"Nous allons libérer 3 millions de consultations, l'équivalent de 800 généralistes" : Agnès Buzyn défend son action

06/05/2019 Par Aveline Marques
Politique de santé
Face aux élus locaux et au président de l'Ordre des médecins qui lui demandent d'aller plus loin, mais pas toujours dans la même direction, la ministre de la Santé maintient le cap. Dans une interview au Journal du dimanche, Agnès Buzyn défend la stratégie gouvernementale face aux déserts : libérer du temps médical, en attendant que la suppression du numerus clausus produise ses effets.

  "J'hérite de trente ans de politiques de réduction du nombre de médecins dont on paie le prix aujourd'hui", rappelle d'emblée Agnès Buzyn dans une interview accordée au JDD. Alors que les difficultés d'accès ont  logiquement  émergé comme un sujet d'angoisse majeur des Français au cours du Grand débat, l'action de la ministre et du Gouvernement est mise en cause tant par les élus locaux que par le président de l'Ordre des médecins. Un an après avoir interpellé les pouvoirs publics dans ce même journal, le Dr Patrick Bouet dresse un bilan sévère. "Il y a un énorme hiatus entre l'espoir suscité par la réforme et les faits", assène-t-il, regrettant que le projet de loi de santé, examiné au Sénat dans les prochaines semaines, ne donne qu'une "orientation générale" et permette au Gouvernement de "légiférer par ordonnances sur de nombreux sujets". Une procédure qui "laisse craindre que la puissante technostructure du ministère plaque sur les territoires sa volonté de normalisation administrative". Face aux ARS, outils de "fédéralisation" de la santé et non de "décentralisation", le président de l'Ordre milite pour la création de "comités locaux de santé regroupant usagers, élus et professionnels, pour élaborer des plans de santé à l'échelle territoriale". Plutôt que d'augmenter le nombre de médecins formés, il faudrait, plaide-t-il, "favoriser le compagnonnage en médecine libérale", en augmentant le nombre de stages hors de l'hôpital. "Si les étudiants ne connaissent que les CHU, comment peut-on espérer qu'ils le quittent une fois diplômés ?"

Le Dr Bouet n'est pas le seul à alerter la ministre sur l'urgence de la situation. Le JDD publie en parallèle une tribune signée par 35 députés, 60 sénateurs et 23 élus de tous bords. Pas d'appel à restreindre la liberté d'installation, comme on aurait pu s'y attendre, mais à lever les obstacles au déploiement de la télémédecine. "En six mois, seuls 7939 actes de téléconsultation ont été remboursés. L'objectif des 500 000 initialement prévus pour 2019 semble inatteignable", déplorent-ils. Estimant que la télémédecine est l'une des solutions face aux déserts médicaux, les élus regrettent que des "blocages administratifs" limitent la portée de son remboursement. "Pourquoi l'Assurance maladie souhaite-t-elle limiter la téléconsultation aux médecins proches du patient [son médecin traitant, sauf exception, ndlr], alors même que son remboursement a été voté pour venir en aide aux patients qui n'ont précisément pas accès aux soins près de chez eux?", interpellent-ils. "Le remboursement doit s'inscrire dans le parcours du patient", répond Agnès Buzyn, qui prévient : "Je sais que des opérateurs privés d'e-santé sollicitent fortement les élus pour permettre des remboursements de consultations 'à la demande'. Je ne pense pas que ce soit une solution sans une bonne organisation sur le territoire." "Les nouvelles technologies peuvent être le cheval de Troie des assureurs, renchérit le Dr Bouet. Il faut garantir qu'elles ne mettent pas à bas le système solidaire en favorisant des offres 'coupe-file'." Et la ministre de la Santé de défendre sa stratégie : réinjecter du temps médical, en attendant que la hausse, puis la suppression du numerus clausus produisent ses effets. Assistants médicaux, infirmiers de pratiques avancées, CPTS, télémédecine, délégations de tâches, recrutement de 400 jeunes médecins salariés… "Tout ce que nous mettons en place permettra de libérer 3 millions de consultations, soit l'équivalent de 800 médecins généralistes supplémentaires pour soigner de nouveaux patients." [avec Le Journal du dimanche]

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Michel Lemariey-Barraud

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