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"L'une des pires propositions de la Cnam" : les médecins vent debout contre le déremboursement des prescriptions en secteur 3

Ne plus rembourser les traitements et autres actes prescrits par les médecins déconventionnés ? 85% des lecteurs sondés par Egora désapprouvent cette proposition de la Cnam, formulée dans le rapport charges et produits pour 2025. Dans leur majorité, les professionnels de santé répondants dénoncent une mesure contraignante pour les libéraux et discriminatoire pour les patients.

24/07/2024 Par Aveline Marques
Déconventionnement Assurance maladie / Mutuelles
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"Limiter la prise en charge des prescriptions de professionnels de santé ayant choisi de ne pas se conventionner avec l’Assurance maladie" : c'est la proposition formulée par la Cnam mi-juillet dans son dernier rapport charges et produits, et qu'elle aimerait voir  reprise dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Une mesure qui vise à contrer les "mouvements de déconventionnement" portés ces dernières années par des groupes ou syndicats de médecins libéraux, en renforçant "l'impact et les conséquences" pour les praticiens qui choisiraient de rompre leur contrat avec l'Assurance maladie. L'objectif n'est pas tant de réaliser des économies (seuls 790 médecins exerceraient actuellement en secteur 3, dont 575 généralistes) que d'"inciter" les libéraux à rester dans le champ conventionnel alors que plus de 5000 d'entre eux ont signé une promesse de déconventionnement à l'appel de l'UFML du Dr Marty.

"Et voilà de quelle manière on met les professionnels de santé au pas!", réagit un généraliste lecteur d'Egora. "Cela s'appelle du chantage", renchérit un confrère. Sur les 441 professionnels de santé qui se sont exprimés sur notre plateforme de débat, 85% désapprouvent cette mesure, jugée "dictatoriale" pour les médecins libéraux et "discriminatoire" pour les patients. Seules quelques voix s'élèvent pour défendre le système conventionnel, basé sur la "solidarité nationale". Voici une sélection de vos commentaires et arguments.

 

"La France serait le seul pays où les cotisants ne seraient pas remboursés"

"Comment les patients qui cotisent à la Sécurité sociale et à leur mutuelle de façon obligatoire vont accepter de ne percevoir en retour aucune prise en charge ?
Il y avait déjà des remboursements différenciés selon les secteurs d’exercice du médecin, et l'option Optam.
Ces décisions, qui accroissent délibérément les difficultés d’accès aux soins, sont-elles constitutionnelles ? Sont-elles égalitaires dans le pays où la devise est l’égalité ?
La France serait le seul pays où les cotisants ne seraient pas remboursés alors que des remboursements de certaines prises en charge par des soignants non diplômés d’Etat non médecins peuvent être remboursés par la Cnam et/ou les mutuelles?
C’est l’une des pires propositions que suggère la Cnam pour le PLFSS. Je reste persuadée qu’elle ne franchira pas la barrière de l’Assemblée nationale puis du Sénat, garants de l’égalité.
Pourquoi les consultations et les soins ne sont pas pris en compte au même tarif pour les cotisants, quel que soit le médecin diplômé d’Etat consulté, comme c’est le cas en Belgique?"

Par Valérie B., médecin

 

 

"Les médecins de secteur 3 effectuent le même travail que les autres, et peut-être dans de meilleures conditions d'écoute et de temps"

"Proposition aussi incompréhensible que le remboursement ridicule de quelques centimes des consultations effectuées par nos confrères du secteur 3 qui ont la même formation que leurs confrères des secteurs 1 et 2 et sont aussi inscrits à l'Ordre des médecins. D'ailleurs, qu'est-ce qu'il fait-il celui-là dans ce dossier ? Au lieu de perdre son temps à emmerder les confrères qui se sont amusés à regarder le pass sanitaire de Macron ? Et que font les associations de consommateurs ?
Les médecins de secteur 3 effectuent le même travail que les autres, et peut-être dans de meilleures conditions d'écoute et de temps, n'étant pas dans la course contre la montre pour ne pas dépasser les 15 minutes fatidiques par consultation auxquelles sont condamnés les confrères du secteur 1 pour gagner péniblement leur vie.
En ce qui me concerne, une heure par rendez-vous pour 50 euros et je suis quasiment déficitaire, finançant quasiment mon activité libérale avec ma retraite ! Mon voisin qui fait du 6 patients par heure gagne 150 euros de l'heure. Cherchez l'erreur et vive la carte Vitale, la CMU, l'AME et le tiers payant.
J'ai le tort d'aimer la médecine véritablement "hippocratique" que j'ai apprise de mes professeurs, que j'ai toujours pratiquée et que je pratiquerai toujours, avec un long temps d'écoute, d'anamnèse, d'observation et un examen clinique souvent approfondi, notamment en médecine du sport qui est ma branche de prédilection."

Par Georges F., médecin

 

"Encore une idée géniale basée sur la diminution de l'offre pour diminuer les dépenses"

"Encore faudrait-il que le patient ait le choix.
Le déconventionnement peut être vécu par le médecin comme un affranchissement des contraintes d'exercice de la médecine 'conventionnée'. OK. Mais dans le cadre de la pénurie de médecins, nombre de patients ne trouvent pas ou plus de médecins accueillant de 'nouveaux patients'. S'ils sont contraints par la démographie médicale à 'confier leurs économies' à un praticien déconventionné sans possibilité de remboursement, il me semble que cela ressemble à une escroquerie en bande organisée!
Au-delà du soin, cela remet en cause le consentement aux prélèvements sociaux et à l'explosion du coût des mutuelles qui seront encore moins accessibles aux personnes modestes.
C'est encore une idée géniale basée sur la diminution de l'offre pour diminuer les dépenses. Cela conduit inévitablement à une médecine à je ne sais combien de vitesses et à une population qui va renoncer aux soins et donc à une prise en charge tardive de maladies plus avancées et plus graves."

Par Michel R., médecin anesthésiste

 

"Ce n'est pas au patient de faire les frais des guerres tarifaires"

"Il s'agit juste d'une mesure puérile destinée à éviter la fuite de la convention.
Ce n'est pas au patient de faire les frais des guerres tarifaires, car c'est bien de cela qu'il s'agit...
Si les médecins étaient réellement écoutés, ils n'auraient pas de malaise, et donc pas de raison de partir.
Mais le 'si tu t'en vas t'es plus mon copain et je vais te le faire payer !'"

Par Alain F., médecin

 

 

"Remettre en cause l'Assurance maladie, c'est remettre en cause la solidarité nationale"

"Cela n'a rien de choquant, car le principe du vivre ensemble a créé en 1945 par le CNR, un système appelé "Assurance maladie" .
Remettre en cause ce système, c'est remettre en cause la solidarité nationale. Rejeter ce système, c'est se mettre hors du système, donc pas de remboursement.
Et peut-être que pour certains, ces mots prononcés leurs rappelleront quelque chose:
'Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité. J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences. Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire. Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés. J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.'
En cas de non adhésion à ces valeurs morales et civiles, une réorientation professionnelle dans les milieux financiers (banques, bourses ... ) est possible."

Par Xavier LR., pharmacien

 

"Cela prouve que la Sécurité sociale n'est plus un partenaire pour les libéraux mais un organisme de contrôle"

"Cela prouve que la Sécurité sociale n'est plus un partenaire pour les libéraux mais un organisme de contrôle. Si le 'contrat' de la convention ne convient pas, nous sommes en droit de la quitter.
Mais le déremboursement des ordonnances aura comme conséquences l'ouverture aux assurances privées et la fin du monopole sécu ... pas certain qu'ils le veulent vraiment.
Pour ceux qui nous balancent le serment d'Hippocrate au visage, rien ne nous empêche de faire de l'acte gratuit en S3, ou d'ajuster le tarif en fonction des possibilités du patient... les pharmaciens peuvent ils en faire autant ?"

Par Pierre O., médecin généraliste

 

"Le patient, devenu client, doit se poser la question : 'En ai-je pour mon argent ?'"

"Les études de médecine sont quasiment gratuites en France. La collectivité nationale, assurée par l’État, forme des médecins pour la soigner. L'assurance maladie est la cotisation que payent les usagers pour bénéficier de ce service. Transformer cet acquis en activité commerciale déroge à ces principes.
Accepter de payer plus cher un médecin peut être un choix. Le patient, devenu client, doit raisonner comme tel et se poser la question : 'En ai-je pour mon argent ?'. Viendront les comparatifs et l'obligation de résultats.
Les médicaments et prescriptions obéissent aux mêmes principes que précédemment. Il ne faut pas vouloir sortir partiellement du système quand ça vous arrange et y retourner pour votre profit. Assumer ces choix jusqu'au bout pourrait aller jusqu'à vouloir cesser de cotiser à l'Assurance maladie et payer la totalité de sa santé. Afficher les coûts réels de nombreuses maladies graves pourrait dissuader les intrépides..."

Par André J., médecin anesthésiste

 
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