Les signaux d'alarme se multiplient: enquêtes de santé publique, consommation de médicaments, inquiétude des hospitaliers, relayée par le gouvernement... Mais paradoxalement, les psychiatres libéraux ne sont pas plus débordés qu'avant la crise sanitaire. Les données de l'Assurance maladie en attestent: à part une chute d'activité en mars-avril pendant le premier confinement et l'habituel creux estival en juillet-août, leur activité est restée stable depuis le début de l'année, oscillant entre 200.000 et 250.000 consultations par semaine. Même constat du côté de Doctolib, qui n'enregistre "pas d'augmentation" des prises de rendez-vous en ligne depuis la rentrée, y compris chez les psychologues, alors que les autorités sanitaires font état d'un doublement des "syndromes dépressifs" entre septembre et novembre. Pourquoi un tel décalage ? Sans doute d'abord à cause des capacités limitées de la profession. "La saturation de la filière psychiatrique, c'est pas nouveau", reconnaît Maurice Bensoussan, président du Syndicat des psychiatres français, bien placé pour savoir que les 4.600 libéraux "travaillent à flux tendu depuis longtemps" et sont, période de Covid ou pas, "de toute façon submergés de demandes de nouveaux patients". La crise sanitaire n'a donc pas bouleversé l'exercice de ce praticien installé à Colomiers (Haute-Garonne), même si l'épidémie "augmente le niveau de stress" et est "propice à l'angoisse". Mais c'est selon lui sans commune mesure avec "les patients les plus lourds que les collègues hospitaliers ont pu voir arriver lors de la première vague, avec son aspect de confinement très strict".
De même, Thierry Delcourt, pédopsychiatre et vice-président du Syndicat national des psychiatres privés, n'observe "pas une déferlante" dans son cabinet de Reims (Marne). Un peu plus de patients certes, mais c'est "une vague assez ciblée" sur deux catégories, avec d'une part "énormément de soignants qui ne vont pas bien" et de l'autre "une recrudescence des situations de détresse économique". Rien de comparable encore une fois avec un printemps "terrible" durant lequel "les patients ne sont pas venus, certains se sont retrouvés errant en ville, d'autres renfermés chez eux", se souvient le spécialiste. "On se débrouille sans eux" Les établissements psychiatriques ont pourtant dû traiter ces derniers mois des cas graves chez des personnes sans antécédents. Plusieurs figures du secteur ont pointé la semaine dernière "les conséquences du Covid" et affirmé que "tout le monde peut basculer". De fait, la prescription de médicaments a augmenté: de mars à septembre, les pharmacies ont délivré un million de traitements anxiolytiques, et un demi-million de boites de somnifères de plus qu'attendu. Mais souvent ces derniers sont prescrits directement par les généralistes, que les patients en souffrance privilégient soit pour des questions de délais à obtenir un rendez-vous, soit par réticence à consulter un "psy". "Depuis mars, on voit beaucoup plus de patients qui supportent mal l'isolement et le confinement", indique Alice Perrain, médecin généraliste à La Croix-en-Touraine (Indre-et-Loire) et secrétaire générale adjointe du syndicat MG France. "Mais ce ne sont pas des gens qu'on va adresser aux psychiatres" car dans les environs "il y en a très peu et on a six mois d'attente pour ceux qui prennent des nouveaux patients", explique-t-elle, assurant avoir "appris à se débrouiller sans eux depuis très longtemps", en travaillant "beaucoup avec des psychologues libéraux". Une pratique qui se heurte à l'absence de remboursement par la Sécu, sauf dans quatre départements (Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne, Landes, Morbihan) où une expérimentation est en cours depuis plus de deux ans.
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