"En ville, il faut toujours se battre" : Une généraliste de Mayenne dénonce l’hospitalo-centrisme

07/05/2020 Par Louise Claereboudt
Alors que les généralistes du département se sont organisés pour prendre en charge les patients Covid, le Dr Tiphaine Heurtault déplore que le principal centre hospitalier de Mayenne ait initié le suivi d’une cinquantaine de malades “sans tenir compte des acteurs de l’ambulatoire”. Pour Egora, la praticienne raconte le difficile lien avec l’hôpital en pleine épidémie de coronavirus.
 

Huit centres Covid et des centaines de professionnels libéraux mobilisés. Si pour l’heure, la Mayenne n’a pas été touchée autant que d’autres départements par l’épidémie de coronavirus, les médecins et acteurs de terrain se sont dès le départ organisés pour prendre en charge les cas suspects et les malades atteints du Covid-19. Mais alors que le déconfinement pointe le bout de son nez, le suivi des patients reste encore difficile à mettre en œuvre. Alors que les généralistes disposent déjà de plateformes et de structures pour organiser ce suivi, le Dr Tiphaine Heurtault, 41 ans, dénonce les façons de faire du principal centre hospitalier du territoire (GHT). En cause : le GHT a “imposé son logiciel de suivi” pour une cinquantaine de patients “sans tenir compte de nos besoins”, déplore la praticienne qui exerce à Mayenne dans un important Pôle santé. Ce manque de considération de l’ambulatoire irrite la généraliste qui constate, de fait, des suivis en parallèle.

“Une minorité de patients sont suivis par l’hôpital et la grosse majorité par leurs médecins généralistes”, explique-t-elle, précisant que les professionnels de terrain - qui suivent 1.400 malades* - ont appris la nouvelle “un peu par hasard” au détour d’une réunion de crise. Pour la cinquantaine de personnes suivies par l’hôpital, Tiphaine Heurtault indique que leurs médecins ne sont pas toujours tenus au courant de leur situation.   L’ARS aux abonnés absents “On perd beaucoup d’énergie, nous généralistes, et puis c’est très dommageable pour les patients, car certains risquent de passer entre les trous de la raquette”, regrette-t-elle. Alors avec ses confrères et consoeurs, qui se sont positionnés de manière unanime contre...

ce suivi initié par l'hôpital, le Dr Heurtault s’est tournée vers l’ARS.  Mais d’après la généraliste, elle n’a pas véritablement obtenu la répondu qu’elle souhaitait recevoir. “Elle nous a demandé gentiment de tous nous mettre d’accord”, raconte-t-elle, dénonçant cette inaction. “S’il n’y a pas un pilote dans le navire et que tout le monde va un peu de son côté, c’est le meilleur moyen pour qu’il y ait des patients qui passent à la trappe [...] Dans cette période épidémique, ça peut être dramatique”, estime la généraliste.

Cette dernière a le sentiment de passer au “troisième plan”, bien après les intérêts de l’hôpital. “On a l’impression qu’il y a eu une gestion très rapide, et nécessaire bien sûr, des services de réanimation et d’urgence. Par contre, pour ce qui est de l’ordre des soins ambulatoires, du médico-social et du social, c’est plus compliqué.” Difficile à comprendre pour la généraliste, d’autant que le territoire, contrairement à d’autres, n’a pas été pris de court.     Dualité ville-hôpital La période de crise sanitaire a cristallisé les dysfonctionnements qui existent entre la ville et l’hôpital. “En ville, il faut vraiment se battre, raconte la praticienne. Il faut montrer qu’on existe, qu’on est structurés et qu’on est en mesure de faire des choses.” Selon le Dr Heurtault, également présidente d’une plateforme d’appui libérale à l’exercice coordonné (PALEX), cette dualité ville-hôpital n’est en effet pas nouvelle et résulte d’une méconnaissance. “Ils ne connaissent pas l’ambulatoire. Ce n’est pas un médecin traitant tout seul, on a des ressources !” défend la généraliste exaspérée par cet hospitalo-centrisme.   *Du 23 mars au 24 avril, 3.000 appels régulés en libéral pour des suspicions Covid. Plus de 1.000 patients ont été vus et examinés par des médecins généralistes volontaires dans les centres Covid de Mayenne. Et 1.400 personnes ont été suivies en ambulatoire.  

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