"Comme médecin, et ex-ministre, je continue de vous demander de tout arrêter" : Agnès Buzyn règle ses comptes dans son journal d'épidémie
Qu'il ne soit pas dit qu'elle n'a pas alerté face au danger. Mise en cause pour sa gestion des débuts de l'épidémie de Covid, Agnès Buzyn publie ce mercredi son Journal, véritable plaidoyer de plus de 500 pages visant à rétablir la vérité. L'ancienne ministre de la Santé y reproduit notamment ses échanges (sms, mails, coups de fil) avec le Premier ministre de l'époque Edouard Philippe, averti du danger dès le 11 janvier 2020, ainsi qu'avec Emmanuel Macron, à qui on lui reproche d'avoir "fait peur" en tentant (vainement) de sonner l'alarme. L'OMS, "en dessous de tout", et l'Europe, "en PLS", en prennent également pour leur grade pour avoir tardé à réagir face aux premiers cas. "Le dingue de Marseille" Le 31 janvier 2020, alors qu'elle se rend à la base d'Istres où sont accueillis les Français rapatriés de Wuhan, la ministre met en garde Edouard Philippe quant au Pr Raoult. "Le dingue de Marseille est bloqué comme attendu par les gendarmes à l’entrée du centre, prêt à sauter sur nos compatriotes avec ses seringues… et ce n’est pas une blague !!!", écrit-elle au Premier ministre. "Il est vraiment fondu ton pote", lui aurait répondu ce dernier. "J’avais prévenu… il est en train de se répandre dans la presse… ", rétorque Agnès Buzyn. L'hématologue révèle ensuite "la pression d'enfer" qu'elle a subie pour se lancer, sans aucune préparation, dans la campagne pour l'élection à la mairie de Paris après le retrait de Benjamin Griveaux. "Les conseillers du Président se sont succédé tout l'après-midi au téléphone. On m'a fait comprendre qu'un refus serait mal interprété", écrit-elle dans son journal à la date du 16 février. Le lendemain, elle note : "Appel PR [Président de la République, NDLR] 11h07 : je lui dis que je suis d'accord pour aller à la bataille des municipales à Paris mais souhaite rester au Gouvernement. Il refuse. Je raccroche, j'ai cédé." Les semaines qui suivent, Agnès Buzyn n'aura de cesse de continuer d'alerter l'exécutif. Le soir du premier tour de l'élection, le 13 mars, elle écrit à Emmanuel Macron : "Comme femme politique, je comprends que vous n’aviez pas le choix avec l’opposition et Larcher qui soit ne veulent pas voir la réalité, soit sont prêts à tout pour polémiquer. Comme médecin, et ex-ministre, vous connaissez mon sentiment depuis des semaines et je continue de vous demander de tout arrêter comme en Italie, le plus vite possible." "Te voir en photo sur Instagram avec Delfraissy me rend dingue" L'ex-ministre reproche alors à Edouard Philippe et Emmanuel Macron de suivre aveuglément les préconisations du Pr Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique, "un mondain", "très médiatique, et qui ne connait que le Sida". Le 16 mars, elle écrit : "Moi au PM [Premier ministre, NDLR] à 21h20 : 'Te voir en photo sur Instagram avec Delfraissy me rend dingue. Je comprends mieux vos décisions.' Je lui écris ce que je pense du président de son conseil scientifique en des mots choisis, notamment pour son goût pour le mélange des genres et son appétence pour les plateaux de télévision. Le message se finit ainsi : 'Édouard, vous êtes en dehors de la plaque, complètement, et si tu as encore confiance en moi, prenez une décision de confinement car nous avons quinze jours de retard. Et je ne perds pas mes nerfs, je suis lucide depuis des semaines et derrière vos décisions ce sont des gens qui vont mourir.'" Mise en examen en septembre 2021 pour mise en danger de la vie d'autrui devant la Cour de justice de la République, l'ancienne ministre de la Santé a finalement obtenu le statut de témoin assisté après l'annulation de la Cour de cassation, en janvier dernier. [avec LeParisien.fr et Le Canard enchainé]
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