alors que la santé mentale a été déclarée grande cause nationale en 2025", lancent-ils.

[avec Le Monde]