Dix propositions de loi et des tonnes d'amendements : la liberté d'installation des médecins plus que jamais menacée

28/09/2022 Par Aveline Marques

Pour échapper aux mesures coercitives, la CSMF entend négocier une convention qui donne les "moyens" aux médecins libéraux de répondre aux défis de l'accès aux soins. Mais entre examen du PLFSS 2023 et assauts législatifs du groupe de députés "transpartisan" contre les déserts médicaux, l'automne promet d'être mouvementé.   Et de 10. Ce mardi 27 septembre, la CSMF a appris le dépôt d'une nouvelle proposition de loi coercitive à l'Assemblée nationale. Le texte s'ajoute aux 9 "PPL" restreignant la liberté d'installation déjà enregistrées, portées notamment par le groupe "transpartisan" de lutte contre les déserts médicaux lancé par le député socialiste Guillaume Garot, bête noire des médecins libéraux (et réciproquement). Sans oublier les très nombreux amendements attendus sur le PLFSS 2023, qui sera examiné par les députés de la commission des Affaires sociales à partir du 10 octobre. Pour contrer l'offensive, la CSMF fourbit ses armes. La régulation à l'installation, "ça ne marche pas", a tenu à rappeler d'emblée le Dr Franck Devulder, lors d'une conférence de presse organisée ce mercredi 28 septembre, citant les (mauvais) exemples internationaux ainsi qu'un rapport de la Drees, publié en décembre 2021, qui montre les effets pervers de telles mesures :  les médecins qui servent dans ces territoires non attractifs le font de manière contrainte, ils ne restent pas en général après leur période d’engagement, voire se détournent de ce type d'exercice par la suite. "Le risque est grand pour le système de santé, souligne d'ailleurs le président de la CSMF. On manque de médecins partout" et dans toutes les spécialités, rappelle-t-il. Plutôt que d'être déracinés, les jeunes médecins pourraient être tentés par les postes salariés à l'hôpital ou par ces centres de soins non programmés qui fleurissent sur le territoire, "alors que ce dont nous avons besoin c'est avant tout de médecins traitants qui suivent les patients", insiste Franck Devulder. Six millions de patients n'ont pas de médecin traitant*, dont 650 000 patients en ALD, martèle-t-il. Autre argument : les infirmières et les kinés libéraux, deux professions aux effectifs confortables déjà soumises à la régulation à l'installation, sont en réalité moins bien répartis sur le territoire que les médecins généralistes, relève le dernier rapport charges et produits de la Cnam. Affichant une politique faite de "droits et de devoirs", "de liberté et de responsabilité", la CSMF s'engage néanmoins à répondre aux besoins de santé de la population par d'autres moyens, qu'elle entend négocier dans la prochaine convention. Pour "libérer du temps médical" et permettre aux médecins de prendre en charge plus de patients, mais moins souvent, la confédération promeut une hiérarchisation des actes en quatre niveaux de rémunération, corrélés à leur fréquence. Dans ce modèle, la consultation de base est portée à 30 euros. La consultation de niveau 2, plus longue, à 60 euros, serait quant à elle dédiée aux nouveaux patients ainsi qu'aux patients chroniques stabilisés que le médecin ne verrait plus qu'une à deux fois par an, tandis que d'autres professionnels de santé (les infirmières en pratique avancée notamment) assurent le suivi régulier. Les consultations de niveaux 3 (75 euros) et 4 (105 euros), complexes et très complexes, sont plus rares. Face au gaspillage de temps médical que représentent les millions de rendez-vous non honorés chaque année, le syndicat réclame une "campagne de sensibilisation" en appelant au civisme des Français. Mais si elle ne produit pas ses fruits, il ne faudra "rien s'interdire". S'il est impossible de facturer une consultation qui n'a pas eu lieu, les pénalités financières sont "légales", estime Franck Devulder. Le gastro-entérologue a également demandé à Doctolib et aux autres plateformes de prise de rendez-vous de prendre des mesures supplémentaires face à la prolifération des lapins : permettre aux médecins de blacklister un patient indélicat au niveau de tout un cabinet (et non praticien par praticien), interdire de prendre en même temps plusieurs rendez-vous chez plusieurs médecins d'une même spécialité, ou encore mettre en place un système de confirmation dans les SMS de rappel. Autre axe fort : le développement de l'exercice coordonné, sous toutes ses formes (équipes de soins primaires, équipes de soins spécialisées, CPTS, MSP, IPA, infirmières Asalée…). Il faut accompagner les médecins vers un "modèle entrepreneurial" d'exercice, où le médecin travaille et gère une équipe, insiste la CSMF. Enfin, souligne la confédération, il est urgent de "renforcer l'attractivité des professions de santé", quelles qu'elles soient. "Balancer un jeune dans un territoire désertique", comme l'envisage le Gouvernement avec la future 4e année d'internat de médecine générale, va à l'encontre de cet objectif, estime le syndicat. D'autres mesures peuvent être prises : permettre aux médecins en cumul emploi-retraite de cotiser en acquérant de nouveaux droits à la retraite, ou encore supprimer les "certificats abusifs". Si les ministres François Braun et Agnès Firmin Le Bodo ont d'ores et déjà manifesté leur opposition aux mesures coercitives, il demeure que la "régulation à l'installation" figure bel et bien dans le programme d'Emmanuel Macron. Quant au groupe transpartisan, qui réunit plus de 50 députés, il "est suffisamment fort pour faire passer des mesures coercitives sous forme d'amendements au PLFSS", qui pourraient recevoir le soutien de députés LREM pressés par leur électorat de faire quelque chose contre les déserts médicaux, relève Franck Devulder. Par ailleurs, l'article 22 du projet de loi ouvre la porte à telles mesures, renvoyées au champ conventionnel, en prévoyant de conditionner "le cas échéant" le conventionnement d'un professionnel de santé à sa formation, à son expérience ainsi qu'à sa "zone d'exercice", s'inquiète le syndicat, qui milite pour sa suppression. L'automne promet donc d'être mouvementé.   *Trois millions n'en ont plus, l'autre moitié n'en a jamais eu.

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