"Il est crucial d’arrêter le sacrifice d’étudiants" : le collectif Pass/LAS réclame une réforme urgente

22/03/2024
"Nous ne sommes pas un modèle à détruire, mais à parfaire", lance le collectif national Pass/Las, dans une tribune publiée ce mercredi 20 mars par Egora. Constitué de parents et de carabins, il milite contre la réforme du premier cycle des études de médecine (R1C), mise en place en 2020. "Nos aspirants étudiants ont besoin d’un supplément d’humanité de notre part, non d’une maltraitance institutionnelle", écrit l'association, qui propose l'instauration d'"un système unique aux règles sensées, rationnelles" et "communes"

"En 2020, une nouvelle réforme a transformé le concours d’entrée en médecine et autres filières de santé. La suppression du numerus clausus si médiatisée… Las ! Le latin semble ici surtout utile pour cacher la poussière sous le tapis ! Le temps était donc venu d’arrêter un massacre, de diversifier le recrutement, et d’interdire le redoublement. Dans les mauvais scénarii, les concepts étranges doivent être placés tout au début : ils sont ainsi entérinés. Si les médecins ont tous gardé un souvenir intense de leur P1, qu’importe son nom, beaucoup savent que le redoublement leur a été bénéfique en de multiples points. Les pédagogues des grandes écoles osent même vanter ses vertus. Quant à sélectionner des candidats sur des critères autres que leur endurance et leurs compétences scientifiques… La Terre est bleue comme une orange. Tout va bien. Les Diafoirus des temps modernes ont donc décidé, avec le soutien des étudiants représentant les associations et celui des illustres doyens, d’une réforme abstruse. Les étudiants se sont inscrits en confiance : le travail serait récompensé. La désorganisation et les annonces secondaires stupéfiantes, la part colossale des places réservées aux ultimes redoublants de l’ancien système PACES, ont motivé çà et là des parents à rechercher des informations ; des collectifs locaux se sont constitués. Des scrutateurs isolés se sont regroupés en un collectif national, qui a pris vie et vit encore grâce à un groupe de discussion très actif sur WhatsApp.  

Il est urgent de restaurer l'égalité de traitement, fondement de notre République 

À l’incompréhension ont progressivement succédé l'indignation et la colère face à ce que les étudiants subissaient et qui pouvait s’apparenter à de la maltraitance. L’ajout de nouvelles matières, l’absence de cadre national sur les programmes et les modalités d’examen, les modifications en cours d’année universitaire des règles - qui décideraient de la réussite ou de l’échec des étudiants sans possibilité de redoublement - ajoutaient un stress indicible à un concours déjà connu pour être un des plus angoissants de notre pays. Les étudiants représentant les associations et les illustres doyens ont alors dénoncé unanimement une réforme mal comprise. Devant une telle gabegie, il était urgent de restaurer l'égalité de traitement, fondement de notre République ; crucial d’arrêter le sacrifice d’étudiants du fait d’une réforme bâclée, injuste et finalement contre-productive - ah, oui : toutes les places ne sont pas pourvues ! Après le dialogue avec les universités, l’alerte, notamment au sujet des augmentations dérisoires des effectifs alors que l’essai de la réforme avait validé 33% dans les universités pilotes… Les collectifs ont rencontré le Gouvernement, sensibilisé les médias et tous les politiques, ralliant ainsi 403 parlementaires. Nous devenions la seule interface pour déchiffrer auprès des étudiants les rouages si complexes de cette réforme inepte, véritable usine à gaz ! "Si on t’explique la réforme et que tu l’as comprise, c’est qu’on t’a mal expliqué", nous disait-on ! Des étudiants exceptionnellement classés se sont vu disqualifiés en raison d’une note transitoirement éliminatoire dans une discipline dite mineure (sciences éco, littérature médiévale…) ou lors d’un oral sans règles avouées. Seuls les ressorts juridiques pourraient faire tomber cette réforme incompréhensible : nous nous sommes ainsi constitués en association. Une pétition a réuni 54 384 signatures. Nous avons sollicité le Défenseur des droits, quinze collectifs locaux ont lancé des actions devant les tribunaux administratifs et le Conseil d’État a reconnu notre cause à trois reprises ! En 2021, le Conseil d’État a enjoint à quinze universités d’admettre aussitôt 1 128 étudiants supplémentaires en deuxième année de santé, dont 600 en médecine ! En 2023, le Conseil d’État a considéré comme illégaux les oraux. Les ministères vont prendre leur temps pour en tenir compte. Bien dommage qu’ils n’aient pas choisi d’être aussi diligents lors de l’application de cette réforme inepte. Aujourd’hui encore, cette réforme continue d’éjecter des étudiants aptes à ces études, certains choisissent de s’expatrier… Reviendront-ils ? Quel gâchis !  

Nous demandons l'application sans délai de l'ordonnance du Conseil d'État

Les étudiants représentant les associations et les illustres doyens dénoncent enfin unanimement une réforme inappropriée. Cette réforme a été pensée pour l’échec ! Tout le système est mal construit, car le bon sens en est absent. Des revers et des abandons sont déjà observés. L’empathie doit être valorisée, mais n’est pas un critère évaluable à 18 ans ! L’esprit et les connaissances scientifiques sont nécessaires pour comprendre et exercer notre art ; l’ouverture d’esprit doit être cultivée tout au long du parcours. Nous avons été entendus par le Gouvernement, le Sénat, l’Assemblée nationale, la Conférence des doyens, la Cour des Comptes… Il est temps d’agir ! Nous demandons l’application sans délai de l’ordonnance du Conseil d’État. Nous proposons un système unique aux règles sensées, rationnelles, communes, avec des critères de réussite cohérents, une meilleure docimologie, où les matières exogènes ne seraient proposées qu’en cas de réorientation envisagée. Soyons justes ! Notre époque permet l’autocritique, le moment est venu de nous interroger ! #medtoo Quel souvenir gardent les médecins de leur première année ? Dur labeur, stress majeur, marathon épuisant… Mais les règles au moins étaient claires. Si rares ont été les médecins, les ordres ou les sociétés savantes à défendre les actions du collectif ! Pourquoi ne participons-nous pas à l’élaboration de la sélection des praticiens de demain ? Nous ne sommes pas un modèle à détruire, mais à parfaire. Nos aspirants étudiants ont besoin d’un supplément d’humanité de notre part, non d’une maltraitance institutionnelle ; « la force qui est en chacun de nous est notre plus grand médecin » selon Hippocrate : laissons ces étudiants la développer, assurons pour eux le compagnonnage que nous avons reçu, en l’améliorant. Soyons leurs pères, pas leurs bourreaux, protégeons-les !"

 
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