Saisie début mars par l’Assurance maladie après l’échec des négos, l’arbitre Annick Morel a rencontré l’ensemble des syndicats de médecins libéraux. L’ex-haute fonctionnaire aurait fait part de sa volonté "d’aller vite". L’échange avec Annick Morel, arbitre des négociations conventionnelles, s’est tenu dans une ambiance "agréable", s’accordent à dire les syndicats représentatifs des médecins libéraux*. Tous ont rencontré l’ex-haute fonctionnaire au cours des derniers jours pour défendre leurs revendications mais aussi faire part de leurs inquiétudes. L’occasion également d’expliquer les raisons de leur refus de signer le projet de convention de la Caisse nationale de l’Assurance maladie, jugé "méprisant". "Nous avons été reçus par Annick Morel et Nathalie Fourcade [secrétaire générale du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, NDLR]. Elles étaient très à l’écoute", indique la Dre Agnès Giannotti, présidente de MG France, à Egora. "Cette discussion de deux heures a permis de rentrer dans les détails." La généraliste a rappelé à ses interlocutrices l’importance de faire de la médecine générale, "une spécialité comme les autres". "Il faut améliorer l’attractivité de la profession car le risque majeur est qu’il n’y ait plus de généralistes demain. Et on commence à le voir…" "Je suis actuellement à Saint-Malo [aux Rencontres d'AVECSanté, NDLR], il y a 1500 personnes, plein de généralistes, des jeunes, qui sont très déçus car les attentes envers cette convention étaient très fortes. Tous vous disent qu'il est inenvisageable que des médecins qui font la même chose soient rémunérés à des tarifs différents'", a ajouté le Dr Luc Duquesnel, qui a fait part à Annick Morel du rejet unanime du contrat d'engagement territorial. Le président des Généralistes-CSMF l'a trouvée "ouverte aux échanges". "J’ai tenté de me placer au-dessus de la mêlée, en ne disant pas ‘on veut ça, on veut ci’. J’ai fait une coupe transversale de l’état de la santé telle qu’elle est aujourd’hui", explique de son côté le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S. Le généraliste a rencontré l’arbitre mardi après-midi, au moment où la barre des 1000 promesses de déconventionnement récoltées par son syndicat venait d’être franchie. "J’ai essayé de lui montrer quel chemin il fallait prendre" pour améliorer la situation, ajoute-t-il, indiquant avoir fait état d’"un diagnostic terrible". "Nous avons apprécié l’écoute attentive et l’échange apaisé, propre à un débat potentiellement constructif", écrit le Syndicat de médecins libéraux (SML), dans un communiqué diffusé ce jeudi. L’organisation de la Dre Sophie Bauer a tenté de démontrer lors de cet entretien en quoi "seule la rémunération à l’acte permet une ‘rémunération juste et satisfaisante’". Dans son communiqué, le SML indique, entre autres, demander "la restitution des fonds dans la valorisation du C et de la CCAM", et rappelle son aversion aux forfaits. "Les médecins libéraux ne sont pas des commerciaux à part variable."
Sur le site de la FMF, le Dr Richard Talbot raconte avoir expliqué à Annick Morel que "le plus grand défaut" du projet de la Cnam "est d’être un projet purement comptable qui privilégie la quantité à la qualité et se focalise sur des rémunérations forfaitaires que la profession refuse en bloc en dehors du Forfait patientèle médecin traitant et dont les conditions d’obtention deviennent de plus en plus inaccessibles". "Nous avons en particulier un échange très intéressant sur la différence entre 650.000 patients en ALD sans médecin traitant et 650.000 patients en ALD en déshérence de soins. Parce que même sans MT, les patients en ALD continuent à être pris en charge", ajoute le praticien. "Tartufferie" ou aubaine ? Dans le cadre de sa mission, Annick Morel doit rencontrer l’ensemble des partenaires conventionnels, l’Assurance maladie aussi, donc. Elle devra présenter son règlement arbitral au ministre de la Santé, François Braun, d’ici trois mois maximum. Mais, assurent les syndicats, l’ancienne inspectrice générale des affaires sociales (Igas) ne compte pas attendre cette date butoir. "Elle nous a dit qu’elle voulait travailler rapidement et qu’elle nous reverrait pour nous faire part de leurs conclusions", assure la Dre Giannotti. "Madame Morel souhaite aller vite, et pense pouvoir présenter son projet début avril", confirme le Dr Richard Talbot. "Son propos a été clair : elle a dit que le ministre [de la Santé] a trois semaines pour valider ou pas la proposition faite. Le seul motif qui pourrait le faire invalider, c’est une atteinte à la santé publique. Donc il n’a pas une grande marge de manœuvre pour refuser", avance la présidente de MG France. François Braun dispose en effet d’un délai de 21 jours pour se prononcer sur le texte présenté par l’arbitre et le publier au Journal officiel. Celui-ci vaudra convention pour une durée maximum de cinq ans. Le Dr Marty, lui, se montre peu optimiste sur ce qu’il contiendra. "Nous sommes dans une dynamique où le ministre écrit une lettre de cadrage sous la dictée du Président et où le directeur de l’Assurance maladie applique cette lettre de cadrage. Le Gouvernement, avec un égo quasi pathologique, est constitué de gens qui passent en force tout le temps et dont le raisonnement est de dire constamment ‘ce n’est pas que l’on s’est trompés, c’est qu’on n’est pas allés assez loin et assez vite’. Ils ne vont jamais reconnaître leurs erreurs. A partir de-là, le règlement arbitral qu’elle va proposer sera en droite ligne de la convention telle qu’on nous l’a proposée, peut être légèrement allégée." Si l’échange avec Annick Morel a été agréable, Jérôme Marty souligne "qu’elle n’a strictement aucune liberté". "C’est une tartufferie, a lâché le Dr Marty. Elle est là pour essuyer les plâtres." "Nous avons une santé qui est décidée à l’Elysée […] Il n’y a d’ailleurs jamais eu de négociations. Elle va se heurter au même problème", prédit le syndicaliste, qui crie à la "manipulation" politique. "On a un peu de mal à penser -mais on verra - que personne ne soit derrière le dos d'[Annick Morel] pour lui tenir la main", ajoute le Dr Duquesnel, émettant des doutes sur la marge de manoeuvre de l'arbitre. La rédaction du règlement arbitral "doit se faire dans le strict respect du cadre financier de la République : on en revient donc malheureusement à la lettre de cadrage initiale du ministère", s’inquiète de son côté le Dr Richard Talbot, dans son compte rendu. "La bonne nouvelle, c’est que madame Morel confirme [qu’il] n’a pas vocation de punir les médecins de ne pas avoir signé la convention, mais bien d’être un texte d’apaisement et de transition qui permettra de calmer le jeu pour reprendre les négociations dans une ambiance … apaisée. Il s’appuiera donc sur ce qui existe actuellement, sans changer le système de fond en comble, jusqu’à ce que de nouvelles négociations aboutissent", ajoute-t-il. En effet, les partenaires conventionnels doivent rouvrir des négociations dans un délai de deux ans maximums. La CSMF a d’ores et déjà appelé à reprendre le dialogue dès que possible, à condition de rétablir le lien de confiance. Une volonté partagée par MG France… "quand les conditions de base à une possibilité de signature seront là", précise la Dre Giannotti. *MG France, Avenir Spé Le Bloc, UFML-S, CSMF, FMF, SML.
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