Délaissés, exploités, humiliés : le "j'accuse" des étudiants en santé
"Je me suis cachée plusieurs fois dans les toilettes pour pleurer." "Pendant longtemps, je pensais ne servir à rien et j’étais complètement paumée au point de penser au suicide." "J'ai eu droit au fameux : 'Si t’es pas capable de supporter un décès, t’es pas faite pour ce métier !'". Ces témoignages d'étudiants en santé sont extraits de l'ouvrage "Omerta à l'hôpital", publié début 2017 par le Dr Valérie Auslender. Trois ans et demi, plusieurs rapports, plans d'actions et réformes plus tard, le mal-être des étudiants en santé est toujours aussi profond. Et la crise sanitaire n'a fait que le "mettre en exergue", soulignent les organisations représentatives des étudiants en santé dans un rapport sur la santé mentale des futurs soignants, qui vient d'être remis au ministère de la Santé.
Dans une lettre ouverte inspirée du célèbre article d'Emile Zola sur l'affaire Dreyfus, ces fédérations et syndicats accusent les politiques publiques "du manque d’investissement criant dans notre formation de soignants de demain, altérant la qualité de notre enseignement et notre santé mentale", "de leur indifférence face à la maltraitance en stage des étudiants en santé", "d'abandonner notre système de santé qui se trouve contraint d’exploiter ses soignants de demain", et "du peu de considération accordée à la détresse psychologique touchant nombre d’entre nous". Les chiffres, révélés par les enquêtes successives menées par les organisations étudiantes, parlent d'eux-mêmes : " 80% des étudiants en maïeutique se sentent plus stressés depuis qu’ils sont rentrés dans la formation, 31,3% des étudiants en soins infirmiers prennent des anxiolytiques, 27,7% d’étudiants en médecine présentent des signes de dépression, 14,88% des étudiants en chirurgie-dentaire affirment avoir déjà dû consulter un professionnel de santé mentale".
Alors que les promesses du Ségur sont insuffisantes et que leur réalisation se fait attendre, les associations formulent une série de propositions portant sur la formation théorique et pratique, sur l'accompagnement psychologique des étudiants ou encore sur la question de la précarité financière dans laquelle se trouvent bon nombre d'entre eux. Sur le plan théorique, ils demandent par exemple une meilleure...
information des lycéens souhaitant s'engager dans les filières santé, des formations pratiques sur la relation soignant/soigné, le développement de formats pédagogiques alternatifs aux cours magistraux, la mise en place d'un contrôle continu, d'évaluation sur des compétences transversales ou des notions fondamentales, ou encore d'un mentorat enseignant-étudiant. S'agissant des stages, générateurs de risques psycho-sociaux, les étudiants réclament une évaluation des terrains de stage, la possibilité de signaler un événement indésirable grave, de réviser l'agrément d'un maitre de stage universitaire ou d'un lieu de stage qui cumulerait les évaluations négatives ou encore de sanctionner un terrain de stage ne respectant pas les textes réglementaires sur le temps de travail, notamment. Par ailleurs, ils veulent une revalorisation des indemnités de stage à hauteur de 3.90 euros de l'heure pour tous les étudiants en santé (hors 3e cycle).
Les organisations réclament, enfin, des garanties sur la continuité de leur formation durant la crise sanitaire. Ils demandent un arrêté "empêchant l’interruption de formation pour l’ensemble des étudiants en soins infirmiers du territoire", "des cours en distanciel suffisamment bien construits pour ne pas en altérer la qualité pédagogique" et souhaitent que soit écrit noir sur blanc qu'"aucun étudiant en santé ne soit mobilisé plus de deux semaines par semestre" (le cas échéant, sous forme de CDD), et que la réaffectation des étudiants du 3ème cycle se fasse "uniquement sur la base du volontariat". "La situation est dramatique, et n’ira pas en s’améliorant : si la détresse des étudiants s’est aggravée avec la Covid, il serait illusoire de croire que la sortie de la crise sanitaire permettra de faire disparaître le problème", concluent-ils.
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