"C’est ce que l’on demande depuis trois ans. Ça ne va pas résoudre tous les problèmes, car on manque de tout, mais c’est quand même une avancée pour la profession", a déclaré Emmanuel Hardy, président de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa), contacté par Egora. Hier, en fin de journée, l’Assemblée nationale a définitivement adopté l’accès direct aux IPA, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes, la mesure phare de la proposition de loi Rist. Ce scrutin final (226 voix pour contre 1) clôture plusieurs mois de débats parlementaires et d’échanges avec l’ensemble des acteurs, qui ont souvent été tendus. Selon le Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes, la loi sera promulguée dans les 15 jours. Le texte final, issu de la commission mixte paritaire qui a eu lieu le 6 avril dernier, est un compromis qui permet aux IPA et kinés "d’exercer leur art sans prescription médicale" préalable s’ils exercent dans le cadre d’un exercice coordonné (établissements sanitaires et médico-sociaux, MSP, centres de santé, équipes de soins primaires), à l’exception des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). En commission, les députés ont néanmoins obtenu une expérimentation pour cet accès direct en CPTS, qui devrait être prochainement lancée dans 6 départements. L’accès direct aux orthophonistes sera quant à lui possible sans expérimentation en CPTS. "C’est la version avec laquelle nous étions d’accord, a réagi par téléphone la Dre Agnès Giannotti. Elle permet une véritable coopération entre professionnels." Le syndicat MG France s’était fermement opposé à la possibilité pour les IPA, kinés et orthophonistes uniquement membres d’une CPTS de pouvoir bénéficier de l’accès direct, craignant le contournement du rôle du médecin traitant. "Le fait que ces accès directs soient autorisés de manière très large sur les territoires des CPTS, qui ont pour objet la coordination à une échelle populationnelle et non individuelle, n’apporte aucune garantie pour la sécurité et la cohérence du parcours du patient", jugeait-il fin novembre. "Très limitatif" Pour les IPA et kinés, l’exclusion de l’échelon CPTS du texte final est en revanche décevant. "C’est une immense déception pour la profession", a lâché François Randazzo, président du syndicat de kinés Alizé, remettant en cause "la volonté du Gouvernement d’avancer sur ce dossier". "Ça donne l’impression que l’immeuble est en train de s’effondrer et que le Gouvernement se dit : ‘on va changer juste le papier peint’." "Le projet de départ qui incluait les CPTS avait du sens. Se retrouver circonscrits aux MSP qui regroupent 4% des kinésithérapeutes libéraux est très limitatif. L’impact sur l’accès aux soins pour nos concitoyens va être nul." "L’accès direct fait malgré tout partie de notre quotidien : on a plein de patients qui se présente sans ordonnance à nos cabinets et nous mettent dans des difficultés réglementaires. Ça demande souvent une régulation a posteriori après une prescription médicale. Ce n’est pas dans les MSP que cette régulation est la plus difficile à réaliser sur le terrain, ajoute Sébastien Guérard, président de la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), qui note que "la seule victoire" de ce vote est l’assouplissement des protocoles de coopération – à ce jour complexes à mettre en place sur le plan administratif. L’exclusion de l’échelle de la CPTS créée selon lui "une rupture d’égalité" vis-à-vis de la population en termes d’accès aux soins de kinésithérapie. "En fonction de si le patient a la chance d’habiter dans un secteur où il y a une MSP ou pas, il aura un accès facilité, ou pas." Alors que François Braun s’est félicité de l’adoption d’une loi qui "améliorera l’accès aux soins des Français", Sébastien Guérard décrit plutôt "une mesure cosmétique". "Ce n’est pas en s’appuyant sur 3% des kinésithérapeutes qu’on va modifier l’accès aux soins des Français. C’est faux ! On aurait ouvert cet accès direct aux 75000 kinés libéraux, ça aurait été autre chose." A ce titre, François Randazzo a souhaité répondre à l’argument opposé par certains médecins, qui...
estiment que les kinés ont déjà plus mois d’attente dans leur cabinet et ne résoudront pas les difficultés d’accès aux soins. "L’accès direct ne va pas créer de nouveaux patients, ce sont les mêmes qui vont venir plus tôt dans l’historique de leur pathologie. On va diminuer la chronicisation de la pathologie donc la prise en charge va être plus courte. De fait, ça va diminuer la demande de soins en kinésithérapie plutôt que de l’augmenter." "On a cédé au lobbying médical" Pour Emmanuel Hardy, "on a cédé au lobbying médical sénatorial faisant fi des besoins populationnels" en restreignant le champ d’application de cet accès direct, ce qui constitue "un véritable frein". François Randazzo déplore également "l’expression d’un corporatisme qui résulte de la méconnaissance des compétences de chacun." Il regrette par ailleurs une "concordance de mauvais choix au niveau du calendrier". "Faire tomber l’examen de la loi Rist en même temps que la négociation conventionnelle des médecins qui se passait extrêmement mal n’était pas stratégique", estime-t-il. Pour le président d’Alizé, il s’agit également d’une erreur de mettre dans le même texte les IPA les kinés et les orthophonistes. "Le texte va très loin pour les IPA et les médecins ont vraiment perçu cela comme une menace très importante." La proposition de loi Rist autorise en effet également la primo-prescription pour les infirmières en pratique avancée. "On a quand même eu des avancées notables, a souhaité ajouter le président de l’Unipa. C’est un compromis, on aurait pu aussi rien avoir. C’est un combat qu’on gagne." Ce dernier a tenu à souligner le "courage politique".
Dans un communiqué diffusé ce mercredi 10 mai, l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes a remercié la députée Stéphanie Rist, qui a porté cette proposition de loi d’accès direct. Mais "il faut aller plus loin après cette première étape", a jugé sa présidente, Pascale Mathieu. "Les trop nombreux patients privés de soins de kinésithérapie indispensables à leur maintien en bonne santé méritent plus et plus vite. Soyons audacieux, faisons réellement confiance aux kinésithérapeutes en leur octroyant plus de responsabilités", a-t-elle déclaré. Le CNOMK réclame ainsi l’ouverture de négociations conventionnelles au plus vite afin de "permettre le remboursement des soins en accès direct pour éviter une médecine à deux vitesses dans un contexte en tension avec trop de patients qui sortent du parcours de soin, faute de réponses adaptées à leurs besoins, renforçant ainsi les inégalités."
La sélection de la rédaction
Les complémentaires santé doivent-elles arrêter de rembourser l'ostéopathie ?
Stéphanie Beaujouan
Non
Je vois beaucoup d'agressivité et de contre vérités dans les réponses pour une pratique qui existe depuis 1,5 siècle . La formatio... Lire plus