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Réduire la durée des études de médecine : et si c'était une bonne idée ?

Lors d'une conférence de presse organisée début janvier par l'Académie nationale de chirurgie, le Pr Didier Gosset, doyen honoraire de la faculté de médecine de Lille, a proposé de réduire de deux ans les études de médecine. Une préconisation "décoiffante" mais qui relève du "bon sens" pour 62% des lecteurs d'Egora.

31/01/2025 Par Sandy Bonin
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Aux grands maux, les grands remèdes. Pour faire face à la pénurie médicale, le Pr Didier Gosset, doyen honoraire de la faculté de médecine de Lille, préconise de revoir de fond en comble le cursus médical et de repartir d'une "page blanche".

Le doyen propose de supprimer le concours de première année. "A ce stade, je suis partisan d'une sélection dès l'entrée en médecine", lance-t-il, évoquant diverses "modalités" possibles : sélection via Parcoursup, sur dossier, tests psychotechniques et/ou de culture générale… Il veut également mettre fin à la LAS* pour ne conserver qu'une voie unique d'accès aux études de médecine, et la possibilité de passerelles.

Il suggère également de réduire d'un an les enseignements des premier et deuxième cycles et de raboter d'une année supplémentaire chaque DES de spécialité. "Les DES de 4 ans reviennent à trois, les DES de 5 ans comme la médecine interne reviennent à 4, les DES de 6 ans comme la chirurgie reviennent à 5", illustre-t-il. Quant au DES de médecine générale, "il doit rester à trois ans", explique le Pr Gosset.  

En supprimant deux années de cursus, Le Pr Gosset calcule qu'il serait possible de libérer plus précocement 17 000 à 20 000 médecins diplômés.

Egora vous a proposé de débattre. A la question "Faut-il réduire les études de médecine ?", 62% des lecteurs (sur 505 répondants) ont répondu par l'affirmative, rappelant que "dans les années 60 les études de médecine duraient alors 7 ans" et félicitant le Pr Gosset pour "ce retour du bon sens".

 

"Le compagnonnage est essentiel"

"Je ne sais pas quelle est la durée idéale des études de médecine. Ce que je crois savoir par expérience c'est que le "compagnonnage" est essentiel et qu'il doit durer un temps suffisant pour atteindre l'autonomie de "l'enseigné".

Ce temps doit être complété par un enseignement de base (anatomie, biologie physiologie au sens large y compris les données physiques, chimiques etc....) et théorique scientifique basé sur l'apprentissage de la lecture critique des articles.

Ces deux temps devraient être adaptés à la "compliance" du futur médecin mais l'encadrement par les séniors ne doit pas être galvaudé. Et donc il faut des séniors capables de pédagogie qui ne soient pas seulement des bourreaux de travail axés sur la TAA mais avec du temps vraiment dédié à cet enseignement.

Je ne sais pas si "c'était mieux avant" mais j'ai eu la chance d'avoir des modèles disponibles (on disait des maitres) qui ont rendu mon émancipation possible.

Je crois que la lutte contre les déserts médicaux passe par l'aménagement du territoire et la réforme des études par leur contenu et par la formation critique pour ne pas gober les pseudo vérités des charlatans chercheurs ou des IA mal renseignées et s'il persiste un art dans l'exercice de la médecine, c'est celui de discerner les vérités vérifiées des vérités alternatives."

Par Michel R., anesthésiste-réanimateur

 

"Reconnaissons enfin que les chirurgiens ne font pas de la médecine"

"Il a raison, et j'irais même plus loin :
- Supprimer la thèse de médecine, qui est un facteur de stress énorme chez les internes, et une perte de temps qui ne leur apporte strictement rien d'autre que du folklore,

- Créer un cursus de chirurgie séparé des études de médecine, plus court. Reconnaissons enfin que les chirurgiens ne font pas de la médecine, et arrêtons de leur faire perdre 6 ans à l'apprendre,

- Créer un vrai statut de "docteur junior", pendant les 2 premières années dans une spécialité vous devez être encadré par un sénior qui vous apprend les ficelles du métier. Ça compensera la réduction d'une année du 3ème cycle. Je suis certain qu'une telle mesure favoriserait les installations en médecine générale."

Par Romain L., médecin

 

"Ne faut-il pas des études plus courtes mais adaptées aux besoins de la médecine de demain ?"

"Plutôt oui, même si la question est particulièrement mal posée comme souvent dans ces sondages à réponse binaire sur des sujets méritant des nuances.

La question pertinente aurait-été "Ne faut-il pas des études plus courtes mais adaptées aux besoins de la médecine de demain que des études longues et dont une grande partie est inutile ? "

Le sujet c'est que les PU-PH, ces corps de métiers exclusivement réservés à des fonctionnaires élitistes afin d'enseigner les étudiants en médecine sont des enseignants qui enseignent de moins en moins, qui passent de moins en moins de temps dans les amphithéâtres des facultés, le plus souvent derrière leurs PC ou leurs tableaux Excel° et les générateurs de l'IA afin de fabriquer des sujets d'examens et des corrections automatiques.

Ces mêmes PU-PH sous le contrôle de doyens établissent des programmes d'enseignement hors-sols totalement éloignés des véritables besoins et des bagages de connaissances que les médecins de demain doivent disposer, en comprenant trop tardivement que la qualité des médecins devrait s'évaluer surtout en fin d'études, devant des mises en situation avec un tutorat fonctionnel et efficient, ce tutorat n'existant pratiquement plus.

La fin d'étude des étudiants et le nouvel internat pour tous n'ont qu'une fonction, faire tourner à faible coût des établissements de santé exsangues.

Alors oui il faut réduire d'au moins 2 ans les études, supprimer toutes les matières inutiles, renforcer les matières fondamentales de la médecine dont la thérapeutique, ouvrir les facultés à des enseignants du privé, inciter les PU-PH à enseigner et passer moins de temps à publier ou dans les salons des congrès. Former les étudiants dans des filières et des disciplines avec des quotas suffisants adaptés aux réels besoins des populations.

Cela fera faire des économies et aboutira peut-être à améliorer l'offre de soins."

Par Michael F., médecin

 

"Ce qui n'a pas été fait en 8 ans ne sera pas fait en 10"

"Bien sûr qu'il faut réduire le nombre d'année d'étude, ce qui n'a pas été fait en 8 ans ne sera pas fait en 10. Les internes qui servent uniquement de cache misère dans les CHU qui ne vont pas mieux pour autant ça suffit. C'est l'ensemble du cursus qu'il faut revoir et faire le tri dans les matières et les examens inutiles, un étudiant devrait être opérationnel dans la pathologie courante en 6 ans. On va finir par dégouter tout le monde."

Par François M., médecin

 

"Retour de l’internat régional"

"L’allongement de la durée des études sert surtout à employer du personnel qualifié dans les hôpitaux à moindre coût ; par ailleurs au bout de 10 ans, les étudiants se sont fixés dans leur ville de fac et ont plus de difficultés pour revenir dans les territoires. Le retour de l’internat régional éviterait la migration vers le sud et permettrait le maintien des étudiants sur leur territoire d’origine."

Par Jean T., médecin interniste

 

"Un médecin est avant tout un humaniste et non un technicien"

"Ahhhh ! On revient enfin à un raisonnement de bon sens !

Il est évident qu’avant toutes ces réformes successives qui ont bloqué ou même dégoûté les générations qui nous ont suivis nos formations n’étaient pas si mauvaises et permettaient de faire carrière généralement par choix et non par renoncement …

Un médecin est avant tout un humaniste et non un technicien ni un stakhanoviste…"

Par Arlette D., médecin du travail

 

"L'accent devrait plutôt être mis sur la clinique"

"L'enseignement de la médecine me semble adapté pour former d'excellents médecins hospitaliers (ce qui n'est pas étonnant puisque ce sont les hospitaliers qui font l'enseignement) mais pas pour former les futurs médecins de ville.

Peut-être serait -il judicieux de constituer des parcours spécifiques pour ceux qui se destinent à la médecine praticienne.

Pour eux les matières dites fondamentales (anatomie, biochimie, etc..) pourraient être écourtées et simplifiées car pas si fondamentales que çà pour leur future pratique.

A mon avis, l'accent devrait plutôt être mis sur la clinique, le choix des examens complémentaires utiles au diagnostic, la thérapeutique et une formation aidant le médecin à une bonne sa relation avec ses patients.

Au total, en diminuant le poids des matières peu utiles après leurs études, cela devrait permettre d'obtenir pour eux un cursus moins long et d'assurer plus rapidement le remplacement des médecins partis, à la retraite."

Par René F., pédiatre

 

"Si on devait réduire la durée, il faudrait accentuer le sérieux de l'apprentissage"

"Pour le moment je considère que non... quand on voit depuis au moins 10 ans, du moins dans mon secteur, le niveau des internes en sortant de l'externat, ça ne me parait pas judicieux... théorie très limitée, gestes techniques quasiment jamais appris... Si on devait réduire la durée, il faudrait accentuer le sérieux de l'apprentissage. Comme l'impression qu'ils commencent à apprendre durant l'internat... Ce n'est pas possible... L'internat doit donner de l'expérience et doit être le terrain de la mise en pratique de connaissances et raisonnements déjà solides. Ce n'est qu'exceptionnellement le cas. A voir la façon d'enseigner et le compagnonnage sur les terrains de stage. Le souci, quand j'ai commencé à senioriser ici, je me rendais compte qu'on ne pouvait bien s'occuper des externes puisque les internes n'avaient pas acquis ce qu'il fallait durant l'externat, donc tout geste c'était pour l'interne, et il fallait déjà former leur réflexion et combler leur manque théorique...  Les externes comme à mon époque d'ailleurs dans certains stages servaient d'administratifs... Il y a un travail personnel à faire pour ces étudiants qui je pense n'est pas fait. Et ça se répercute sur les séniors ensuite. Il y a des grandes disparités de niveau, et je ne m'en exclus pas, ce qui peut mettre en difficultés et nécessite une remise à niveau pénible."

Par Franck M., médecin généraliste

 

"J'ai déjà pu observer une dégradation de la médecine"

"Si nous disposons d'une excellente médecine, c'est parce que l'enseignement est de qualité. Désormais retraité, je suis passé "de l'autre côté". Je ne dispense plus la médecine et en suis "client". J'ai déjà pu observer une dégradation de la médecine française notamment en raison de l'équivalence entre les diplômes de nombreux pays dont certains ont réduit la durée d'enseignement mais continuent à disposer de l'équivalence..."

Par Guy B., biologie médicale

 

*licence accès santé

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