Déconventionnement : "Cette menace est irresponsable, indécente et, pour les médecins eux-mêmes, très dangereuse"
Dans une tribune au vitriol publiée dans Le Monde, un collectif composé, entre autres, de professionnels de santé alerte sur les dangers d'un déconventionnement massif de médecins, notamment pour les patients les plus précaires.
"Le déconventionnement ne peut fonctionner que dans les lieux où se concentrent les classes sociales les plus aisées. Partout ailleurs, dans les banlieues populaires, dans les campagnes, il met en grave péril la santé des habitants. C’est aussi la porte ouverte au retour de toutes les pratiques, autrefois courantes en France, des radiesthésistes, rebouteux et autres guérisseurs, voire des prières de protection", écrivent les auteurs de cette tribune. Ce collectif*, incluant notamment l'ancien président de la Mutualité française Etienne Caniard ou encore Gilles Noël, vice-président de l'Association des maires ruraux de France, estime que le déconventionnement "équivaut à se détourner de la mission sociale de la médecine en faveur du genre humain tout entier".
Comment un tel projet a-t-il pu germer dans le cerveau de gens qui furent d’excellents élèves à l’école?
"Cette menace est irresponsable, indécente, et, pour les médecins eux-mêmes, très dangereuse, sinon autodestructrice. Elle ouvre la porte à des évolutions catastrophiques pour notre société républicaine car s’attaquant à ses fondements : liberté, égalité, fraternité", mettent-ils en garde. "La conséquence serait un renoncement massif et catastrophique aux soins." "Comment un tel projet a-t-il pu germer dans le cerveau de gens qui furent d’excellents élèves à l’école, avant de s’engager dans une décennie d’études très exigeantes et de prêter le serment d’Hippocrate ?", s'interrogent les auteurs de la tribune.
"La difficulté d’une négociation n’autorise pas à dire n’importe quoi", jugent les signataires, qui rappellent "les revenus des médecins, s’ils ne sont certes pas immérités et si, en moyenne, ont baissé ou peu progressé depuis deux décennies, également rongés par l’inflation, placent cependant cette profession dans le haut du panier" en gagnant en moyenne 6 700 euros net pour les médecins généralistes et 9 600 euros pour les spécialistes.
Beaucoup de médecins sont "trop motivés par l’argent"
"De tels écarts devraient au moins obliger à une certaine modestie des prétentions, quand le pays est dans une situation financière vraiment difficile. Les médecins ne sont pas non plus les seuls à être concernés par l’inflation du montant des charges (des frais professionnels déductibles pour eux). Leurs rodomontades ne sont pas dignes de leur place dans la cité", taclent les signataires qui constatent que beaucoup de médecins sont "trop motivés par l’argent" ou "trop liée aux firmes pharmaceutiques".
"Maximiser le profit, celui de quelques-uns au détriment du bien-être de tous. Veut-on que les hommes vivent ainsi ? Nous ne pouvons nous y résigner", conclut le collectif.
[avec LeMonde.fr]
*Le collectif est composé de : Régis Bayle, maire d’Arrigas (Gard), président de la communauté de communes du Pays Viganais et conseiller régional d’Occitanie ; Etienne Caniard, président honoraire de la Mutualité Française ; Fabien Cohen, chirurgien-dentiste de santé publique ; Michel Limousin, médecin, rédacteur en chef des « Cahiers de santé publique et de protection sociale » et membre du conseil scientifique de la Fondation Gabriel Péri ; Gilles Noël, maire de Varzy (Nièvre), premier vice-président de l’Association des maires ruraux de France ; Thierry Philip, professeur de cancérologie ; Emmanuel Vigneron, professeur émérite des universités.
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