Vincent Lambert est décédé jeudi 11 juillet à 8h24 du matin à l'hôpital Sébastopol (CHU de Reims), un peu plus d'une semaine après l'arrêt de ses traitements. La décision avait été prise par son médecin à l'issue d'une procédure collégiale et d'un long combat judiciaire entre les deux clans familiaux. Le 28 juin dernier, la Cour de cassation avait levé le dernier obstacle juridique, et permis au Dr Vincent Sanchez de réinitier l'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles, le mardi 2 juillet. "La mort de Vincent est désormais inéluctable" et "nous ne pouvons que nous (y) résigner", avaient déclaré lundi ses parents dans une lettre ouverte. Une déclaration qui intervient après six ans de bataille acharnée devant toutes les juridictions possibles, afin que leur fils soit maintenu en vie. Une famille ultra-catholique recomposée Né le 20 septembre 76, Vincent Lambert a grandi à Châteauroux puis dans les Ardennes, au sein d'une famille décrite par son neveu François Lambert comme "minée par les secrets et les non-dits". Il est l'aîné d'une fratrie de neuf frères et sœurs, issus de trois unions. Son père, Pierre Lambert, gynécologue ultra-catholique responsable d'une ligue anti-avortement locale, finira par épouser Viviane, son ancienne secrétaire médicale, après leur quatrième enfant.
À 12 ans, Vincent Lambert est placé dans une pension ultra-catholique, dont il est renvoyé pour "esprit rebelle". Il finira ses études à Reims avant d'intégrer une école d'infirmiers à Laon, pour devenir infirmier psychiatrique. Il prend alors ses distances avec son milieu familial et la religion catholique. C'est en 2008 que la vie de l'infirmier psychiatrique bascule. Il vient d'avoir une fille avec son épouse Rachel, elle aussi infirmière, qu'il a rencontrée à l'hôpital de Longwy (Meurthe-et-Moselle). Deux mois plus tard, le 29 septembre, il est victime d'un grave accident de voiture sur le chemin du travail. À 32 ans, il devient tétraplégique et entre en état de conscience incertain et fluctuant, dit "pauci-relationnel". Une trachéotomie l'aide à respirer et une sonde à s'alimenter. Six ans d'affrontement juridiques et médiatiques Petit à petit, son état de santé se dégrade, jusqu'à ce qu'une expertise médico-légale juge son état végétatif "irréversible", en 2014 puis à nouveau en 2018. Vincent Lambert n'a jamais laissé de directives écrites mais Rachel Lambert, qui a la tutelle de son mari, rapporte qu'il lui a confié préférer "mourir" que rester en vie "comme un légume". La première procédure d'arrêt des traitements, au titre du refus de l'obstination déraisonnable prévu par la loi Leonetti, a lieu en 2013 sous l'égide du Pr Éric Kariger, alors chef du service de soins palliatifs de Reims. C'est le début d'un affrontement sans fin au sein de la famille de l'ancien infirmier. Les parents dénoncent une tentative d'assassinat et militent pour le placement de leur fils en établissement spécialisé. Ils sont soutenus par deux des huit frères et sœurs de Vincent Lambert. Une association "Je soutiens Vincent" voit le jour, et des plaintes sont déposées. Le reste du clan familial fait bloc autour de l'épouse, en faveur d'un arrêt des traitements. Trois médecins se succèdent au chevet du jeune patient tétraplégique, et toutes les procédures collégiales entamées échouent, au fil des décisions juridiques ou du fait des pressions exercées. L'imbroglio judiciaire durera jusqu'à ce que le Conseil d'État, puis la Cour européenne des droits de l'homme, valident la troisième procédure d'arrêt des traitements, en avril 2019. La décision de la Cour de cassation du 28 juin dernier a levé le dernier obstacle juridique (lié au comité des droits des personnes handicapées de l'ONU) à la mise en œuvre de la procédure de fin de vie. La troisième procédure collégiale, initiée par le Dr Vincent Sanchez en avril 2018 avec l'accord de l'épouse de son patient, a ainsi pu aboutir à une nouvelle interruption des traitements. La fin d'un symbole "L'affaire" Vincent Lambert aura été au centre de tous les débats sur la fin de vie et l'euthanasie. Elle a même donné lieu à une jurisprudence fondamentale : en 2014, le Conseil d'État juge que l'arrêt de la nutrition et de la respiration artificielles sont compatibles avec la loi Leonetti, qui préconise l'arrêt des traitements de maintien en vie. Cette interprétation sera reprise et inscrite noir sur blanc dans la loi Claeys-Leonetti de 2015, qui introduit notamment la sédation profonde et continue. Les réactions politiques se sont succédé à l'annonce du décès de Vincent Lambert. La plupart expriment le désir que soit respecté le deuil de la famille, comme celle du député socialiste Alain Claeys, co-auteur de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie. "Le moment est à l'apaisement. Il faut que chacun le respecte afin que la famille puisse faire son deuil. Le moment viendra, au regard du cas de Vincent Lambert, de sensibiliser nos concitoyens à la nécessité de mettre en place les directives anticipées et la désignation d'une personne de confiance." [Avec AFP]
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