L’objectif de leur travail conjoint est une prise en charge optimale de la dépendance et un accompagnement sécurisé et coordonné. Pour cela, 13 syndicats et associations d’étudiants en santé*, dont l’InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (Isnar-IMG) et l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) ont décidé de publier un rapport contenant une série de contributions prônant une “approche décloisonnée du parcours de soin” et une approche “pluridisciplinaire”.
Ces dernières défendent des propositions généralisables à l’ensemble des professions touchées par ces problématiques (kiné, infirmières, orthophonie, psychomotricité, ergothérapie…).
Au total, ce sont 33 propositions qui sont formulées. Ces dernières concernent la formation des professionnels de santé, les nouvelles méthodes de pédagogie, la recherche, la prévention, la prise en charge à domicile, les nouveaux modes de collaborations interprofessionnelles, l’accompagnement dans le troisième âge et le soutien aux aidants. Les organisations étudiantes rappellent par ailleurs qu’en 2070, on estime à deux fois plus nombreuse la population de 75 ans et plus. “Notre système de santé, tel qu’il opère aujourd’hui, ne pourra pas prendre en charge la dépendance de façon optimale : une restructuration apparaît donc nécessaire (...) Chaque professionnel de santé à sa place, son rôle à jouer”, font-elles valoir en guise d’introduction.
Amélioration de la formation
Premier axe de leurs propositions : la qualité de la formation en santé. Les organisations étudiantes proposent d’abord d’améliorer et d’augmenter l’offre de...
stage. “L’offre de stage actuellement proposée aux étudiants de deuxième cycle reste très focalisée sur les Centres Hospitalo-Universitaires (CHU) et ne va que très rarement au-delà de ces frontières. Pour autant, la majeure partie des personnes âgées, dépendantes ou non, est prise en charge en Établissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) ou à domicile. Il serait donc pertinent de diversifier l’offre de stage pour les étudiants en santé, afin qu’ils puissent se former dans un environnement représentatif de la prise en charge de ces patients. L’ouverture de terrains de stage dans des Ehpad et dans des Unités de Soins Longue Durée (USLD) peuvent être des pistes pour atteindre cet objectif”, expliquent-elles, tout en suggérant que le développement des stages interprofessionnels en gériatrie permettrait une meilleure sensibilisation des futurs praticiens de santé aux “particularités de l’exercice”.
Les organisations attendent également que la qualité des stages en gériatrie soit améliorée. “Un encadrement optimisé est nécessaire pour l’apprentissage”, affirment-elles en demandant donc un encadrement adapté. Enfin, elles préconisent de favoriser la prise en charge hospitalière par une formation centrée sur le patient polypathologique. En cela, les organisations attendent de faire reconnaître les spécificités et expertises des médecins exerçant en service de médecine polyvalente. “La création d’une FST de médecine polyvalente est aujourd’hui une nécessité, dans le but d’ouvrir une formation ciblée, adaptée aux compétences requises dans ce domaine précis”, plaident-elles.
Toujours en rapport avec leur formation, les étudiants en santé proposent de mettre en place des séminaires interprofessionnels sur la thématique de la gériatrie, ou le développement d’innovations pédagogiques en formation initiale.
Recherche
En rapport avec la formation, ces organisations préconisent d’augmenter la recherche en soins primaire et d’inclure les patients âgés dans les études cliniques, contrairement à aujourd’hui.
Prévention
L’autre pan important de ces contributions concerne la prévention auprès du patient âgé. Les organisations proposent d’abord de mettre en place des consultations de prévention en médecine générale. “Nous souhaitons donc développer une consultation obligatoire à 45 ans dédiée à la prévention. De plus, l’âge de la retraite ayant sensiblement reculé, une consultation autour...
de l’âge du départ à la retraite serait plus adaptée à 65 ans. Ensuite, une consultation obligatoire dédiée à la prévention tous les 10 ans jusqu’à 85 ans nous semble appropriée pour aborder avec le patient la notion de personne de confiance et les directives anticipées”, développent-elles. Elles suggèrent également un dépistage systématique à l’aide de l’outil ICOPE, “tout comme une orientation vers un ergothérapeute pour aménager l’habitat en prévention des chutes selon les besoins identifiés”.
Deuxième mesure préventive, la généralisation du déploiement de l’Activité Physique Adaptée (APA) pour les personnes en perte d’autonomie, par son remboursement. “Les rôles de l’APA sont multiples : l’entretien et l’amélioration des capacités motrices, la prévention du risque de chute, l’intégration du patient en favorisant les relations avec son environnement, etc. Afin de faciliter la prise en soins de la personne âgée, il apparaît primordial de sensibiliser les professionnels de santé et les citoyens à cette pratique afin d’en développer son utilisation”, expliquent-elles. Elles proposent également que ces APA puissent être prescrites sans avoir besoin d’une prescription de la part du médecin traitant.
Troisième mesure, la mise en place des Bilans Partagés de Médication (BMP). “Les objectifs bénéfiques des Bilans Partagés de Médication pour les personnes âgées résident dans l’amélioration de l’adhésion et de l’observance thérapeutique, la réduction des risques iatrogènes et des mésusages, mais également dans la prévention des complications éventuelles des pathologies du sujet âgé”, expliquent-elles. L’objectif : que les BMP deviennent de véritables liens de coordination entre les professionnels de santé, notamment avec le MG.
En plus de cela, les organisations étudiantes insistent sur un dépistage précoce de la perte des fonctions cognitives, en particulier via les orthophonistes et les psychomotriciens. Elles proposent par exemple une revalorisation de la cotation de l’AMO (Acte médical orthophonique). Elles proposent également d’accélérer le déploiement de l’Education Thérapeutique du Patient (ETP) et de son modèle de financement. D’autres aspects du maintien à domicile doivent être mieux dépistés tels que les pathologies chroniques, les troubles de l’audition, la prévention des chutes, les troubles de la déglutition, de l’incontinence urinaire.
Améliorer la prise en charge à domicile : un enjeu pour les patients et les professionnels de santé
Pour les auteurs du rapport, il est essentiel de favoriser une prise en charge rapide au domicile du patient à la suite d’une hospitalisation par la création d’un forfait de retour à domicile du patient âgé. “Afin de décharger du temps médical au médecin généraliste, les compétences des professionnels de santé au contact permanent avec les patients à domicile doivent...
être valorisées. Comme le souligne le rapport Libault, les sorties d’hospitalisation des personnes âgées en perte d’autonomie “sont des moments à risque qui devraient bénéficier d’une attention toute particulière”. Et pourtant, il existe plus de 15% de réhospitalisation à 30 jours (RH30) des personnes âgées de plus de 65 ans”, écrivent-elles. L’une des pistes émises dans ce rapport est l’amélioration de la compensation financière de l’activité des professionnels de santé au domicile de patients en perte d’autonomie en modifiant le financement des actes et le forfait déplacement.
Pour favoriser la prise en charge globale à domicile, les organisations proposent de créer un acte de visite pharmaceutique “prescrite par le médecin, et réalisé par l’équipe officinale dans laquelle évolue le pharmacien correspondant du patient. Cette visite serait l’occasion pour le pharmacien de réaliser un Bilan Partagé de Médication, ou encore d’évaluer sur demande du médecin la situation du patient, avec formulation de propositions dans un objectif de simplification des traitements, d’amélioration de l’observance et de réduction de la iatrogénie”.
Nouveaux modes de collaboration interprofessionnelle
Ces nouveaux modes de collaborations passent par plusieurs axes : une coordination médico-sociale (par la création d’un guichet unique regroupant tous les acteurs du troisième âge ou la création d’une Maison des aînés et des aidants départementale), une évaluation et protocolisation des besoins, par un meilleur lien ville-hôpital (en démocratisant par exemple les lignes téléphoniques directes entre soignants de premier recours et spécialistes hospitaliers, vigilance sur les erreurs médicamenteuses, lettre pharmaceutique de liaison).
Parmi les autres pistes: la systématisation de l’évaluation de l’état nutritionnel du patient âgé, l’accès aux données biologiques pour plus de réactivité face à un traitement, la valorisation du rendu des résultats par le biologiste médical, l’approche pluridisciplinaire dans l’adaptation de la forme galénique ou l’approche multidisciplinaire dans la revue des traitements médicamenteux.
Accompagnement dans le troisième âge
Enfin, la dernière partie du rapport formule des propositions pour accompagner les patients dans le troisième âge, en comptant notamment sur une lutte contre l’isolement, la vigilance sur les lieux de vie, le bien-être de ces patients, une meilleure prise en charge de la fin de vie et la valorisation des directives anticipées, ou enfin, un meilleur soutien aux aidants.
*Anepf (Association nationale des Etudiants en Pharmacie de France, Fnek (Fédération nationale des Etudiants en Kinésithérapie), Anep (Association nationale des Etudiants en Psychomotricité), Anesf (Association nationale des Etudiants Sages-Femmes), FFEO (Fédération française des Etudiants en Orthoptie), FNEA (Fédération nationale des Etudiants en Audioprothèse), FNEO (Fédération nationale des Etudiants en Orthophonie), FNESI (Fédération nationale des Etudiants en Soins Infirmiers), FNSIP-BM (Fédération nationale des Syndicats d’internes en Pharmacie et en Biologie Médicale), UNAEE (Union nationale des Associations des Etudiants en Ergothérapie, UNECD (Union nationale des Etudiants en Chirurgie Dentaire).
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