Etudiante en médecine, elle redouble volontairement et chute de 1000 places aux EDN : "J’ai perdu une année de ma vie"
Déçue de ses résultats aux EDN, Elodie a décidé de redoubler sa sixième année de médecine en 2023. Pendant un an, l'étudiante de 25 ans s'est entraînée pour repasser ces examens et améliorer ses notes. Mais le 28 octobre dernier, jour de la publication des résultats, l'apprentie médecin tombe de haut : son pari n'a pas payé et elle doit repasser les rattrapages. Elle regrette désormais d'avoir redoublé volontairement et appelle les carabins à ne pas prendre cette décision à la légère.
Elodie, 25 ans, regrette amèrement son choix. L'an dernier, l'étudiante en sixième année de médecine a décidé de redoubler. Convoquée aux rattrapages après le passage des EDN, à l'automne 2023, la jeune femme a préféré ne pas valider ces épreuves. En fin de classement, elle comptait sur cette année supplémentaire pour améliorer ses notes et gagner des places. "J'étais sûre de moi", se souvient celle qui a de nouveau planché sur les EDN en octobre 2024. Mais lors de la publication des résultats, il y a près d'un mois, c'est "la douche froide" : Elodie doit repasser par la case "rattrapages".
L'étudiante est loin d'être la seule à avoir choisi de redoubler fin 2023. Avec l'entrée en vigueur de la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C), qui a mis en place les EDN et les Ecos, de nombreux carabins ont été surpris par leurs notes. Certains ont vu leur spécialité de rêve leur échapper, les poussant à vouloir retenter leur chance un an plus tard. L'an dernier, 276 étudiants en sixième année n'ont pas obtenu la note de 14/20 aux connaissances dites de rang A – considérées comme essentielles à tout médecin - nécessaire pour valider les EDN (rattrapages compris) et ont dû redoubler. Mais impossible de savoir combien d'entre eux l'ont fait volontairement.
A Sorbonne Université, où elle étudie, Elodie assure qu'ils sont plusieurs à "s'être auto-sabotés pour pouvoir redoubler". Dans les autres facultés aussi, des carabins ont préféré repiquer leur sixième année. "On a fait un appel sur Facebook pour retrouver tous les redoublants [dans toute la France, NDLR] et faire un groupe ensemble pour s'épauler, se soutenir dans cette année supplémentaire", raconte l'externe, qui échange régulièrement avec une petite vingtaine d'étudiantes ayant fait le même choix qu'elle.
"Il y a plein de spécialités qui me plaisent, mais je ne pouvais pas les avoir"
A l'automne 2023, lorsqu'elle prend la décision de redoubler, Elodie y a déjà longuement réfléchi : "Je m'étais dit [avant même de passer les EDN] que si je ne validais par le rang A, je me saboterai aux rattrapages." Le jour des résultats, la jeune femme tombe de haut : elle n'obtient que 12,45/20 et se classe 7900ème sur 8200 étudiants. Ses rêves de "cardiologie, de chirurgie ortho, de médecine légale…" s'effondrent alors. "Il y a plein de spécialités qui me plaisent, […] mais je ne pouvais pas les avoir", souffle-t-elle. Car, même en maximisant ses notes aux rattrapages, seuls ses résultats obtenus lors de la première session des EDN en octobre auraient été pris en compte dans le classement final pour l'internat.
"On était obligé de se présenter aux rattrapages, mais on n'était pas obligé de cocher quelque chose [dans les QCM], donc c'est ce que j'ai fait", détaille Elodie, qui a été invalidée début 2024. A partir de janvier, la future blouse blanche enchaîne deux stages en cardiologie dans un hôpital parisien. "Dans ma fac, les redoublants avaient le choix durant cette année soit d'aller en stage, soir ne pas y aller du tout, précise-t-elle. Et globalement, on avait le droit de choisir le stage que l'on voulait."
Pendant six mois, alors que ses anciens camarades se préparent pour les Ecos, l'externe alterne journées de stage complètes et révisions. Du moins, elle tente de tenir ce rythme. "J'ai une hypersomnie idiopathique, glisse la jeune femme, qui fait que je dors beaucoup, n'importe où et n'importe quand." "C'est compliqué pour réviser quand on dort 17 heures par jour […] J'ai essayé [au mieux] de travailler, mais c'était limité quand même", ajoute Elodie. L'étudiante a finalement pu reprendre à 100% les révisions un mois avant de repasser les EDN. "Je n'étais pas dans les conditions adéquates pour réussir", estime-t-elle, aujourd'hui.
Mi-octobre, elle est pourtant ressortie "contente" de ces épreuves écrites. "On a quasi toutes eu cette impression dans les redoublantes, assure l'externe parisienne. On était plusieurs à se dire qu'on avait le sentiment d'avoir géré. Je savais que je n'avais pas un classement de 'malade mentale', mais j'étais quasi certaine de valider les notes de rang A."
"Je ne m'attendais pas à un si mauvais classement'
Mais le lundi 28 octobre, date de publication des résultats des EDN, c'est la désillusion. Elodie doit se contenter d'un 13,17/20 et chute de 1000 places au classement ; pas suffisant pour valider ces épreuves ni atteindre les spécialités qu'elle convoite. "Je suis classée 8900ème sur 9500, donc je suis dans les 600 derniers au lieu d'être dans les 300 comme l'an dernier. Proportionnellement, j'ai gagné des places, précise l'apprentie médecin. Je savais que je n'allais pas être top 1, mais je ne m'attendais pas à un si mauvais classement […] Ce n'est pas [juste] de la déception, c'est pire…"
La jeune femme insiste : elle n'est pas seule dans cette situation. La majorité des redoublantes qu'elle connaît ont, elles aussi, été "ultra déçues" de leur résultats. Si certaines ont réussi à progresser dans le classement, "ce n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'elles ont donné" au cours de la dernière année. "Elles regrettent, car elles ne sont pas passées de 8500 [places] à 2000, mais plus à 7000 par exemple", développe Elodie. "Perdre un an de sa vie pour gagner 1000 places, ça ne vaut pas le coup."
L'externe pointe notamment du doigt le niveau des nouveaux étudiants en sixième année de médecine, qui n'ont pas eu à faire face à la première année d'entrée en vigueur de la R2C et à ses nombreux couacs. "Ils sont frais comme la rosée", ironise-t-elle. "Nous, on ne nous a annoncé qu'en D2 [quatrième année, NDLR] qu'on aurait [une partie] du programme en moins. Donc, de notre P2 [deuxième année] à notre D2, on a fait 100% du programme", dont une partie non évaluée pendant les EDN, détaille Elodie. "Alors qu'eux", insiste-t-elle, ont eu plus de temps pour anticiper ces épreuves, sans avoir à reprendre tout le programme. "La différence est énorme !", lâche l'étudiante : "On s'est fait rouler sur toute la ligne."
"Je ne vais pas avoir le choix de faire pendant 40 ans un métier qui ne va pas me plaire"
Elle dénonce par ailleurs la note seuil de 14/20 nécessaire pour valider les EDN. "Qu'on demande un note minimale, c'est évident et je ne comprends pas pourquoi ça n'a pas été fait avant. On devrait au minimum avoir 10/20, car avoir un 0 quand on est médecin, c'est quand même un honte !", soutient Elodie. Mais 14/20, c'est trop pour elle : dans ce nouveau système, il faut exceller. "Avec mon 13,17/20 maintenant, je me retrouve avec les mêmes spécialités qui étaient proposées à ceux qui avaient 0 il y a deux ans… C'est démoralisant", lance-t-elle, appelant les carabins à bien réfléchir avant de redoubler volontairement.
Pour Elodie, pas de doute : cette année supplémentaire de préparation est un échec. "Au-delà de cette année perdue à réviser, mon état de santé s'est dégradé à [force de] rester à mon bureau pendant des heures… ", souffle-t-elle. Si elle avait le choix, l'externe arrêterait ses études de médecine. "Mais pour faire quoi ?", s'interroge-t-elle. "Il n'y a aucune passerelle [après médecine], c'est une catastrophe…" "Ce qui m'intéresserait de faire, éventuellement, ça serait véto, mais il n'y a pas de passerelle […] Je ne vais pas avoir le choix de faire pendant 40 ans un métier qui ne va pas me plaire", lance Elodie, résignée.
Depuis un mois, la future blouse blanche tente de se replonger dans les révisions pour préparer les rattrapages, prévus les 14 et 15 janviers prochains. "Mais je commence vraiment à avoir une aversion à l'idée d'ouvrir un livre, soupire Elodie. Avec les autres redoublantes, on se met à notre bureau, et on se regarde en pleurant… " "On était déjà au bout de notre vie avant, insiste-t-elle, mais là, c'est pire. On est franchement désespérées." Surtout, elle n'a pas d'autre choix que de valider ces épreuves : "Je ne vais pas redoubler toute ma vie."
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