Rémunération... et régulation à l’installation : les deux priorités des lecteurs face aux déserts médicaux

14/12/2021 Par Aveline Marques
Démographie médicale

Plus de 220 contributions en quelques heures à peine. Médecins ou étudiants en médecine, vous avez été nombreux à répondre à notre appel à propositions pour résoudre, à court terme, les difficultés d’accès aux soins et répondre à la problématique de la pénurie de temps médical. Preuve, s'il en faut, de la nécessité d'écouter davantage les principaux concernés… Si la revalorisation de la rémunération des médecins libéraux, en particulier des généralistes, est la préoccupation première des lecteurs d'Egora.fr en amont de l’élection présidentielle, l'idée d'une régulation de l'installation, sous toutes ses formes, fait son chemin. Décryptage de vos réponses.   C'est la priorité numéro 1 des lecteurs d'Egora.fr. Sur les 225 réponses collectées dans le cadre de notre enquête flash* en amont de l’élection présidentielle, pas moins de 30% portent sur une revalorisation de la rémunération des médecins. Certains Egoranautes plaident pour payer davantage la consultation en zone sous-dotée afin de susciter des installations, rejoignant en ce sens la proposition du rapport sur la ruralité remis par le député Jean-Pierre Cubertafon à Jean Castex. Dans la même veine, plusieurs lecteurs réclament une défiscalisation et/ou un allègement de charges pour les professionnels exerçant en zone sous-dotée. Il s’agirait donc de pousser plus loin la logique des zones de revitalisation rurales (ZZR) et des zones franches urbaines (ZFU), où des exonérations d’impôts sont consenties respectivement jusqu’à 5 et 8 ans après l’installation. Un lecteur suggère ainsi d’augmenter la cotation "au fur et à mesure que l'on s'éloigne des grands centres ; 1 euro par kilomètre. Exemple : Montpellier/Sète/Béziers : 25 euros la consultation ; Mèze, à 20 km de Sète, 45 euros. Et en même temps, on diminue les charges Urssaf et Carmf de 1% par kilomètre."

Mais la plupart des répondants appellent de leurs vœux une revalorisation générale des médecins libéraux, en particulier des généralistes, afin de mieux reconnaître leur rôle dans le système de soin, via une augmentation du C à 40 euros, voire à 50 euros, la "moyenne européenne".  

"Augmenter la consultation pour offrir 'un réel service'"
"
Il faut augmenter sérieusement les prix des consultations et visites des MG et en contrepartie déterminer un cahier des charges sur les actes qu’ils doivent pratiquer (ECG, petite chirurgie, actes d'urgence, frottis de dépistage, etc.) afin que les cabinets offrent un réel service et ne soient pas seulement un poste de bobologie et un aiguillage vers les spécialistes, qui devraient être des consultants, le MG restant le référent. Un minimum de gardes est indispensable. Simplification administrative en instaurant un seul interlocuteur pour les tiers payants regroupant Sécu et complémentaires (en attendant la grande Sécu). Ajoutons une réelle formation continue, avec des évaluations (car la pandémie a montré que certains médecins sont des charlatans à qui il ne faut pas confier des malades). Des rencontres avec les médecins hospitaliers pour bien coordonner libéral et hôpital." 
Dr Claude Roth

  Augmenter la rémunération du médecin est aussi la condition sine qua non pour certains au développement du travail aidé : embauche d’une secrétaire médicale, d’un assistant médical à temps plein, voire d’une infirmière … Le but : décharger le médecin de la "paperasse" et de ces tâches chronophages à faible plus-value médicale pour...

pouvoir prendre en charge davantage de patients et se recentrer sur leur cœur de métier.  

Le cabinet, "une petite entreprise"
"Il faut concevoir le cabinet médical libéral comme une petite entreprise et régler le niveau des honoraires de manière à permettre au médecin généraliste d'embaucher du personnel : de cette manière il aura plus de temps disponible et pourra s'occuper d'un plus grand nombre de patients. Il faudra donc concevoir la consultation comme une chaîne avec une première étape avec la secrétaire qui complète le dossier administratif, puis avec l'infirmière collaboratrice qui vérifie le dossier médical, enregistre les motifs de la consultation et renseigne les constantes, prend connaissance des derniers résultats biologiques et note éventuellement une alerte pour le médecin, note également ses constatations cliniques. Le patient est partiellement déshabillé puis le médecin arrive et effectue son examen clinique sans perte de temps, il effectue la synthèse et rédige son ordonnance. Cette consultation prendra 5 à 10 minutes pas plus au médecin. Ceci nécessite des locaux adaptés avec deux ou trois salles d'examen par médecin. Ceci nécessite également d'augmenter le niveau de formation des futurs médecins généralistes en leur permettant d'exercer leurs fonctions d'interne dans des services formateurs avec de réelles responsabilités : pédiatrie, gynécologie-obstétrique, cardiologie, médecine interne, gériatrie."
Anonyme

Pour retrouver du temps médical, d'autres lecteurs plaident pour la suppression des actes "redondants et inutiles" tels les renouvellements d’ordonnance ou la rédaction de certificats médicaux, ou pour l'éducation à la santé dès le plus jeune âge afin de diminuer le recours au médecin pour des "pathologies bénignes". Etonnamment, c'est toutefois la régulation de l'installation qui s'impose comme la priorité numéro 2 des répondants de notre enquête flash : plus de 12% de nos lecteurs plaident soit pour un conventionnement sélectif (installation dans une zone non sous-dotée conditionnée au départ d’un installé), soit pour une obligation d’installation dans un désert à la fin des études, pouvant aller jusqu’à 5 ans ! Plus mesurés, certains veulent rendre obligatoire un stage d’internat dans un désert. Le développement des stages hors CHU, et en particulier en ambulatoire, doit être accéléré, estiment une dizaine de lecteurs.

D’autres, enfin, rappellent qu’un désert n’est pas que médical et que c’est tout le territoire qu’il faut « revitaliser », en y réimplantant des services et des entreprises. Le salariat, dans des MSP ou des centres de santé maillant le territoire, est plébiscité par une douzaine de répondants. Ils sont un peu moins nombreux à miser sur l’exercice coordonné et les transferts de compétences.  

Une MSP sectorisée
"Il faut généraliser les maisons de santé pluridisciplinaires en incluant une pharmacie, un centre d’imagerie, un laboratoire (au moins un site de prélèvement) voire pour les plus grandes un mini bloc opératoire. Il faut rendre la médecine de ville compétente et attractive tout en renforçant son maillage territorial. Ces maisons de santé seraient responsables d’un secteur. L’idée serait que le patient fasse l’essentiel de son suivi (consultations + analyses + traitement) dans une seule maison médicale (hors urgence à distance du lieu de résidence). Tous les professionnels de la dite structure auraient accès à son dossier ce qui faciliterait leur coopération et coordination. Le dossier complet peut ainsi être plus facilement transmis en cas d’hospitalisation, ce qui fera gagner énormément de temps aux médecins hospitaliers et favorisera le lien ville-hôpital. Ce sera le début d’une médecine plus coopérative, pluridisciplinaire (on peut imaginer des programmes de nutrition, activité sportive, conférences d’éducation organisées par la maison de santé…), plus résiliente (moins de doublons, circuit patient plus fluide) et économe. Je pense qu’il faut oublier l’exercice purement libéral en solitaire. Ce n’est plus le modèle souhaité ni par les jeunes professionnels, ni par les patients qui peuvent avoir un suivi chaotique."
Anonyme

  De manière plus marginale, certaines propositions reviennent plusieurs fois... 
Limiter la durée du remplacement à 2 ou 3 ans, faciliter le cumul emploi-retraite (notamment par un allégement de cotisations), rétablir l’obligation de garde, aller aux devants des patients en sillonnant les déserts à bord de « bus » ou de « camion », réduire la durée des études médicales ou encore supprimer les ARS, symboles d’une administration oppressive et dispendieuse. Citons encore l’accès direct au médecin spécialiste, la possibilité pour un installé d’exercer ponctuellement en simultané avec son remplaçant en cas de besoin, l’ouverture du secteur 2 aux généralistes, la régulation des prises de rendez-vous, le droit de stationnement gratuit avec le caducée ou encore le recours plus large aux médecins militaires sur le territoire français. Bref, nos lecteurs ne manquent pas d’idées !  

"Mise en œuvre concertée de tâches déléguées"
"Je demanderais aux syndicats de réfléchir avec le Gouvernement à une solution constructive d’organisation des soins. Cela comprendrait la mise en œuvre concertée de taches déléguées, notamment. J’aiderais les médecins à restaurer l’estime qu’ils ont de leur profession et les missionnerais comme chefs de projets fédératifs. Je ne laisserais pas les CPTS se créer, toucher des subventions sans leur donner des objectifs et des missions nationales et je ferais en sorte que cela ne devienne pas une nouvelle strate de guerre des chefs. J’entamerais une vraie réflexion sur un règlement des médecins au temps passé et pas à l’acte, ce qui serait une incitation à une médecine d’écoute, recherchée par les patients. Je mettrais en place une vraie recertification des médecins, elle me semble indispensable pour le suivi de bonnes pratiques, encore plus au vu des trop nombreux choix individuels de thérapies non agrées proposées aux patients pendant le Covid par des praticiens qui veulent faire à leur guise. Le temps où l’on faisait plaisir aux clients pour garder sa clientèle est révolu. Et aussi, je ne ferais pas peser la pression uniquement sur les soignants. Il faut absolument que les patients soient éduqués et apprennent que le système de santé français dépend aussi de leurs comportements. Enfin je trouverais avec les soignants des solutions pour cesser tous ces ‘certifalacon’ issus du principe de précaution, qui conduit à demander un certificat médical pour mettre de la pommade à l’eau sur les fesses d’un bébé. Quel gâchis de temps médical…"
Dr Marion Lagneau

 

*Mailing adressé le 30 novembre aux médecins et étudiants en médecine inscrits sur Egora.fr

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