Les prescriptions des médecins déconventionnés pourraient bientôt être déremboursées
L'Assurance maladie propose dans son rapport Charges et de produits de dérembourser les prescriptions des médecins déconventionnés. Une façon de valoriser la nouvelle convention médicale, adoptée en juin dernier.
Pas de contrat, pas de remboursement. Ce que souhaite l'Assurance maladie est on ne peut plus clair. Dans son traditionnel rapport Charges et produits, dont Egora a pu consulter une version provisoire, elle émet le souhait que les prescriptions des médecins déconventionnés ne soient plus remboursées. Jusqu'ici, les consultations de ces rares praticiens en secteur 3 étaient bien à la charge des patients, mais les prescriptions de médicaments, d'examens, de transport, etc. restaient, elles, prises en charge. Cela pourrait ne plus être le cas à l'avenir, donc.
La mesure ne devrait pas permettre à l'Assurance maladie de faire énormément d'économies, le nombre de médecins en secteur 3 demeurant relativement faible – ils sont 575 généralistes et 215 médecins d'autres spécialistes, mais elle a une valeur symbolique. "Depuis quelques années, des mouvements de déconventionnement sont portés par certains groupes ou syndicats, écrit-elle dans son rapport. Il semble donc nécessaire de réaffirmer et renforcer l'impact et les conséquences d'un déconventionnement notamment pour inciter les professionnels à rester dans le système conventionnel".
En effet, la convention, adoptée le 4 juin dernier après plus de 18 mois d'intenses négociations, "permet de donner un cadre à la pratique assurant la qualité de prise en charge à travers des objectifs partagés entre les partenaires conventionnels de pertinence et d'efficience notamment dans leur prescription en lien avec les recommandations de la HAS", peut-on lire dans le document provisoire. Par cette proposition, l'Assurance maladie veut rappeler qu'elle ne peut "solvabiliser l'ensemble des prescriptions d'un médecin qui ne souhaite pas conventionner avec elle". Une question de cohérence et de logique.
L'Assurance maladie demande ainsi que le Parlement vote cette mesure dans le cadre de l'examen à l'automne du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.
La porte devrait toutefois rester ouverte aux médecins déjà déconventionnés qui auraient l'opportunité de revenir dans la convention jusqu'à la fin de l'année.
"Il n'y a que dans une dictature que l'on voit ça"
Par cette mesure, "gravissime", "l'Assurance maladie reconnaît qu'elle ne peut garder les médecins [dans son système] qu'en les obligeant", a réagi le Dr Jérôme Marty auprès d'Egora. Et d'ajouter : "Il n'y a que dans une dictature que l'on voit ça ! C'est antidémocratique au possible !" Dérembourser les prescriptions des médecins non conventionnés revient, selon le président de l'UFML, à ouvrir la porte aux assurances privées, qui n'hésiteront pas à se jeter sur ce marché, en imposant leurs conditions. Cette mesure est d'autant plus d'une grande injustice pour le généraliste de Fronton, qui souligne que les médecins en secteur 3 sont des médecins comme les autres, avec le même niveau de compétences.
Si l'Assurance maladie formule cette proposition dans son rapport, c'est parce qu'"elle voit bien que le truc lui échappe et qu'il faut y mettre un frein", assure le Dr Marty, qui a initié le mouvement de déconventionnement collectif il y a un an et demi. Ce dernier évalue plutôt le nombre de médecins déconventionnés à un millier, et assure que ceux qui ont décidé de partir en secteur 3 "n'ont pas envie de revenir" dans la convention. "Cela traduit une grande fragilité. L'Assurance maladie est incapable de mettre en place une convention intéressante, attractive. On est dans un système qui ne satisfait personne. C'est une politique à la 'encore une minute Monsieur le bourreau' !"
Le président de l'UFML prévient : si l'Assurance maladie persiste, et que sa proposition est reprise dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il n'hésitera pas à l'attaquer "sur le plan juridique". "On attaquera l'Assurance maladie devant tous les tribunaux compétents", tempête le Dr Marty, qui attend néanmoins "de voir le texte" avant d'en informer les juristes du syndicat. "Mais bon, pour l'instant, on n'a même pas de Gouvernement...", ironise-t-il.
La sélection de la rédaction
Etes-vous favorable à l'instauration d'un service sanitaire obligatoire pour tous les jeunes médecins?
M A G
Non
Mais quelle mentalité de geôlier, que de vouloir imposer toujours plus de contraintes ! Au nom d'une "dette", largement payée, co... Lire plus