"Avec ce texte, on regarde la mort en face" : le projet de loi sur "l'aide à mourir" à l'Assemblée le 27 mai
"Avec ce texte, on regarde la mort en face", a confié Emmanuel Macron dans un entretien à La Croix et Libération. Le Président a dévoilé les contours du projet de loi sur "l'aide à mourir", un texte "nécessaire parce qu'il y a des cas qu'on ne peut pas accepter humainement". "On peut penser aux cas de patients atteints d’un cancer au stade terminal qui, pour certains, sont obligés d’aller à l’étranger pour être accompagnés. Il fallait donc aller plus loin", juge le chef d'Etat faisant référence à la loi Claeys-Leonetti.
On y apprend ainsi que "l'accompagnement sera réservé aux personnes majeures, comme la Convention citoyenne l’avait recommandé". Plusieurs conditions strictes devront être respectées. "Les personnes devront être capables d’un discernement plein et entier, ce qui signifie que l’on exclut de cette aide à mourir les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer, dévoile le Président. Ensuite, il faut avoir une maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme." Enfin, les personnes qui demanderont cet accompagnement devront faire face à des "souffrances – physiques ou psychologiques" "que l’on ne peut pas soulager". "Si tous ces critères sont réunis, s’ouvre alors la possibilité pour la personne de demander à pouvoir être aidée afin de mourir. Ensuite, il revient à une équipe médicale de décider, collégialement et en transparence, quelle suite elle donne à cette demande", précise Emmanuel Macron.
L'avis collégial devra être rendu sous 15 jours. Le malade pourra absorber le produit mortel seul ou, lorsqu'il est dans l'incapacité de le faire, notamment dans le cas de certaines maladies neuro-dégénératives comme la maladie de Charcot, avec l'assistance d'un membre du corps médical ou d'une personne volontaire qu'il aura désignée.
Le projet de loi inclura également un volet sur les soins palliatif. "Le projet de loi aura une première partie sur les soins d’accompagnement, une deuxième sur le droit des patients et des aidants, et une troisième sur l’aide à mourir. Pourquoi un seul texte et trois volets ? Pour ne pas laisser penser que l’on fait l’aide à mourir parce que la société n’est pas capable de prendre soin. Il est important de réaffirmer que, dès le début de la maladie, on va accompagner les personnes jusqu’au bout, aussi longtemps qu’elles le souhaitent. Et que l’on apportera aussi une réponse aux cas les plus limites qui n’étaient pas encore bien pris en charge mais aussi d'une 'loi de rassemblement', 'de fraternité', 'qui concilie l'autonomie de l'individu et la solidarité de la Nation'", justifie le Président.
Soucieux de ne pas heurter des sensibilités, notamment religieuses, Emmanuel Macron a assumé de "prendre le temps", affichant ses hésitations, organisant une convention citoyenne et multipliant les dîners à l'écoute des sommités de l'éthique, du monde médical et des cultes. "J'ai retenu de ces échanges cette crainte légitime qu'on assigne une valeur à la vie, qu'on laisse entendre qu'il y aurait des vies devenues inutiles. Non, jamais. Je crois que le texte lève les ambiguïtés", dit-il.
"Sur l'ensemble de la période, c'est un milliard d'euros de plus que nous allons y investir", en plus du 1,6 milliard actuellement consacré aux soins d'accompagnement, précise-t-il. Une unité de soins palliatifs ouvrira dans chacun des 21 départements qui en sont toujours dépourvus.
"Enfin, la France sort de la valse-hésitation de ces derniers mois", a réagi l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui salue "un calendrier assez précis".
"C'est avec consternation, colère et tristesse que les soignants réunis au sein du collectif sur la fin de vie ont pris connaissance de l'interview du président de la République", ont commenté dans un communiqué plusieurs associations de soignants, dont la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), l'Association française des soins oncologiques de support (AFSOS) ou l'Association nationale française des infirmier.e.s en pratiques avancées (ANFIPA).
"Avec une grande violence, le chef de l'État annonce un système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants, avec en perspective de graves conséquences sur la relation de soin", ajoutent-ils. "Supprimer les malades pour supprimer le problème à moindre coût, voilà ce qu'en somme propose cette annonce", qui "va à l'encontre des valeurs du soin et du non-abandon qui fondent notre modèle français d'accompagnement de la fin de vie", estiment-ils.
[Avec lacroix.fr, Libération et AFP]
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