Ils se disent "cassés", "usés", "à bout". Les personnels au chevet des personnes âgées sont en grève ce mardi 30 janvier pour réclamer davantage de moyens afin de s'occuper "dignement" des aînés, une mobilisation nationale inédite. La ministre de la Santé a assuré comprendre cette colère et a déjà débloqué des fonds en urgence. L'Ordre des médecins a apporté son soutien à la journée de mobilisation.
A l'appel d'une large intersyndicale (CGT, CFDT, FO, Unsa, CFTC, CFE-CGC et SUD), avec le soutien de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) et de plusieurs associations de retraités, des débrayages sont prévus ce mardi dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et dans des services d'aide et de soins à domicile.
Des rassemblements sont également organisés sur tout le territoire. A Paris, il est prévu à 14h devant le ministère des Solidarités et de la Santé, où une délégation doit être reçue. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a annoncé sa participation au rassemblement parisien. "Je peux vous assurer qu'il y aura du monde", a pour sa part prédit le leader de la CGT, Philippe Martinez. Depuis plusieurs mois, les personnels réclament "davantage de moyens humains pour plus de dignité". En 2017, une centaine de grèves dans des Ehpad ont été recensées, dont la plus médiatique aux Opalines à Foucherans (Jura), a duré près de trois mois. "On a entre 12 et 15 toilettes à faire par matinée, on n'a plus de temps d'écoute, de sorties... Ceux qui peuvent encore marcher, on les met dans un fauteuil, ça va plus vite. Pour faire manger les résidents, c'est un à chaque bras", avait témoigné jeudi Sandrine Ossart (CGT), aide-soignante à Nantes depuis 26 ans, "à bout". Pour elle, cette journée de mobilisation "attendue depuis dix ans" sera l'occasion "de dire qu'on est cassés, usés". Des témoignages similaires sont apparus sur twitter avec le hashtag #balancetonEhpad. En octobre déjà, des représentants syndicaux avaient adressé une lettre à Emmanuel Macron pour lui signaler une "situation explosive". A quelques jours de la grève, ils avaient obtenu un rendez-vous à l'Elysée lundi avec une conseillère du président, "mais il a été annulé vendredi", a affirmé à l'AFP Bruno Lamy (CFDT). Deux revendications dominent : l'application d'un ratio d'1 agent par résident, contre 0,6 en moyenne actuellement, et l'abrogation d'une réforme contestée de la tarification, qui prévoit de faire converger progressivement jusqu'en 2023 les dotations aux Ehpad publics et privés. Cette dernière va "aggraver davantage la situation financière des Ehpad publics" et conduire à des "suppressions de postes", affirment les grévistes. En urgence, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé le déblocage de 50 millions d'euros supplémentaires, fléchés par les ARS en direction des établissements en difficulté. Une somme jugée insuffisante par les syndicats. En déplacement vendredi dans un établissement de la région parisienne, elle a regretté une forme d'"Ehpad bashing" disant vouloir "rassurer les familles". Des enquêtes de satisfaction seront menées auprès des résidents en 2019. S'exprimant sur France 2, la ministre de la Santé a estimé que cette colère était "justifiée (…) Je comprends l'épuisement des personnels (…) D'ailleurs nous avons en septembre mis e place un groupe de travail sur la qualité de vie au travail dans les Ehpad et sur les carrières", a-t-elle ajouté, disant attendre ses "recommandations". Ces dernières années, "les besoins en personnel ont augmenté sans que forcément les financements suivent", a concédé Agnès Buzyn, rappelant que "les personnes âgées qui arrivent en Ehpad sont de plus en plus dépendantes" en raison du développement du maintien à domicile. Pour 2018, "ces besoins ont été anticipés" et "beaucoup plus d'argent est prévu", a insisté la ministre, évoquant les "100 millions d'euros supplémentaires" prévus par le budget de la Sécurité sociale, auxquels elle a "rajouté" la semaine dernière 50 millions d'euros pour les établissements en difficulté. "C'est déjà énormément d'argent", a-t-elle insisté, rejetant l'idée d'aller au-delà. "Le budget des Ehpad" est celui qui va "le plus augmenter dans tout le budget" de la Sécu, a-t-elle fait valoir. Lancée sur change.org, une tribune réclamant plus de moyens pour les Ehpad, co-rédigée par les Drs Patrick Pellloux, Christophe Prud'homme (Amuf) et Sabrina Ali Benali (interne en médecine des hôpitaux de Paris) avait déjà recueilli 405.553 signatures, ce mardi. Le mouvement est soutenu par le conseil national de l'Ordre des médecins, et pour les politiques, par Les Républicains, la Nouvelle gauche et la France insoumise. [avec AFP]
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