"Ce fut une de ces histoires où l’on prend conscience du lien fraternel unissant des combattants… La sonnerie du portable retentit dans la nuit, bousculant, poussant hors de la perception les derniers fils du rêve. Lentement, tout se remet en place alors qu’automatiquement je réponds au téléphone. Médecin militaire, je suis en mission à Bouaké, au centre de la Côte d’Ivoire. Il est 3h45, la nuit est noire et moite. Mon auxiliaire de soins m’appelle car une sentinelle, un maître-chien, vient de se faire mordre par une saleté de serpent, un mamba vert, alors qu’elle parcourait le chemin de ronde. Vite, je m’équipe et rejoint mon équipière. Mes gestes sont un peu fébriles, j’exhorte mon esprit à retrouver la conduite à tenir en cas de morsure de serpents, projetant les différents empoisonnements, les produits, les doses, la chaîne d’alerte et d’évacuation. Pas de café, pas le temps.
La douche froide Nous partons fissa en 4x4 tous les deux au nord du camp. Le vent ressenti sur le visage, les cahots de la route, l’humidité de la nuit, l’odeur du treillis porté de la veille, tout se mélange. Je consulte mes fiches pour me rassurer, lisant sans vraiment intégrer les données. On arrive sur place, quelques faisceaux de frontales s’agitent, une ou deux silhouettes se découpent dans la nuit. Une se détache et s’avance, je reconnais une sentinelle. L’autre...
est agenouillée. Je saute du véhicule, saisis mon sac et cours vers eux. Mais où est le gars mordu ? La sentinelle me désigne un berger allemand étendu, haletant au sol… «MAIS C’EST UN CHIEN !» Douche froide, pensées se bousculant dans mon crâne. Soulagement, relâchement de la pression physique et mentale. Je me commence à me relever, me détachant de l’urgence. Le regard du maître-chien me capte, j’y lis le désarroi, la peur, la supplique muette à faire quelque chose. Je réalise que ce chien est un militaire au sol, son compagnon d’armes. Partir est impossible, il faut agir. Situation inédite. Trouver et tirer de son lit un correspondant en pleine nuit, expliquer la situation et les enjeux locaux. Devenir, un temps, un soigneur animalier : check-up clinique, voie veineuse à la patte, perfusion et corticothérapie, surveillance et évacuation à Abidjan dans un second temps. Il sera pris en charge par le véto militaire du détachement. Après quelques jours de convalescence, il retrouvera sain et sauf son compagnon humain… Ce ne fut pas la plus rude des urgences ni la plus difficile, mais elle m’a marqué par son caractère inédit et parce qu’elle rendait compte du lien affectif unissant un maître à son chien."
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