Alternatives

Régulation de l'installation des médecins : la contre-offensive de la CSMF

A quelques jours de la grève des médecins contre la proposition de loi Garot, la CSMF a présenté ses alternatives pour améliorer l'accès aux soins des Français sans toucher à la liberté d'installation, gage d'attractivité.  

23/04/2025 Par Louise Claereboudt
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Alors que François Bayrou doit présenter, ce vendredi 25 avril, plusieurs propositions pour lutter contre les déserts médicaux, la CSMF a tenu à envoyer "un message clair" au Premier ministre et, plus globalement, à l'ensemble des décideurs politiques. "Notre message, c'est stop à la coercition et passons aux solutions", a lancé le président du syndicat, le Dr Franck Devulder, ce mercredi matin, lors d'une conférence de presse organisée à Paris. A cinq jours du début de la grève des médecins contre la proposition de loi Garot, ce rendez-vous sonnait comme un dernier cri d'alerte. "Ce mouvement de grève inquiète le ministère, mais pas seulement", a affirmé le Dr Devulder. "La détermination est entière ; on a rarement vu autant de médecins qui veulent manifester et faire la grève de la permanence des soins", a ajouté le président de la Conf', qui n'appelle pas officiellement à la fermeture des cabinets : "C'est un principe de réalité. On a sondé nos sympathisants et on voit bien que ça prendra difficilement." La grève des gardes et du service d'accès aux soins (SAS) doit s'avérer, elle, bien plus efficace et surtout plus "contraignante" pour les autorités. 

Si la CSMF a pris toute sa part dans cette mobilisation, c'est parce que "la coercition, ça ne fonctionnera pas", a insisté son président face à la petite dizaine de journalistes présents ce matin. "Car contrairement à ce que dit Guillaume Garot", ce que sa PPL transpartisane propose, "ce n'est pas de la régulation, c'est de la coercition". 

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"Vouloir contraindre les seuls médecins libéraux à aller s'installer là où on l'a décidé à leur place, nous sommes intimement convaincus que non seulement ça ne marchera pas, mais que ça fera fuir les plus jeunes de nos confrères de l'exercice libéral, et finalement ça va aggraver la situation de l'accès aux soins en France", a déclaré Franck Devulder, qui, en préambule de sa conférence de presse, avait souhaité rétablir "la vérité des chiffres" qui circulent sur la démographie médicale. "On n'a jamais été aussi nombreux, mais cette augmentation est en trompe l'œil", a-t-il alerté, soulignant la baisse du nombre de médecins en activité régulière et celle, "significative", du nombre de médecins traitants, face à la hausse des effectifs de praticiens salariés, intermittents ou en cumul emploi-retraite.

Le Dr Devulder a également fait part de sa franche opposition au rétablissement de l'obligation de gardes, prôné par le groupe transpartisan. "Aux dires du conseil de l'Ordre, si on prend la permanence des soins ambulatoires, 97% du territoire national est couvert en PDSA le week-end, 93% du territoire est couvert en première partie de nuit." Ce taux tombe à 27% en nuit profonde, mais cela résulte d'une "volonté politique, une volonté des ARS", qui considèrent "que le nombre d'appels en nuit profonde est trop faible pour mettre en place une organisation de PDSA", assure le président de la CSMF. 

Au-delà de la proposition de loi Garot, dont les discussions doivent reprendre à l'Assemblée le 6 mai prochain, une autre menace pèse sur les médecins libéraux. Une proposition de loi déposée par le sénateur LR Philippe Mouiller entend, notamment, conditionner l'installation des médecins libéraux "à une autorisation préalable qui serait conditionnée, pour les médecins généralistes exerçant en zone sur-dense, à un engagement d'exercice à temps partiel en zone sous-dense". "S'agissant des spécialistes, cette autorisation serait conditionnée, en zone sur-dense, à la cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone", sauf dérogations.  

Je ne pense pas qu'il faille un médecin dans les 36 000 communes françaises

"On fait peser une responsabilité chaque jour plus importante [sur les] médecins libéraux qui sont installés […] et, demain, à ceux qui oseraient franchir le pas de l'installation", s'est indigné le président de la CSMF. Face à ces solutions "simplistes" et "populistes", la Conf' est déterminée à agir. Elle a fait part de ses idées aux cabinets des ministres de la Santé, Yannick Neuder et Catherine Vautrin, ainsi que du ministère de l'Enseignement de la Recherche et de l'Innovation, il y a un peu plus d'une semaine dans le cadre de réunions bilatérales. Idées que la CSMF a souhaité partager avec la presse ce mercredi. Déclinées en six grands axes, elles doivent permettre de conserver le principe de la liberté d'installation tout en améliorant l'accès aux soins pour les Français. Premier grand axe, l'organisation territoriale.

La Conf' appelle d'abord les pouvoirs publics à accompagner les médecins qui souhaitent se regrouper (dans des MSP ou ailleurs), "afin d'avoir une offre de soin par bassin de vie et non par commune". "Je ne pense pas qu'il faille un médecin dans les 36 000 communes françaises", a ainsi estimé son président, qui souhaite donner un "rôle" plus important aux communautés de communes pour accompagner les projets architecturaux. Consciente de la responsabilité qui incombe aux médecins libéraux, la CSMF défend une politique "d'aller vers" par le biais notamment de consultations avancées. Mais les praticiens doivent être incités à les effectuer. "On n'attrape par des mouches avec du vinaigre", a jugé le Dr Devulder, pour qui il faut permettre aux médecins qui réalisent des consultations dans des zones sous-denses d'accéder à "un espace de liberté tarifaire solvabilisé". 

"Le 'aller vers'" doit se faire "dans les deux sens", a ajouté le syndicaliste, qui milite pour que les communautés de communes déploient une solution de transport pour faire venir les patients dans les lieux de soins. "Un blablacar 'accès aux soins'", a illustré le Dr Luc Duquesnel, président de la branche des généralistes de la CSMF, pour qui il s'agit ni plus ni moins que d'"aménagement du territoire". Autre mesure qui pourrait être soutenue par le Gouvernement : favoriser et accompagner les médecins à poursuivre leur activité en cumul emploi-retraite "par des mesures d'allégement de charges et de défiscalisation". "On ne peut pas se passer brutalement de 12% [de l']offre", a mis en garde le Dr Devulder.

La CSMF appelle, en outre, à redéfinir la carte hospitalière et la carte sanitaire des services d'urgences. 

La Conf' consacre le deuxième axe de ses propositions à la formation. D'abord, elle plaide pour universitariser l'internat, avançant que, selon l'Insee, la moitié des médecins exercent à moins de 43 kilomètres de leur université d'internat. Le syndicat défend par ailleurs la proposition formulée par la Conférence des doyens des facultés de médecine de créer un statut d'assistant territorial, qui s'adresserait aux jeunes médecins qui viennent de terminer leur cursus et donnerait droit "à un échelon plus élevé dans l'échelon des praticiens hospitaliers" ou à "un espace de liberté tarifaire solvabilisé" par les organismes complémentaires d'assurance maladie. La CSMF milite également pour l'obligation pour les internes de réaliser deux stages en libéral, un en début d'internat, et un autre au stade de docteur junior, pour toutes les spécialités. Le syndicat appelle également à accentuer le travail des commissions de qualification pour les praticiens à diplôme hors UE (Padhue), "sous l'égide des CNP et du Cnom". Car, à l'heure actuelle, "le statut des Padhue n'est pas digne dans beaucoup d'endroits". 

Il convient par ailleurs de permettre à ces jeunes étudiants français partis faire leurs études de médecine dans d'autres pays de l'Union européenne de "revenir plus facilement" poursuivre leur cycle de formation dans l'Hexagone, a soutenu le Dr Devulder. Leur nombre n'est pas négligeable, a-t-il avancé, "5000 de nos étudiants qui font médecine en dehors de chez nous". 

Troisième axe de travail identifié par la CSMF : la simplification du système. L'enjeu est, en effet, de libérer du temps médical. Ainsi, le syndicat soutient l'auto-déclaration des arrêts de travail de courte durée, "comme on l'a fait durant le Covid", et des arrêts pour enfant malade. Il convient également de "ne réserver les prescriptions de transport qu'au seul transport médical". Enfin, sur ce volet, la CSMF suggère de favoriser l'e-prescription et de supprimer les formulaires "inutiles", comme celui pour les analogues GLP-1, contre lequel le syndicat a appelé au boycott. 

Pour améliorer l'accès aux soins, le syndicat mise par ailleurs sur une coopération accrue avec les autres professions de santé, soutenant le déploiement des assistants médicaux et des infirmières en pratique avancée, qui permettent d'augmenter la patientèle et les files actives. Mais cette coopération "doit se faire dans le cadre d'un exercice coordonné protocolisé", insiste le syndicat. "La délégation de tâche ne doit entraîner aucune perte de chance pour le patient." Enfin, la CSMF concède qu'il faut "accentuer les engagements collectifs de qualité et de pertinence", et souhaite que l'engagement "individuel" soit valorisé. Il apparaît, en outre, nécessaire de responsabiliser les patients "sur les politiques de prévention et le respect du parcours de soins", et de valoriser la prévention dans l'exercice médical.  

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