Médicaments : les industriels s’engagent contre les ruptures de stock

29/05/2019 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Médicaments
L’enjeu est de garantir à la France une indépendance et une souveraineté en matière de santé publique.

La question n’est pas nouvelle. Après le Sénat et l’Académie de pharmacie, c’est au tour des industriels du secteur du médicament de s’installer autour de la table pour faire des propositions concrètes sur la stratégie à adopter, tant dans le domaine de la chimie fine pharmaceutique que dans celle de la production de médicaments.   Un net recul de la souveraineté sanitaire Triste état des lieux que celui de l’évolution de l’écosystème de la production des substances actives et des médicaments en France aujourd’hui. Pourtant leader en Europe de 1995 à 2008, elle a été reléguée au 4ème rang européen en 2018 derrière la Suisse, l’Allemagne et l’Italie. La France a connu un net recul sur toute la chaîne de production de ses substances au cours des vingt dernières années. Comme l’a précisé Vincent Touraille, président du syndicat de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (SICOS Biochimie), lors d’un colloque organisé le 14 mai, "on estime aujourd’hui qu’entre 60 et 80% des principes actifs contenus dans les médicaments consommés sont fabriqués en dehors de l’Union Européenne, alors que cette proportion n’était que de 20% il y a trente ans". La partie amont de la production a vu naître un transfert massif de l’Europe vers l’Asie – l’Inde et la Chine – qui offre des coûts de main d’œuvre bien inférieurs et une réglementation assouplie sur les contraintes environnementales. La France souffre également d’une raréfaction de ses jeunes spécialistes.   Une multiplication des pénuries Tension mondiale entre demande et capacité de production, fluctuations imprévues du marché, contraintes économiques... la vulnérabilité de la chaîne d’approvisionnement répond à des causes multifactorielles. Sur ce dernier point, Muriel Dahan, Inspectrice à l’Igas (Inspection générale des affaires Sociales) a souligné la difficulté de prescription qui en découlait. "Le problème est croissant depuis de nombreuses années et s’accélère depuis trois ou quatre ans pour les anticancéreux en particulier. Une véritable urgence à la fois pour les patients qui sont les plus vulnérables et les plus exposés, et pour l’attractivité et la souveraineté de la France". D’autant qu’on observe une multiplication des pénuries comme c’est le cas actuellement avec la prednisolone qui "connaît des tensions d’approvisionnement".   Un enjeu en matière de défense et de sécurité nationale Atrophie de notre base industrielle et problématique de production de principes actifs en France et en Europe constituent également un enjeu en matière de défense et de sécurité nationale. On peut ainsi se poser la question de ce qu’il se passerait en cas de tensions diplomatiques ou de conflits armés ? François Caire-Maurisier, pharmacien responsable de la Pharmacie centrale des Armées, a expliqué que son institution devait "bénéficier d’approvisionnements sécurisés pour répondre aux besoins spécifiques des armées sur les théâtres d’opérations, mais également pour faire face aux menaces non conventionnelles émergentes et aux crises sanitaires".   Les clés de la reconquête Le maître mot selon les industriels de la santé pour reconquérir notre souveraineté est la compétitivité. Le prix du médicament reste la première condition de réalisation de la commande. Pour Denis Ferrand, directeur général de Rexecode, un institut d’études économiques, "il s’agit de pratiquer des prix permettant de dégager une rentabilité acceptable au regard des conditions de marché. Ce ratio reste le meilleur vecteur pour s’assurer une permanence de la production". Mais comment rapatrier les sites de production en France ou en Europe ? La redynamisation de l’ensemble du réseau de production nécessite une action commune avec l’État. Sur cette question, Julie Galland, cheffe du bureau des industries de santé de la Direction générale des Entreprises (DGE) s’est voulue rassurante. Elle a précisé que "l’État est mobilisé sur la question d’encourager la production en France. Le sujet est au cœur de notre action en comité stratégique de filière et va se renforcer par différentes mesures du Gouvernement dans les mois prochains".

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