
Crédit : Cloé-Ava Meininger
"Est-il devenu socialement acceptable de casser du médecin généraliste ?" : le CMGF s'ouvre en fanfare
Le Congrès médecine générale France (CMGF) s'est ouvert ce jeudi au Palais des Congrès de Paris. Une 18e édition, placée sous le signe de la musique, qui connaît un taux de participation "record" avec quelque 5.000 personnes "inscrites et présentes", dont une large majorité de généralistes et d'internes. Lors de la cérémonie d'ouverture, le Pr Paul Frappé, président du Collège de médecine générale (CMG), a évoqué quelques faits d'actualité, parfois teintés de fausses notes.

Crédit : Cloé-Ava Meininger
La note était juste et l'accord maîtrisé. Car la partition jouée ce matin, lors de la cérémonie d'ouverture du CMGF 2025, a permis de mettre en musique tant les parallèles possibles entre un négociateur du GIGN et un médecin généraliste (voir ci-dessous), que les évolutions portées par le CMG ou les potentielles "dissonances" entre les pouvoirs publics et le terrain. Une édition placée sous le signe de la musique qui, "comme notre médecine, est à la fois art, science et technique, qui (…) écoute autant qu’elle s’exprime, et sait innover sans renier son authenticité", a rappelé le CMG.
"La musique est partout en médecine générale, a lancé Paul Frappé, président du CMG. Dans nos examens cliniques, dans les traitements médicamenteux que nous prescrivons et même dans les motifs de consultation et les certificats que nous établissons…" Et bien au-delà des cabinets médicaux, celle-ci éclaire des enjeux car "si la musique actuelle a son auto-tune, la politique a sa fenêtre d'Overton pour modifier le champ des discussions et permettre à des idées de devenir acceptables", a rappelé le médecin généraliste installé en maison de santé à Saint-Etienne (Auvergne-Rhône-Alpes).
Forme-t-on trop de médecins ?

Fabien Bray
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Je vais me faire l'avocat du diable. On en a formés trop peu, trop longtemps. On le paye tous : Les patients galèrent à se soigne... Lire plus
Rappelant que ce concept – qui représente l’ensemble des idées "considérées comme marginales [avant de devenir] acceptables" – n'est "pas statique", à l'exemple de "l'IVG et plus récemment l'euthanasie" qui ont intégré le champ des idées "publiquement dicibles", Paul Frappé s'interroge : "Quand on voit depuis quelques années les messages lancés par certains à l'endroit de la médecine générale, on peut se demander où ils cherchent à déplacer cette fenêtre d’Overton… Quel est leur message ? qu’il n’y a pas de compétence propre à acquérir pour exercer la médecine générale ? qu'elle ne sert à rien sinon à photocopier des ordonnances ? ou qu'il est socialement acceptable de casser du médecin généraliste ? que le médecin doit être asservi telle une servante écarlate devant la religion du populisme ?"
Des questions légitimes, à ses yeux, notamment avec "le dernier exemple en date", la proposition de loi Garot qui souhaite interdire l'installation dans les zones les mieux dotées "avec pour seul argument d’être 'moins pire' que les autres mesures coercitives proposées jusqu’ici. C’est dire…" Tel des "pompiers pyromanes, tout un chacun se défendra d’avoir de telles intentions, mais l'ambivalence en politique n'est pas un fait nouveau", déplore le président du CMG, qui souhaite, par le congrès, montrer "toute la valeur [du] beau métier" de généraliste.
Nous sommes le lithium du peuple, dans un système devenu bipolaire
"Doit-on considérer les médecins généralistes comme les véritables stars de la médecine ?" Citant un billet des spécialistes qui, données scientifiques à l’appui, détaille l’efficacité du métier de médecin généraliste, Paul Frappé rappelle qu'avoir un médecin traitant au long cours "réduit la mortalité", et qu'en tant que "cheville ouvrière du système de santé", ce dernier assure des "missions clés dans la prise en charge de pathologies chroniques toujours plus fréquentes et dans l'initiation à la prévention, qu'il diminue le coût des soins de santé de 22% – et ce n'est pas rien –, tout en réduisant les inégalités de santé". Une fonction donc de "régulateur", "primordiale pour la stabilité et la pérennité du système de santé", précise le généraliste stéphanois, également professeur des universités à la faculté Jean-Monnet Saint-Etienne : "Nous sommes le lithium du peuple, dans un système devenu bipolaire, à atténuer d’un côté une surconsommation de soins attisée par l’hyperinformation et les certificats, et de l’autre un sous-recours aux soins et à la prévention, vecteur d’inégalités de santé".
Mais "malgré ces coups de boutoir", la médecine générale ne se construit "pas sans les autres, et encore moins contre les autres", assure Paul Frappé, qui estime qu'il faut "un cadre partagé" : "Un cadre clair qui reconnaisse chacun à sa place, qui remette les points sur les i, qui raccroche les notes sur leur portée."
Ainsi, le nouveau référentiel professionnel, qui sera présenté vendredi matin au congrès, permettra "de nommer un médecin généraliste un médecin généraliste comme on nomme un chat un chat". Avec notamment les caractéristiques pour définir une offre de soins de médecine générale, mais aussi les valeurs, missions et compétences des médecins généralistes, ainsi que les engagements sur lesquels ils prennent leurs responsabilités. Mais aussi, la liste de tous les exercices qui coexistent actuellement dans le kaléidoscope des diplômés de médecine générale. D'où l'enquête lancée par CMG et le Conseil national de l’Ordre des médecins et à laquelle "pas moins de 13 000 médecins généralistes ont répondu". Typologie de l’offre de soins délivrée, temps de travail : les résultats seront eux aussi communiqués demain, vendredi.
Ce référentiel et cette enquête permettront "de reconnaitre la place de chacun pour lui rendre sa juste valeur", précise Paul Frappé, citant notamment les remplaçants, "trop souvent oubliés alors qu’ils sont précieux, indispensables à l’équilibre professionnel et personnel des installés". D'où son visuel de champignon choisi pour illustrer son propos "parce qu’un remplaçant, c’est un peu comme un coin à champignons, quand tu en as trouvé un bon, tu le gardes pour toi".
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