Refus

Coercition : mauvaise équation

L'édito de Karen Ramsay, rédactrice en chef du magazine Egora.

03/12/2024 Par Karen Ramsay
Refus
Karen Ramsay, rédactrice en chef

Régulièrement mise sur la table, âprement discutée, rejetée ou encensée de part et d’autre de la chaîne du soin, la régulation à l’installation des médecins est brandie, une nouvelle fois, comme l’une des solutions immédiates à la crise des déserts médicaux. Avec ce principe sous-jacent : cette contrainte n’ayant jamais été expérimentée en France, osons tenter "cette mesure de courage politique" et voyons les retombées ! 

Au-delà de l’idée même de la régulation, c’est la vision politique qu’elle sous-entend qui ne convient pas : contraindre au lieu de comprendre. En somme, obliger les jeunes médecins à s’installer dans des territoires sous-denses pour pallier les manquements et l’approche court-termiste des dernières politiques de santé. Céder à la menace donc, au lieu de s’attaquer aux questions de démographie ou proposer une organisation des soins différente, hors des silos habituels. 

Le système de santé n’y survivra pas, l’équation ne fonctionne pas. Parce que la contrainte pourrait tout bonnement décourager les jeunes médecins de s’installer. Parce que cette coercition "temporaire" de deux ans dans des zones sous-dotées – n’oublions pas que l’on parle de 87% du territoire ! – ne saurait assurer la continuité des soins. Parce que le médecin en début d’exercice – peut-être déjà obligé de délocaliser sa famille – fait ses premiers pas dans des territoires désertifiés où les contraintes liées à l’accès aux services publics, à l’école ou encore au logement sont également prégnantes. Parce qu’un métier attractif n’est pas un métier sous obligation. 

Opter pour la coercition, c’est poser un pansement sans chercher à soigner la plaie ou à prévenir la rechute. En affaiblissant l’attractivité du métier, en faisant peser sur des jeunes le choix (ou le non-choix) des anciens, en agitant le bâton au lieu d’accompagner et d’encourager, ces mesures punitives viendraient fissurer encore davantage le système de santé… Loin, très loin de la promesse du Président Macron d’attribuer un médecin traitant à chaque patient chronique. Échec et mat.

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