"Un motif par rendez-vous" : vous en rêviez ? Ce généraliste l'a fait ! Mais peut-on vraiment scinder une consultation au point de traiter chaque symptôme séparément ? Est-ce contraire à l'exercice d'une bonne médecine ou à l'inverse, nécessaire à l'amélioration de la qualité des soins ? Comment gérer ce patient qui vient tous les deux ans avec sa liste de problèmes ? Est-il responsable ou bien victime d'un système où le médecin est rare sans être cher? Faut-il réglementer la durée de la consultation, comme en Suisse ? Autant de questions soulevées par le cas de cette patiente cancéreuse qui a dénoncé l'attitude de son médecin traitant dans la presse après avoir été rationnée par ce dernier lors d'une consultation. Vous avez été nombreux à réagir, approuvant ou non l'attitude de votre confère, mais aussi et surtout vous interrogeant sur la pratique de la médecine générale et son évolution. Voici une sélection de vos commentaires.
Par David_B_10
"Absolument d'accord... Stop en une consultation à 25 euros de faire : consultation, examen clinique, renouvellement d'ordonnance, lecture de la prise de sang, prescription d'une prochaine, lettres au dermato, au gastro, établissement d'un certificat médical pour la pétanque, cotorep, vaccin contre la grippe (c'était avant) etc. Tout cela pour un pauvre médecin, sans secrétariat, avec salle d'attente comble, patients qui s'énervent car on va laisser passer devant eux une femme enceinte, une "urgence" médicale (gastro par exemple), un porteur de carte handicapé, etc. Si le respect ne vient pas du patient, c'est à dire être rapide et concis, au médecin de l'imposer et que le patient qui n'a que cela à faire, en effet, vienne plus régulièrement, plutôt que deux fois par an, avec dix demandes : stop à cette médecine éminemment ridicule (je ne parle pas des tarifs à 50, 75 ou 150€ ailleurs, dans d'autres pays...), je demande juste le respect ! Et que le patient cesse de faire l'étonné, de lever les yeux au ciel ! Vous avez vu jusque-là qu'il n'est pas question de gagner de l'argent sur le dos du patient ou de la Sécu, mais de gérer le rapport temps médical, nombre de patients, désertification médicale... pour le respect du médecin, puisque visiblement personne ne pense à lui !"
Par Anne_Y
"On entend tous ça, on vit tous ça... alors que les patients regroupent leurs motifs de consultation 'pour ne pas déranger le docteur trop souvent', ce qui ne part pas forcément d'une mauvaise intention! Faire énoncer les motifs de consultation, les hiérarchiser, expliquer avec tact qu'on ne pourra pas tout faire en une consultation, demander ce qui aux yeux du patient est le plus urgent à régler (plus le/les symptôme physiques que la paperasse), et proposer un autre RV pour le formulaire MDPH, ou le frottis à refaire, la contraception à expliquer... les patients comprennent et ça passe très bien! (…) Exemple: hier après-midi, vu une patiente pas revue depuis deux ans. Frottis à refaire plus tendinopathie de l'épaule hyperalgique, et invalidante. Examen et testings de l'épaule (Jobe, Hawkins, Patte...), prescription imagerie car suspicion ++ calcification tendon coiffe, prescription AINS, et kiné. Je la revois dans 10 jours avec les radios et pour le frottis."
Par Pelicano
"Soutien total à ce confrère, il est sur le bon chemin. Je dis cela sans aucune agressivité envers la patiente, mais il faut ré-éduquer...
les gens. Soyons clair, c'est la Secu qui nous entube -et pas l'inverse- avec un tarif indigent, et nous faisons des actes gratuits à longueur de journée. Les patients nous consomment, changent de médecins quand ils ne sont pas contents, publient des avis sur Google comme au restaurant! Il faut apprendre à dire NON, arrêter de vouloir être aimé de tout le monde. Je suis admiratif de sa fermeté."
Par Pruneau
"Je suis absolument d'accord également. Une consultation, que cela dure 15min ou une heure, c'est 25€. Il est hors de question pour moi de passer 1heure avec un patient pour 25€, tarif Sécu. C'est aussi une question de gestion du temps médical. Ces patients veulent qu'on règle tous leurs problèmes en une consultation (souvent les retraités qui eux ont le temps), exigent également qu'on soit ponctuel. Ils viennent consulter tous les 2ans à 5ans et veulent régler plusieurs motifs en une consultation. Une ordonnance d'échographie oui cela prend 2 secondes à faire mais pourquoi? Il y a un motif derrière. Comme je leur explique, on n'est pas un distributeur d'ordonnance. Pas de place pour le shopping. Un renouvellement d'ordonnance ce n'est pas un recopiage d'ordonnance c'est une réévaluation médicale. Moi chaque motif me prend 15min. Donc 3 motifs me prennent 45min. Comme je dis à mes patients je ne suis pas magicien mais médecin. Ça prend le temps de faire un diagnostic. Tout changement prend du temps mais on arrive à faire changer la mentalité des personnes. De même un rendez-vous, c'est une personne. Pas trois personnes en une consultation: 'regardez juste l'oreille de celui-là et le poumon de ma fille et les semelles orthopédiques et rééducation orthophonique pour le 3e'. 'On a tous la gastro on sait déjà arrêter nous tous et mettez le même traitement pour tous'. Médecine shopping c'est terminé! Eh oui. "
Par Francis_M_3
"Mon métier m'a appris qu'il est plus facile pour le patient de parler en premier de ce qui lui fait le moins souci et que les vrais motifs de consultation apparaissent dans un second temps, en fonction de la disponibilité d'écoute ressentie. Il est facile de scinder une consultation et de proposer un nouveau rendez-vous assez proche dédié à un problème précis. Ne pas oublier que la cause de certaines dérives de nos pratiques (par exemple, les trop nombreuses prescriptions de psychotropes en fin de consultation ) sont souvent liées à notre difficulté psychologique de proposer les deux, trois ou quatre rendez-vous qui pourraient s'avérer nécessaires pour un diagnostic précis et une thérapeutique cohérente."
Par Clause_S
"Nous sommes au cœur du problème de la médecine générale. Médecin retraité, j'ai travaillé à 'l’ancienne' : dans la très grande majorité des cas, je prenais tous les motifs de consultation en considération en ce qui concernait les pathologies ou symptomes. C’était déjà très chronophage, mais cela me semblait être la vraie médecine. Il arrivait que je consulte pour être rémunéré au tarif horaire d'une femme de ménage (pour qui j'ai le plus grand respect). Cela s’équilibrait quelquefois avec des consultations plus courtes ou s'aggravait avec les urgences. Puis les contraintes administratives et la 'paperasse' ont aggravé...
les choses, sans parler du changement de mentalité des patients. J’avoue avoir quitté le navire après 42 ans de quasi 'saccerdoce', démotivé et 'écoeuré' par le système de santé traitant les médecins avec un véritable mépris. Ce qui est au cœur du problème c'est, entre autres, le niveau et le mode de rémunération. Le paiement à l’acte conduit à faire de l’abattage et le forfait ou salariat à pratiquer une médecine où le patient devient un pion entre médecins et/ou remplaçants interchangeables. Contrairement au beau discours de nos 'élites' le patient n’est plus la préoccupation première, centrée sur les budgets et la médecine générale est découpée, nivelée vers le bas et confiée à des 'professionnels de santé' sous le prétexte (réel) des déserts médicaux. Au final nous sommes tous responsables de cette situation, mais certains ... plus que d'autres."
Par Potter le 18-06-2021
"Pourquoi blamer notre confrère ? Ne cherche-t-il pas, à sa façon, à inscrire la médecine générale dans une démarche de qualité des soins ? Il contraint la patientèle à hiérarchiser ses demandes. Il consacre 15 minutes à cette demande. Moi je suis excedé tous les jours de cette derive de la patientele à consulter pour de multiples motifs (je n'ai quasiment plus de consultation pour un seul motif et la moyenne doit se situer entre 3-4 demandes par consultation). Satisfaire à chacune de celle-ci m'oblige fréquemment à prendre du retard, à diminuer le temps que j'accordais a la surveillance de la pathologie chronique, des verifications de la réalisation des actes de prévention, aux messages d'éducation à la santé ou de l'enrichissement du syteme d'information, et à differer sur un temps de travail hors consultation (et sans rénumération) le courrier au confrère specialiste, appeller pour avis, ou rediger l'acte administratif (dossier Cotorep/demande ALD, etc.). Je peste en demi silence par convention ou même lachété. Lui, il agit, il essaye d'eduquer, de faire comprendre que l'important c'est aussi la qualité. Je ne peux pas le blâmer. L'exemple rapporté peut sembler un peu excessif. Il s'agit d'une premiere rencontre, il aura forcé le trait dans un but éducatif pour faire respecter sa regle. On remarquera qu'il accepte de nouveaux patients, une demarche que certains d'entre nous ont dû abandonner faute de temps ou d'énergie disponible. Refléchissons. Si la patiente avait uniquement parlé de sa diarhée chronique, peut être aurait-elle eu son échographie ? Est-ce à elle de decider de l'opportunité de cet examen ? Certains d'entre nous ne se seraient-ils pas senti considérés 'comme un distributeur automatique d'ordonnance' face à une personne qui pose la problématique ainsi : il me faut un traitement pour mes diarhées, une échographie abdominale et vous me ferez ma prolongation d'ALD. Qui n'aurait pas eu envie d'afficher sa desapprobation face à un comportement quelque peu 'consumériste' et dégradant pour le médecin. Oui les plus empathiques d'entre nous, les moins fatigués et peut etre moins agés (comme les deux remplaçants précédents peut être) reussiront à dépasser cela, et acceder aux demandes de la patiente avec le sourire. Peut etre que si la patiente de notre confrere était une ancienne patiente avec qu'il avait vécu tous les déboires qui l'ont conduit à son ALD etc., peut-être aurait-il aussi trouver l'empathie nécessaire pour dépasser la règle qu'il s'est donné, une fois encore probablement pour préserver la qualité de son diagnostic et de ses soins. "
Par Juvanonim
"Parmi toutes les contraintes encadrant la consultation medicale, la durée de la consultation n'a pas encore été réglementée. C'est un des rares paramètres laissés à l'appreciation du medecin. Un consensus semble se dessiner : 15 minutes. Bien entendu, le medecin ne compte pas son temps quand il s'agit d'un probleme urgent. Mais il y a toujours une contrepartie, surtout depuis que la pandémie impose que la salle d'attente soit la moins remplie possible : une durée plus longue retentit sur les autres patients. On peut essayer de rattrapper en passant moins de temps avec certains. Mais ils se trouvent lésés à leur tour. Si on considere que la durée moyenne doit etre plus longue, le pauvre medecin installé en désert medical verra moins de patients. Bref, le temps du medecin n'est pas extensible. C'est une question d'éducation : ne tirez pas sur la corde, chers patients. Sinon elle finira par casser et vous n'aurez plus de medecin du tout."
Par Expert
"C'est une médecine que je ne reconnais plus et qui me désole. Si vous n'avez pas envie d'écouter les gens, reconvertissez-vous ; plombier c'est très bien, il paraît que 'ça gagne mieux'. J'ai écouté mes patients, je prenais des rendez-vous longs, je ne me suis jamais plaint, j'estime avoir très bien gagné ma vie, et surtout, j'ai fait un métier humain que j'aimais et, je l'espère, avec humanisme. A vos pouces baissés puisque ce type d'exercice n'existe plus guère."
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