Prépa, logement, matériel : le coût des études de médecine explose
L'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) publie, ce mercredi 11 septembre, son huitième indicateur du coût de la rentrée. Entre prépa privée, tutorat, logement et achat de matériel, cette année est marquée par une nouvelle explosion du budget des carabins.
Alors qu'un carabin sur trois a déjà pensé à arrêter ses études pour des raisons financières, le coût de ce cursus ne cesse de grimper. Tandis qu'"en parallèle, les aides et revenus de ces étudiants stagnent", résume Lucas Poittevin, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Ce mercredi 11 septembre, l'organisation publie son huitième indicateur du coût de la rentrée. Basé sur un travail similaire à celui de la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), il s'intéresse spécifiquement aux dépenses supportées par les élèves entrant en Pass et en LAS* et ceux intégrant la quatrième année de médecine, soit le début de l'externat. "Cela permet de mesurer ce que coûte une rentrée pour un étudiant au niveau de ces deux premières phases des études médicales […] et de faire un parallèle entre ces [statuts]", car leurs dépenses ne sont pas les mêmes, explique Lucas Poittevin.
Concernant les frais spécifiques liés à la rentrée**, un étudiant en Pass ayant recours à une prépa privée doit débourser en moyenne 7 565,92 euros cette année, soit 2,19% de plus qu'en 2023. Pour ceux s'orientant vers une LAS et suivant aussi une prépa privée, cette hausse atteint les 13,55%, avec 5 885 euros à débourser. Le coût de la rentrée des étudiants en Pass et en LAS privilégiant uniquement le tutorat augmente lui aussi, après avoir connu une légère baisse l'an dernier : il s'élève à 1 890,10 euros pour les premiers et à 1 872,95 euros pour les seconds.
Mais ces chiffres varient grandement selon les régions, de quelques dizaines d'euros à plus de mille. En Ile-de-France, un étudiant en Pass avec une prépa privée doit débourser 8782,08 euros pour ses frais de rentrée, contre 7 342,81 euros dans le reste de la France. Les LAS parisiennes avec prépa coûtent, elles, 1 155 euros de plus que celles des autres régions (6 834,56 euros contre 5 679,26 euros)
Cette hausse des coûts s'observe également en quatrième année de médecine. En effet, les frais spécifiques de rentrée s'élèvent à 4 516,56 euros pour un étudiant en début d'externat (+2,88%), et atteignent même 5 548,65 euros avec une prépa privée (4,56%). Là encore, des disparités existent selon les régions : cette quatrième année coûte 4 683,42 euros en Ile-de-France, contre 4 472,06 euros dans le reste de la France. Avec un organisme de préparation privé en plus, ces chiffres s'élèvent à 5 812,67 euros en Ile-de-France et 5 478,23 euros ailleurs.
A ces frais s'en ajoutent d'autres, liés aux dépenses de vie courante. Ces frais mensuels (loyer et charges, consommables, transports…) coûtent en moyenne 1 103 euros par étudiant, quel que soit son niveau d'études ; un bond de 1,12% par rapport à l'an passé. Le loyer et les charges pèsent particulièrement lourd dans le budget des apprentis médecins : de 519,69 euros en moyenne en région à 687,60 euros à Paris et ses alentours.
Cette explosion des coûts "s'explique par plusieurs éléments", dont "l'inflation", glisse Lucas Poittevin. Mais d'autres raisons, spécifiques aux études de médecine, sont avancées. A commencer par le recours à des prépas privées pour les étudiants en Pass et en LAS. "L’aide à la préparation aux examens est une étape quasi indispensable dans la réussite", de ces derniers, "mais elle ne doit pas être précarisante ou source d’inégalités sociales, pourtant […] les organismes de préparation privés engendrent des coûts très importants pour les familles", indique l'Anemf.
Revaloriser le tutorat
Indépendantes des universités, ces prépas coûtent en moyenne près de 361 fois plus chères qu'un tutorat. Une raison, pour Lucas Poittevin, d'encourager un "accompagnement et une valorisation des tutorats [qui sont gratuits ou à prix coûtant, NDLR] à leur juste valeur". S'ils bénéficient déjà d'un agrément ministériel, "il faut que l'on puisse faire des tutorats une référence en matière d'accompagnement dans les études de santé, que ce soit auprès des lycées, des forums d'orientation ou de l'ensemble des acteurs qui sont relatifs à l'orientation", insiste le président de l'Anemf.
Les frais liés à la mobilité pèsent également dans le budget des élèves en Pass et en LAS. Selon le rapport, l'entrée en vigueur de la réforme de la Paces en 2020 a favorisé les déplacements de ces étudiants qui "ont des formations sur différents pôles universitaires et parfois dans différentes villes". Ces changements engendre des frais qui doivent être "limités" ; "des aides financières et/ou pédagogiques [doivent aussi être] mises en place localement ou nationalement", soutient l'Anemf.
Du côté des néo-externes, la préparation des Epreuves dématérialisées nationales (EDN) – venues remplacer les célèbres ECN – entraîne des dépenses "prépondérantes" en matériel pédagogique, à commencer par les référentiels. Les étudiants en quatrième année doivent nécessairement se procurer ces livres et "cela a un coût très important", confirme Lucas Poittevin. "D'autant plus qu'il est assez difficile de pouvoir en acheter en revente ou d'occasion car ils sont souvent mis à jour du fait de l'actualisation des connaissances médicales et deviennent obsolètes très rapidement", poursuit le représentant étudiant. Cette rentrée, l'Anemf estime à 1 468,77 euros le coût total de ces ouvrages (achetés neufs).
Selon l'association, une des solutions pour minimiser l’impact de l’achat de ces référentiels serait de mettre à disposition de tous les étudiants une version numérique et gratuite de ces ouvrages ; une autre pourrait être de proposer un référentiel unique et adapté. En ce sens, "un travail a déjà été fait autour du LiSA [livret de suivi des apprentissages], qui recense différents items et connaissances à maîtriser, mais qui est en fait très sommaire et insuffisant pour avoir toutes les connaissances pour passer les EDN", nuance Lucas Poittevin.
Plus de 1 000 euros pour se préparer aux EDN
Le représentant étudiant plaide alors pour que ces référentiels soient considérés comme "des manuels scolaires". Exclus de ce statut – comme tous les ouvrages universitaires -, ils ne peuvent bénéficier d'une réduction de leur prix de plus de 5% permise sous conditions par la loi Lang***. Une telle ristourne pourrait pourtant grandement alléger le budget des jeunes externes. D'autant que s'ajoutent à ces livres l'achat d'autres matériels, comme celui d'un stéthoscope. "Ce sont généralement des associations locales qui se chargent de faire des commandes groupées et on arrive à avoir une réduction de prix [pour ce matériel, NDLR], mais il reste malgré tout supérieur à 100 euros", détaille Lucas Poittevin.
Pour les carabins en quatrième année, le recours à des organismes privés de préparation aux EDN est un autre poste de dépenses majeur. Ces services en ligne, qui viennent en concurrence de la plateforme d'entrainement Sides – gratuite pour tous les étudiants -, représentent un coût moyen de 588 euros (contre 564 euros l'an dernier). D'autres organismes proposent aussi un accompagnement similaire à celui des conférences d'entrainement des universités : leur coût moyen varie de 1 106 à 1 129 euros entre les régions et l'Ile-de-France. Un constat qui pousse l'Anemf à demander "l'enrichissement de la plateforme d'entraînement" existante, et "l'amélioration du système des conférences universitaires".
Face à cette explosion des coûts, les étudiants appellent plus largement à une revalorisation de la rémunération des externes. Si celle-ci a été augmentée et s'élève à 219 euros net par mois, elle correspond à un salaire horaire net moyen de 2,73 euros, calcule l'Anemf : "En comparaison, un étudiant stagiaire du même niveau d'études touche une gratification horaire nette de 4,35 euros minimum pour un stage d'au moins deux mois." De plus, les externes dénoncent leur exclusion de la majoration à hauteur de 50% des indemnités de gardes obtenue par les hospitaliers et les internes. "Notre statut est doublement pénalisant dans la mesure où, d'un point de vue étudiant, on ne bénéficie pas de la rémunération comme les autres [stagiaires de l'enseignement supérieur, NDLR]. Et sur le versant hospitalier, on est globalement exclus de l'ensemble des primes qui sont versées aux personnels hospitaliers", déplore Lucas Poittevin.
Des dépenses qui persistent l'été
Le représentant étudiant plaide également pour une ouverture du droit à la prime d'activité pour les externes : "On n'entre pas dans les critères pour la recevoir car on ne gagne pas assez d'argent. C'est une double peine !" Enfin, il propose le maintien des bourses sur critères sociaux – non versées en juillet et en août – durant la période estivale. "Contrairement à un étudiant de premier cycle ou d'une autre filière [que médecine] qui ne travaille pas pendant l'été et qui peut retourner chez ses parents, un étudiant hospitalier continue à avoir des obligations de stages pendant cette période, déroule Lucas Poittevin. Il doit rester sur le campus, payer des frais de sa poche, ses transports pour se rendre à l'hôpital… Ses dépenses ne sont donc pas différentes l'été que le reste de l'année."
Le nouvel indicateur pointe également l’impact des réformes des études de santé sur le budget des carabins. La mise en place du Service sanitaire il y a six ans, a mené les étudiants dans "l’intégralité du territoire afin de [réaliser] des actions de prévention et de promotion de la santé", note le rapport. Ces déplacements impliquent des coûts, d'autant plus dans les UFR les plus géographiquement isolées, comme celles de Brest. Or, l'Anemf "rappelle que le Service sanitaire 2024-2025 ne doit en aucun cas impacter financièrement les étudiants. Malgré tout, 39,8% des étudiants déclarent avoir dû avancer des frais dans le cadre" de ce service. L'organisation demande, entre autres, "des garanties sur l'implication des collectivités territoriales vis-à-vis des aides proposées aux étudiants.
Elle s'intéresse, enfin, aux enjeux financiers de la réforme du second cycle des études de médecine, lancée en septembre 2023. "L’une des mesures phares de [cette] réforme est de favoriser la mobilité des étudiants sur les territoires afin qu’ils puissent y découvrir les différents modes d’exercice", rappelle l'Anemf. Cette modalité ne doit toutefois "pas se faire au détriment des finances des étudiants", tonne l'association, qui appelle donc à "la création, au développement et à la rénovation des internats en hébergements territoriaux" ou encore, à "l’extension de l'indemnité d'hébergement de 150€ brut pour les stages ambulatoires en zones sous-denses aux stages réalisés en centres hospitaliers".
L’ensemble de ces mesures sont, d'après l'Anemf, essentielles pour permettre aux carabins d'apprendre dans les meilleures conditions. D'autant que, leur cursus étant particulièrement prenant et exigeant, il est difficile pour les futures blouses blanches d'avoir un job étudiant à côté. "Cela aurait des répercussions sur la qualité de leur formation et leurs apprentissages", estime Lucas Poittevin.
Dans ce contexte de hausse des coûts, le représentant étudiant insiste : "La première chose à faire est de rompre avec le paradigme qui consiste à penser que tous les étudiants en médecine sont issus de classes favorisées et n'ont pas de soucis de précarité. C'est quelque chose qui est complètement faux." Si l'on veut que les carabins deviennent de "bon[s] médecin[s]", ajoute-il, "il faut pouvoir créer des conditions favorables à leur apprentissage et cela passe par la [lutte] contre la précarité".
*Parcours accès spécifique santé (Pass) ; Licence accès santé (LAS).
**Ces frais comprennent ceux de scolarité, la complémentaire santé, l'assurance logement, les frais d'agence et le matériel pédagogique spécifique à la filière de l'étudiant.
***Loi du 10 août 1981.
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