"J'ai été invalidé pour quelques centièmes de point" : recalés après les Ecos, des étudiants en médecine témoignent
Ils sont 62 carabins sur les 7 879 ayant passé les Ecos fin mai à ne pas avoir validé ces épreuves. A quelques dixièmes ou centièmes de point près, ces étudiants sont contraints de redoubler leur sixième année et ne pourront pas devenir internes à la rentrée. Déçus, ces derniers peinent à obtenir le détail de leurs notes, pourtant indispensable à leurs yeux. Maël et Louis*, deux carabins marseillais, témoignent à Egora de leur "incompréhension" et de leur épuisement face à cette situation.
"Ça a été une grosse surprise." Le 17 juin, comme près de 7 900 étudiants en sixième année de médecine, Maël* découvre ses résultats obtenus aux Examens cliniques objectifs et structurés (Ecos). La page internet s'actualise et le jeune homme tombe des nues : il n'atteint pas la note de 10/20, nécessaire pour réussir ces épreuves. "J'ai été invalidé pour quelques centièmes de point", soupire le carabin de 24 ans, qui souhaite faire de la médecine du sport. "En sortant des Ecos fin mai, j'avais la conviction d'avoir réussi. J'avais même un très bon pressentiment […] Je m'attendais à avoir aux alentours de 13 ou 14", se souvient-il : "Je ne comprends toujours pas mes résultats."
Comme lui, 61 autres étudiants ont invalidé les Ecos cette année. Mis en place par la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C), ces examens oraux ont été organisés pour la première fois dans toute la France les 28 et 29 mai. Pour valider ces derniers – qui comptent pour 30% dans la note finale classant les futurs internes pour leur choix de spécialité -, les carabins devaient obtenir plus de 10/20, sans rattrapage possible. Ceux n'atteignant pas ces résultats sont contraints de redoubler. Une double peine pour Maël qui, il l'assure, s'est "retrouvé perdu" face à la R2C. "On nous en parlait depuis plusieurs années, mais je n'étais en réalité pas très au courant [de ses modalités]. On a vraiment été lâchés dans la nature", estime l'étudiant à l'université Aix-Marseille (AMU).
Fin janvier, Maël avait pourtant réussi à valider les nouvelles Epreuves dématérialisées nationales (EDN) lors de la session de rattrapages. Tout comme Louis*, également inscrit à l'AMU. Le 17 juin, cet étudiant en sixième année de médecine a, lui aussi, découvert qu'après avoir obtenu une note suffisante aux EDN, il avait échoué aux Ecos : "J'ai ressenti un vide total et une [profonde] incompréhension." Sept étudiants ont, selon lui, invalidé ces examens à la faculté de Marseille. Parmi eux, quatre – dont Maël et Louis – se mobilisent pour faire évoluer leur situation : "Nous avons des notes comprises entre 9,66 et 9,95." Très proches, donc, du 10/20 nécessaire.
"C'était impossible de travailler dans ces conditions"
Contrairement à Maël, Louis se doutait qu'il n'avait pas pleinement réussi les Ecos : "Je pensais que j'allais avoir entre 10 et 11." Le jeune homme pointe du doigt des dysfonctionnements lors de sa première journée de passage. Parmi eux : des problèmes d'insonorisation, également observés dans d'autres facultés. "L'étudiant qui passait en même temps que moi [dans une autre salle] parlait très fort. J'ai passé toute une station [mise en situation sur laquelle étaient notés les carabins, NDLR] avec mes doigts dans mes oreilles et les coudes sur la table à essayer de faire quelque chose, rembobine Louis. C'était impossible de travailler dans ces conditions. Je l'ai dit aux examinateurs." L'apprenti médecin assure avoir été dérangé par ces bruits pendant quatre des cinq stations passées ce jour-là – sur les 10 évaluées en deux jours. "Je savais que j'avais cramé ma première journée. J'étais épuisé, ce n'était pas un problème de connaissances", ajoute celui qui vise médecine générale.
Louis dénonce surtout un manque d'informations depuis l'annonce des résultats des Ecos. Obligé de redoubler sa sixième année, il a d’abord "accusé le coup", se rappelle-t-il, avant de contacter la direction de l'AMU de Marseille et celle du Centre national de gestion (CNG). Dans ces lettres et mails, qu'Egora a pu consulter, l'étudiant y demande notamment un rendez-vous avec le doyen de sa faculté et à recevoir le détail de ses notes. Les réponses qu'il obtiendra dix jours après seront, d'après lui, trop lacunaires. "Le CNG me dit que ma demande ne pouvait aboutir", affirme le carabin qui a depuis pu échanger avec un responsable administratif de l'AMU, sans succès : "La fac nous a finalement fait une réponse [surtout] politique et nous redirige vers le CNG." "Tout le monde se renvoie la balle."
"C'est très frustrant"
Lui, comme Maël, aimeraient consulter leurs grilles de notation aux Ecos. Le 17 juin, ils n'ont pu obtenir que des notes globales : "On veut le détail de [ces] notes pour comprendre. Ça paraît cohérent au niveau pédagogique, lâche Louis. S'il y a un échec, il faut que l'on puisse apprendre de celui-ci. Je n'accepte pas de refaire ce même examen l'année prochaine sans avoir compris ce qui n'allait pas." Un avis partagé par Maël : "Pour des centièmes de point, c'est très frustrant de ne pas avoir le détail des notes par station".
Les deux jeunes hommes s'interrogent, plus largement, sur leur avenir. S'ils savent qu'ils devront redoubler leur sixième année, ils assurent ne pas en savoir plus sur le programme qui les attend ces prochains mois. "On nous dit juste que l'on devrait repasser les Ecos en 2025 mais, à côté, on ne sait rien et personne ne veut nous répondre […] On doit attendre une année, mais on ne nous explique pas comment ça va se faire et quelles dispositions on doit prendre", avance Maël. "Je suppose que l'on va pouvoir faire des stages d'externes", pense, de son côté, Louis.
Une hypothèse confirmée par le Pr Benoît Veber. Ces étudiants devront "s'inscrire à la fac en sixième année" et "[iront] en stage", indique à Egora le président de la Conférence nationale des doyens des facultés de médecine. "[C'est] la meilleure préparation possible pour les Ecos", ajoute-t-il, précisant que ces carabins n'auront qu'à repasser les Ecos (et non les EDN).
Sans évolution de leur situation depuis mi-juin, Maël et Louis ont décidé de suivre une poignée d'autres étudiants – mécontents, eux, d'avoir chuté dans les classements suite aux Ecos – et d'engager un recours gracieux. Leurs objectifs ? Obtenir, dans un premier temps, le détail de leurs notes. "Ce qui semble normal", glisse Louis. "La deuxième chose, avec les conditions inégalitaires de passage de [ces] Ecos – non pris en compte à Marseille - et tous les problèmes de mise en place de la réforme […], serait que l'on soit validés. On est prêts à accepter d'être classés à la fin. On veut juste que cette mascarade s'arrête", poursuit-il : "D'autant que la situation est exceptionnelle, puisqu'il y aura déjà 1 500 [postes] d'internes en moins dans les hôpitaux à la rentrée."
Dépités, Maël, Louis ainsi que les deux autres étudiants marseillais mobilisés attendent désormais d'en savoir plus sur leur sort. "On n'accuse ni notre faculté ni le CNG. Nous, on ne fait de procès à personne", tient à nuancer Louis : "Cette réforme a du mauvais et du bon." Mais, "après avoir joué le jeu toute l'année", les carabins appellent à plus de transparence et de "cohérence".
*Le prénom a été modifié.
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