Quand il a compris que le tirage au sort allait s'appliquer à la PACES cette année, le président des doyens, le Pr Jean-Luc Dubois-Randé, a immédiatement alerté le ministère. Si une sortie de crise a pu être mise en place, il s'inquiète de ce qui attend les étudiants l'année prochaine. Il appelle à une réflexion urgente sur l'entrée des étudiants en études de santé.
Egora.fr : Comment avez-vous appris qu'un tirage au sort était envisagé en PACES ? Que s'est-il passé ensuite ? Pr Jean-Luc Dubois-Randé : Nous l'avons appris dès jeudi, parce qu'on a été alertés par les familles. Elles nous disaient "C'est bizarre, mon fils est 'en attente'. Qu'est-ce-que ça veut dire ?" C'est là qu'on a capté qu'il y avait probablement un souci, et ça s'est vérifié. Certains étudiants avaient même été basculés en province, sur d'autres UFR. Il y avait une saturation de la PACES en Ile-de-France, donc on partait sur un tirage au sort. Les services du gouvernement précédent avaient diffusé une circulaire en confortant le tirage au sort pour la PACES. Une fois qu'on a su ça, on a alerté très vite le ministère qui commençait à recevoir les mêmes messages. On a vu qu'on était sur des chiffres fixés à 857 demandes non satisfaites. Chaque année, les facultés fixent leurs capacités d'accueil, qu'on ne cherche pas forcément à augmenter puisqu'il y a un ratio entre le nombre d'étudiants admis en première année et ceux qui passent le numerus clausus. Si on augmente les capacités d'accueil, on augmente d'autant la sélection puisque le numerus clausus ne bouge pas. On savait donc qu'on était en capacité d'ouvrir des places supplémentaires dans la plupart des universités d'Ile-de-France. Je l'ai fait savoir assez vite aux étudiants dès le jeudi soir, parce que ça commençait à s'affoler. On a eu une réunion le vendredi au cabinet de la ministre de l'Education. Il y avait l'ensemble des doyens d'Ile-de-France, certains présidents d'université, le directeur de cabinet et la conseillère santé du ministère, Isabelle Richard. On a compris qu'il y avait probablement eu une forme de surbooking. Comment l'expliquez-vous ? Cette année, sur APB [admission post-bac, NDLR], les réorientations et les primo-entrants étaient dans le même sac. Contrairement à l'année dernière. Il y a donc eu un télescopage entre des réorientations et des lycéens. Il y a d'autres explications. Il y a un nombre d'étudiants qui augmente chaque année, c'est inéluctable. Avec une augmentation très importante dans les 10 prochaines années Enfin, les masseurs-kinés créent une attractivité supplémentaire pour la PACES parce que les instituts de kinés prennent aujourd'hui préférentiellement les étudiants sortis de PACES. Quelles sont les solutions pour ces 857 étudiants ? On rassure les étudiants : tous ceux qui ont demandé PACES en 1er choix seront reçus. 857 étudiants, c'est possible de les absorber. D'autant que l'expérience montre que chaque année, sur le nombre global retenu par APB, il y a une perte d'étudiants qui n'est pas négligeable. Certains n'ont pas le bac, certains font d'autres choix, d'autres ne viennent pas s'inscrire à l'université. Sur les 857, pas loin de la moitié ne viendront pas à l'université. Mais on n'a pas travaillé comme ça. Supposant qu'on les ait tous, créons les capacités d'accueil pour tous. On a donc augmenté nos capacités d'accueil des 7 facultés. Ça fait une centaine d'étudiants de plus par faculté. Il y en a un peu plus à Bobigny, j'en ai pris 150 à Créteil… Mais si on se retrouve avec une augmentation conséquente des effectifs, il faudra probablement augmenter un peu le numerus clausus pour que la sélection ne soit pas encore plus rude. Nous sommes favorables à une adaptation du numerus clausus, fac par fac. Quelles solutions envisager à moyen ou long terme ? Ça c'est pour gérer 2017, mais en 2018 on ne veut pas se retrouver dans une situation semblable. On le dénonce depuis plusieurs années. On avait dit qu'on allait inéluctablement se retrouver dans une situation de tirage au sort. Chaque année, on regardait pour savoir si ça allait passer. Déjà l'année dernière, on était passé à côté presque par miracle. Et cette année, on y était. Si on reste dans cette situation, sans rien bouger, l'année prochaine ce sera pareil. Il faut avoir une réflexion sur l'accès à la première année de santé. Il faut mettre en place un minimum de filtres. On peut envisager un pré-requis pour les lycéens, on peut enlever les redoublants ou limiter leur nombre grâce à l'alter-PACES. C'est ce qui se fait dans les expérimentations déjà menées : soit on passe, soit on continue son parcours en licence quitte à revenir après. Les redoublants représentent 30 à 40% de l'effectif. Ça créé des conditions de pédagogie qui ne sont pas acceptables. On demande la suppression du numerus clausus dans sa forme actuelle On ne veut pas faire rentrer tout le monde, mais aujourd'hui, le numerus clausus n'a plus de sens. Ce n'est pas un instrument de régulation de la démographie médicale à court terme, et à long terme ce dispositif se heurte à des éléments de distorsion au bout de 10 ans par rapport à ce qu'on pensait. Nous souhaitons revoir un peu tout ce périmètre d'entrée dans les études de santé, d'accompagnement lorsqu'on n'est pas reçu, d'accompagnement vers les nouveaux métiers de la santé. Il faut une souplesse des capacités d'accueil des facultés de médecine en fonction d'éléments démographiques du territoire, d'engagement de la faculté pour des installations... La médecine doit s'adapter au monde moderne, il ne s'agit plus de faire rentrer des étudiants, de les former de la même façon et de leur créer un goulet d'étranglement au moment de l'ECN numérique, qui n'est d'ailleurs plus entendable aujourd'hui sur un plan de modernité des études de médecine. Que reprochez-vous aux ECN dans leur forme actuelle ? Que tous les étudiants une fois rentrés dans le cursus médical passent tous les ECN de la même manière, soient tous formatés de la même façon, sans possibilité d'avoir une originalité de parcours… Il y a des étudiants en médecine qui font aussi l'école de l'Inserm, qui prépare des biologistes et des chercheurs. On leur demande à un moment donné d'arrêter tout pour se préparer à l'ECN. C'est un peu absurde. Il n'y a pas de possibilité de s'éloigner d'un schéma. Celui qui veut faire de la biologie moléculaire ou de la recherche, pourquoi diable ne lui prépare-t-on pas un parcours adapté ? Celui qui veut faire médecine et ingénieur, ou médecin et droit, ou médecine et administration, pourquoi ne pas lui proposer un parcours qui permet de les préparer à des métiers dont on a fichtrement besoin ? Bien sûr, il faut garder un ECN classant et national, mais il faut qu'on ait la possibilité de créer des parcours originaux pour un certain nombre d'étudiants. On a des propositions à faire à la fois sur l'entrée dans les études de santé, et sur la sortie en sortant d'un moule unique. Emmanuel Macron a affiché sa volonté de revoir le numerus clausus, et la ministre elle-même a indiqué qu'elle ne voulait pas être la ministre du tirage au sort. Ce sont des messages forts, qui vont nous permettre de travailler. Comment expliquez-vous le fait qu'on ait évité de justesse un tirage au sort, alors que les ministres précédents s'étaient engagés à ce qu'il n'y en ait pas en PACES ? La PACES fait partie des filières non-sélectives, au même titre que STAPS, que psycho, que d'autres… Si on ne transforme pas ça par la loi, le fait qu'un secrétaire d'Etat dise "je ne veux pas de tirage au sort", très bien mais encore faut-il modifier la loi. Ce qui n'a pas été fait pour l'instant. Donc, forcément, à un moment donné, il y a une contradiction entre un discours et une réalité juridique. D'autres régions sont-elles concernées ? Si on ne fait rien, d'autres régions vont être concernées. Toutes les grandes régions en fait. Mécaniquement, il y a une augmentation des étudiants donc ça va inévitablement concerner tout le monde. On va donc travailler cette année pour éviter cette situation l'année prochaine, avec les étudiants de l'Anemf, qui sont très remontés.
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