Une interne sur le toit du monde : Hélène, plus jeune Française à avoir gravi l'Everest, raconte son odyssée

11/06/2021 Par Marion Jort
Insolite
Âgée de 27 ans, Hélène Drouin, interne en anesthésie-réanimation est devenue, le 11 mai dernier, la plus jeune Française à avoir gravi l’Everest, qui culmine à 8.849 mètres d'altitude. Sportive accomplie, habituée des records et des exploits, la Dijonnaise a décidé de réaliser cette ascension pour soutenir la recherche du laboratoire U1052 de l’Inserm, spécialisé en virologie. Pour Egora, elle revient sur un an de préparation et trois semaines de périple et d’escalade par -35 degrés, au cœur des glaciers.  

Hélène Drouin et les défis sportifs, c’est une histoire d’amour qui dure depuis plusieurs années déjà. A 11 ans, celle qui est aujourd’hui interne en anesthésie-réanimation âgée de 27 ans, grimpait déjà son premier glacier. Et puis, il y a eu les étés à la montagne, qui lui donnent l’envie, à 16 ans, de s’attaquer au sommet du Grand Paradis, en Italie, culminant à 4.061 mètres d’altitude. Quatre ans plus tard, à 20 ans, elle gravit le mont Blanc. En 2018, elle décide de grimper le Pic Lénine, à 7.495 mètres d’altitude, et en 2019, elle réalise un Iron Man*. Des challenges qui vont l’aider à réaliser l’un de ses rêves : l’Everest. 

Alors qu’elle choisit de s’engager dans des études de médecine, elle est sélectionnée dans un cursus élite lui permettant de s’initier à la recherche médicale. Elle réalise ainsi un stage pendant trois mois dans l’unité U1052 de l’Inserm, dirigée par le Pr Fabien Zoulim - président de l'Organisme International pour l'élimination de l'hépatite B et chef de service d'Hépatologie aux HCL de Lyon -  qui a pour objectif de faire avancer les connaissances et le développement de nouveaux traitements en virologie, sur l’hépatite B, notamment. Passionnée par cette expérience, elle ne cache pas son admiration pour l’équipe du laboratoire et leur travail, qui, si les traitements fonctionnent, pourrait permettre d’éradiquer l’hépatite B d’ici dix ans. Mais malgré tout, c’est bien vers la médecine qu’elle a choisi de se tourner. “Au fil du temps, je me suis rendu compte que je n’étais pas forcément faite pour la recherche. On a tous des profils différents, le mien c’est celui de médecin. J’adore être auprès du patient, avec une équipe. Un chercheur, c’est quelqu’un qui est dans un laboratoire, qui avance et a des échecs, parce que c’est très difficile. C’est une autre démarche qui me correspond moins”, analyse la jeune femme.   

En parallèle, pendant ses premières années d’études de médecine, et au début de son internat, elle ne lâche pas le sport. L’Everest, qui culmine à 8.849 mètres d’altitude, elle y pense toujours. Lors de la première vague de Covid, au printemps 2020, elle se retrouve en première ligne dans un service de réanimation. "Ça m'a fait réfléchir. J’étais dans une disposition d’esprit où je me suis dit qu’on devait pouvoir affronter toutes les situations sans perdre espoir. Pouvoir se concentrer sur les choses qui marchent pour avancer”, explique-t-elle. Alors elle décide de se lancer. Il y a un an, elle démarre officiellement son projet “Hélène sur l’Everest”. Parce que le défi sportif ne lui suffit pas, elle décide d’y associer celui de soutenir la recherche, au moyen de dons. “En tant que médecin, je vois que la seule chose qui nous fait avancer en médecine, c’est la recherche médicale, la découverte de nouveaux traitements, d’imagerie, etc… Par exemple, l’IRM, c’est révolutionnaire. Le PCR, aussi. On peut exercer notre métier de médecin grâce à la recherche médicale. Je m’estime entièrement tributaire de toutes les avancées en technologies, en connaissances. Alors oui, j’ai eu envie de promouvoir la recherche car je la soutiens, je l’admire”, poursuit-elle sur un ton passionné. “Je voulais lier un projet personnel, certes, qui est plein d’espoir et de symbolismes avec quelque chose de plus grand que moi, que je soutiens et que je veux médiatiser. J’admire l’Inserm, c’est une institution avec les plus grands scientifiques de France”, dit-elle encore, intarissable sur le sujet.  

 

Des gardes aux urgences Covid en Angleterre pour financer son projet 

Son leitmotiv ? “Toujours regarder vers le haut.” Pour partir, elle a besoin d’argent et passe beaucoup de temps à chercher des sponsors. Si elle réussit à récolter un tiers de la somme nécessaire grâce à ces derniers, il lui manque toujours l’essentiel de son financement à quelques mois de s’envoler pour le Népal. Alors, en novembre 2020, elle prend une disposition de six mois dans son internat pour aller travailler aux urgences Covid, en Angleterre, en tant que médecin urgentiste.  

“Ils rémunèrent mieux qu’en France. Je travaillais beaucoup de nuit, j’avais beaucoup de gardes, sinon ce n’était financièrement pas possible de partir”, se souvient-elle. A côté, sur le peu de temps libre qu’il lui reste, elle va courir. Après cinq mois dans les hôpitaux britanniques, début mars, elle rentre en France pour se consacrer uniquement...

au périple qui l’attend. “La montagne, c’est un rythme à part. Autant pour un triathlon, un Iron Man, il faut s'entraîner. Mais dans le cas de la montagne, une grosse partie de l'entraînement est liée à la mémoire du corps. Le fait d’avoir marché depuis toute petite, d’avoir fait des glaciers tous les étés progressivement… Il y a un processus où on comprend la montagne et ça sert de prépa physique. En fait, ce n'est pas un milieu où l’énergie est explosive, mais un milieu où l’énergie est progressive, lente, d’endurance. L’été dernier, j’ai fait un stage de glace à Chamonix. J’ai gardé un entraînement de fond en course à pied, et avant de partir j’ai refait un stage de glace avec un guide à Chamonix, sans oublier bien sûr, du vélo”, détaille-t-elle.  

Le 9 avril, elle quitte la France pour la vallée de l’Everest. Elle arrive au camp de base, situé à 5.300 mètres d’altitude, le 16 avril. “C’est là où ça commence vraiment”, précise Hélène, la voix encore emprunte d'excitation. Déjà bien préparée et habituée des sommets, la jeune interne a la chance de s’acclimater vite physiquement. Elle n’a donc pas besoin de réaliser beaucoup de “rotations”. “Les rotations, c’est quand il s’agit d’aller par exemple au camp 2, puis redescendre tout en bas. Ou alors, d’aller au camp 3, d’aller au camp de base”, éclaire-t-elle. Un atout, à ses yeux, car l’expérience peut s'avérer dangereuse à certains passages avec notamment le risque de chute, de tomber dans des crevasses ou qu’un bloc de glace ne tombe à proximité. Les camps 1, 2, 3 et 4 sont respectivement situés à 6.100 mètres d’altitude, 6.400 mètres, 7.100 mètres et 7.950 mètres. 

  

Début de l’expédition  

Une fois les organismes acclimatés, Hélène Drouin, son guide, et d’autres membres de son expédition se mettent en route pour l’ascension. Première étape : rejoindre le camp 1, où la jeune femme passe une nuit. Puis, le lendemain, le groupe se met en route pour le camp 2, où ils passent cinq jours, dans l’attente des prévisions météo. “On était prêts. Mais il faut trouver le bon créneau entre la météo et le monde qui grimpe”, précise-t-elle. Cette opportunité survient le 9 mai, date à laquelle ils rejoignent le camp 3. C’est à partir de cette étape, aux alentours de 7.100 mètres d’altitude, qu’elle est équipée d’un masque à oxygène. Sans presque s’arrêter, Hélène et son groupe enchaînent le 10 mai en se rendant au camp 4, dernière étape avant la partie finale de l'ascension. “On est arrivés à 10h du matin, et nous nous sommes reposés. Nous nous sommes remis en route à 21h, car il faut monter de nuit”, enchaîne Hélène Drouin avant de s’exclamer, non sans fierté : “Le 11 mai, à 10h du matin, j’étais au sommet !” Entre 21h et 6 du matin, elle a bu, au maximum, 500 ml d’eau, et a mangé l’équivalent de 300 calories. Elle a même dû faire face à des situations imprévues, comme lorsqu’elle choisit de porter un masque de ski par-dessus ses lunettes de sport à sa vue, étant myope. Avec le masque à oxygène, l’humidité arrive malgré tout à pénétrer à l’intérieur du masque et gèle complètement. Elle tente de gratter ses verres avec un couteau, en vain, et doit marcher avec 2/3 de vision à l'œil droit dans le noir, ne comptant que sur son œil gauche.  

Tout en haut, à 8.849 mètres d'altitude, la jeune femme trouve la température, -35 degrès sans le vent, “froide, mais acceptable pour ce sommet”. Si l’expérience dure plus de trois semaines au total, elle ne reste en revanche que dix minutes au point culminant. “On se les caille, quand même”, plaisante-t-elle. Un exploit qui s’accompagne d’un souvenir qui fait encore rire la future médecin aujourd’hui : “J’ai voulu prendre mon GPS dans la poche intérieur de ma combinaison pour prévenir que j’étais en haut, ainsi que mon appareil photo… Sauf que sous mon masque à oxygène, il y a des glaçons qui se sont formés à cause de la condensation, et la fermeture éclair de ma combinaison était gelée !” D’ailleurs, elle ne réalise qu’une fois arrivée au sommet, lorsqu’elle entend “son cœur battre” qu’une partie de son masque à oxygène ne fonctionne pas correctement et qu’elle reçoit moins d’oxygène que prévu depuis plusieurs heures déjà. 

Pas de photo au sommet, donc, mais des souvenirs plein la tête pour celle qui rêvait...

d’atteindre le haut de l'Everest. Pourtant, sur le moment, elle garde ses esprits, car la descente est la partie la plus dangereuse de l’expédition. “C’est vrai qu’on enchaîne les journées et qu’on ne dort pas beaucoup”, précise-t-elle, se remémorant qu’elle était “épuisée”. “Quand on est fatigués, on est moins vigilants et on risque de faire une erreur de crampon, d’encordage. C’est souvent là où il y a le plus d’accidents. Le plus dur pour moi, ça a été de redescendre du sommet au camp 4. Certains ont des troubles de la conscience, ils sont K.O et ont des problèmes d’oxygène. Malgré ma fatigue, j’ai été hyper vigilante.”  

Avec son groupe, ils arrivent au camp 4 aux alentours de 16h et y dorment la nuit. Puis, le 12 mai, ils se remettent en route pour le camp 4, puis le camp 2. Le 13 mai, ils rejoignent le camp de base. Elle bat alors le record d’être la douzième Française et la plus jeune tricolore à avoir gravi l’Everest. Si cette mention la fait sourire, elle préfère rester modeste. “C’est vrai, mais je n’en fais rien de plus parce que l’Everest, peu importe l’âge ou le sexe. Il y a plein de domaines où les gens ont leur Everest et chacun réalise ses sommets, ses projets”, philosophe l’interne. Et veut plutôt rappeler à quel point son équipe a été importante dans son ascension. “Les sherpas, les guides, les cuisiniers…", cite-t-elle en racontant qu’elle avait été particulièrement impressionnée par le travail de ces derniers. “Ils font un travail remarquable, ils sont tout le temps dans la vapeur d’eau pour faire des soupes, car ils font fondre la neige, puis bouillir l’eau.”  

 

Un deuxième sommet : la promotion de la recherche  

Si tôt effectuée l'ascension, Hélène Drouin ne tarde pas à reprendre l’avion en direction de la France. L’interne doit, en effet, assurer sa garde dans un service de réanimation à Auxerre, le 31 mai. Son retour est l’occasion, pour elle, de démarrer ce qu’elle surnomme son “deuxième sommet” : la récolte de dons pour la recherche. “Le laboratoire n’attend rien, mais ils sont contents que je puisse faire parler d’eux et qu’on puisse soutenir les institutions publiques”, éclaire-t-elle. Elle insiste même : “C’est maintenant qu’il faut les aider. Ils en sont aux essais cliniques pour voir si les traitements de courte durée pourraient permettre de guérir de l’infection. Si nous soutenons ensemble les efforts de recherche, nous pouvons espérer...

une guérison de l’hépatite B d'ici une décennie. Ce qui serait extraordinaire.” A ce jour, en effet, l’hépatite B est la première cause du cancer du foie dans le monde. Malgré l'existence d’un vaccin efficace, il existe plus de 250 millions de porteurs chroniques du virus à risque de développer cirrhose et cancer du foie et les traitements antiviraux actuels permettent une inhibition virale, mais n’éliminent pas le virus. 

Hyperactive, alors qu’elle vient tout juste de reprendre son stage, elle s’attèle donc depuis son retour à faire connaître son projet via les réseaux sociaux afin de donner envie de participer à sa collecte de dons. Consciente d’avoir vécu une expérience extraordinaire, elle ne parvient pas à tirer un moment particulièrement marquant de tout son voyage. “Pour moi, il ne s’agit pas que du sommet, mais bien de tout le projet sur toute l’année. J’ai rencontré des gens extraordinaires qui m’ont menée où je suis aujourd’hui”, lance-t-elle. “Je me sens super bien, j’ai plein de globules rouges. Je suis prête pour ce nouveau défi”, conclut Hélène Drouin en riant.  

 

*L’iron man est une compétition pendant laquelle chaque participant effectue 3,8 kilomètre de natation, 180 kilomètre de vélo et 42,2 kilomètre de course à pied sans s’arrêter.  

 

Hélène Drouin a mis en place une cagnotte en ligne pour récolter les dons à l’intention de l’unité Inserm de recherche médicale du Pr Zoulim. Elle précise que les dons seront entièrement et directement versés à cette unité en question. Le lien est accessible ici.  

 

 

 

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