"Voie unique" d'accès aux études de médecine : "On peut appeler cela comme on veut mais on nous propose une Paces"
C’est dans la surprise la plus totale et dans un contexte politique incertain que la Cour des comptes a finalement publié son rapport, tant attendu, sur la réforme de l’accès aux études de santé. Les réactions sont encore timides même si les préconisations ne sont que partiellement convaincantes.
"Le rapport vient juste de sortir, il est long et je n’ai pas eu le temps de tout lire", s’excuse d’emblée Julien Besch-Carrière, vice-président chargé de l’Enseignement supérieur à l’ANEMF. Il faut dire que plus personne ou presque n’attendait le bilan de la Cour des comptes, dont la publication était initialement prévue pour le premier semestre 2024.
Et pourtant, de toutes parts, chacun retenait son souffle : le rapport devait sonner le glas de la réforme PASS-LAS mise en place à la rentrée 2020, contre vents et marées. Chose promise, chose due, l’institution ne passe pas par quatre chemins. Le matin même, Nacer Meddah, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, résumait le rapport devant le Sénat. "Face à une situation qui pénalise les étudiants et met en péril l’attractivité des formations médicales, la Cour estime nécessaire de tirer des enseignements d’une réforme qui n’a pas atteint ses buts." Il dénonce une réforme à la "mise en œuvre peu satisfaisante" et qui a suscité de nombreux "dysfonctionnements". Des remarques qui ne sont pas passées inaperçues.
Des constats connus, désormais reconnus
"Les conclusions ne sont pas étonnantes car ces manquements, nous les connaissions déjà, s’agace Emmanuel d’Astorg, président du collectif national PASS-LAS. Mais cela reste très amer, on ne peut pas se réjouir de cet immobilisme que l’on dénonce depuis quatre ans." Même retour du côté de l’ANEMF : "Le rapport parle d’échec, le mot est fort mais il ne fait que rejoindre nos constats".
Selon la Cour des comptes, la réforme qui a mis fin au système de la PACES a pâti "d’objectifs trop nombreux" (diversifier les profils des étudiants, assurer leur réussite tout en augmentant les effectifs), d’un "pilotage insuffisant", d’un "déploiement hétérogène dans les universités" mais aussi d’une « défaut d’appropriation de la réforme » ce qui a engendré beaucoup d’incompréhension de la part des familles et des difficultés d’orientation pour les étudiants, avec en point d’orgue, "un échec de l’objectif de diversification des profils". "La Cour des comptes n’a pas mis en lumière de nouveaux éléments : on ne peut pas nier ces constats, nous les connaissions", admet Nicolas Lerolle, doyen de la faculté de santé à l’université d’Angers et ancien président du comité national de pilotage de la réforme des études de santé.
La voie "commune" aux études de santé maintenue
"Au vu de l’ensemble des difficultés soulevées par la réforme et sa mise en œuvre, le maintien du statu quo n’est pas tenable. (…) Le seul scénario viable consiste alors à mettre en place une voie d’accès unique aux études MMOP, centrée sur l’étudiant et conservant le principe de progression dans les études", établit la Cour des comptes. Une sorte de mixte entre le PASS et la LAS donc puisque cette nouvelle voie serait assimilée à une première année de licence générale et scientifique "donnant accès aux études de santé". Aussi, elle contiendrait une majorité d’enseignements en santé afin de garantir "un socle commun de connaissances". Les étudiants auraient toujours une seconde possibilité d’intégrer les études de santé lors de leur deuxième année de licence.
Du côté des étudiants, la satisfaction à l’idée de conserver une "année commune" se fait sentir. "Le fait de ne pas vouloir revenir à la PACES, mais plutôt de pallier le gâchis humain et d’assurer une poursuite d’études en s’attardant sur l’orientation, ce sont des propositions qui vont plutôt dans notre sens", confirme Julien Besch-Carrière.
Mais pour le doyen angevin, la proposition n’est pas une véritable solution : "On peut appeler cela comme on veut mais quand on estime que ce sont aux facultés de santé de reprendre les choses en main et qu’il y aura davantage d’enseignements en santé… on nous propose une Paces."
Un accès direct post-bac envisagé
La Cour des comptes propose que cette nouvelle voie d’accès aux études de santé soit mise en place à la rentrée 2026. Mais en attendant, l’institution a également fait plusieurs recommandations à plus court terme, à travers notamment l’expérimentation "sur un panel d’universités, d’un accès direct en pharmacie et maïeutique pour un contingent d’élèves sélectionnés sur Parcoursup".
"Recruter en post-bac est plutôt une position défendue par le collectif, pointe Emmanuel d’Astorg. Garder à l’esprit la possibilité de se réorienter, c’est une chose mais il faut que cette nouvelle orientation soit choisie et ce n’est pas toujours possible après une première année commune car les étudiants prennent souvent un parcours par dépit ou pour des raisons stratégiques. "
La question de l’orientation se pose aussi pour Nicolas Lerolle : "Lorsque les étudiants arrivent en première année, c’est qu’ils veulent accéder à l’une des filières MMOP et surtout pas qu’on leur parle de réorientation. Il faut donc revoir cette orientation, avant, au lycée ou bien après les deux années d’études." Selon lui, l’accès aux études de santé directement via Parcoursup fait partie des seuls propositions qui n’ont pas encore été explorées "mais on risque de décaler la pression du recrutement au lycée avec des prépas privées qui vont en profiter donc ce ne sera pas sans conséquences", pointe-t-il.
La nécessité d’ouvrir un débat
D’après l’ANEMF, qui s’oppose « fermement » à cet accès direct sur Parcoursup, l’objectif est désormais d’ouvrir le débat. "On ne veut pas revivre la rentrée de 2020 donc nous serons très vigilants sur le calendrier, appuie Julien Besch-Carrière. Jusqu’à présent, la réforme n’avait pas pris en considération toutes les parties prenantes or, nous avons vraiment besoin de discussions pour que la réforme convienne à tous." Un avis partagé par Nicolas Lerolle car selon lui, le problème de fond subsiste, malgré le rapport : "Cette réforme est issue d’un mille-feuille d’acteurs qui sont entrés en contradiction, elle a été faite de beaucoup de compromis et c’est pour cela qu’elle ne fonctionne pas. Or, ce problème n’a pas été réinterrogé. Il faut réfléchir à ce que l’on veut vraiment avant d’entamer une nouvelle réforme parce qu’il n’y a pas urgence non plus. Le système PASS-LAS, même s’il n’est pas satisfaisant, il tourne et on finira par planter tout un système si on lance une nouvelle réforme."
Le président du collectif PASS-LAS reste quant à lui sceptique sur la tenue du calendrier. "C’est actuellement impossible de revoir toute la réforme : la situation politique fait qu’il n’y a personne pour faire avancer le dossier. Mais cela va devenir plus que catastrophique pour le système de santé."
Sans ministre actuellement aux commandes et avec une situation financière incertaine pour les universités, difficile en effet d’imaginer qu’une nouvelle réforme pourrait voir le jour rapidement. Rappelons que les recommandations de la Cour des comptes sont seulement consultatives.
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