Egora : Le 11 octobre dernier, vous avez décidé de lancer un recours contre la nouvelle maquette de l’internat de médecine générale car “trop de zones d’ombre et d’inégalités” persistent malgré la rentrée. Vous demandez également au ministère de la Santé le report de la quatrième année, pourquoi ?
Guillaume Bailly : Parce qu’on veut apporter des réponses aux 4 000, 5 000 étudiants qui ont fait le choix de la médecine générale aux ECN, qui est une spécialité en perte d’attractivité notamment à cause de l’allongement de l’internat. On a considéré que la maquette, parue cet été, a été publiée trop tardivement et qu’elle ne cadre pas l’ensemble des dispositions et des règles que devront suivre les futurs généralistes. Prenons un exemple : les modalités de choix et de reconduction de stages, le caractère obligatoire de la permanence des soins ambulatoire en quatrième année… Ce sont autant de sujets sur lesquels nous voulons accélérer les réponses, grâce à notre recours.
Avez-vous eu un retour d’Aurélien Rousseau concernant cette revendication ?
Aucun pour l’instant mais légalement, le ministère a deux mois pour le faire. Bien sûr, si nous n’en avons pas, nous nous réservons le droit d’utiliser tous les moyens nécessaires disponibles. Je ne peux pas imaginer qu’il n’y ait pas de réponse de leur part, surtout sur un sujet aussi important que celui-ci. De manière générale, nous trouvons que la façon dont ils ont mis en place la quatrième année est plus que décevante. Il y a urgence ! Il faut que les représentants d’internes soient pleinement intégrés dans les réflexions et l’écriture des décrets. Mais, pour l’instant, nous demandons officiellement le report de la mise en place de l’allongement de l’internat : si les conditions ne sont pas réunies pour le bon déroulement de la maquette, il faut reporter la quatrième année.
Cela ne risquerait-il pas de plus perturber les internes, qui ont déjà été effrayés par la modification de la maquette ?
On a conscience que le nouveau DES* a été mis en place via le 49.3 dans les conditions que l’on connaît tous. La meilleure solution serait de trouver rapidement les contours des éléments qui nous manquent et que ces contours de la maquette soient définis par les internes que nous sommes. C’est une bataille difficile mais on ne peut pas, sans filet de sécurité, accepter cette réforme.
La réforme de l’internat de médecine générale prévoit de créer un nouveau statut de Docteur junior ambulatoire. François Braun, lorsqu’il était ministre, avait annoncé qu’une partie de la rémunération se ferait à l’acte mais la Conférence des doyens des facultés de médecine craint que cela ne crée des inégalités entre les spécialités… Qu’en pensez-vous ?
L’Isni représente toutes les spécialités, c’est la force de notre intersyndicale. Il était pour nous impensable de mettre en place une quatrième année de médecine générale sans qu’il y ait de prise en compte de la problématique financière de leur exercice libéral. Ce qui est évident pour nous en revanche, c’est que toutes les spécialités qui ont un exercice libéral devraient pouvoir bénéficier de ce statut de Docteur junior ambulatoire. Il n’y a pas de raison qu’il y ait de rupture d’égalité. Bien sûr, l’objectif est d’accéder à une meilleure rémunération pour tous.
Les internes ont été exclus des mesures de pérennisation de revalorisation des gardes de nuit, annoncées par Elisabeth Borne à la rentrée. Vous avez dénoncé “un recul inacceptable”...
L’idée n'est pas de dire qu’on veut absolument plus d'argent mais plutôt que lorsqu’ils assurent des gardes, les internes sont des professionnels de santé et à ce titre-là, ils doivent être rémunérés comme tels. Nous sommes en discussion là-dessus et plusieurs députés se sont emparés de la question. On scrutera avec attention, avec tous les syndicats, la parution du décret en janvier 2024.
Le Pr Veber, Doyen des doyens, vous demande de “clarifier votre position”, estimant que vous vous présentez comme étudiant en médecine ou professionnel de santé “quand cela vous arrange”. Que lui répondez-vous ?
La réponse est claire : ce double statut souffre d’une ambiguïté constante. Les internes cumulent parfois le pire des deux statuts ! On est à la fois confrontés à des responsabilités importantes et d’un autre côté, on peut subir l’aspect étudiant où on peut subir, par exemple, le poids d’une invalidation de stage. Cette ambiguïté fait que les internes sont parfois en pleine souffrance.
Vous avez appelé à vous mobiliser aux côtés des syndicats seniors vendredi 13 octobre dernier, pourquoi ?
On représente 30 000 internes en France, la majorité choisira un exercice libéral. L’attractivité de la médecine de ville et les conditions de prise en charge des patients nous concernent : on ne pouvait pas ne pas se saisir d’un tel sujet. Et puis, bien sûr, nous sommes particulièrement engagés sur les questions de l’accès aux soins et nous souhaitons rappeler notre ferme opposition à toute mesure coercitive.
Les négociations conventionnelles vont bientôt reprendre, qu’en attendez-vous ?
Nous sommes dans la lignée de ce que demande l’intersyndicale : la valorisation de la médecine libérale avec une consultation qui dépasse les 26,50 euros. Cette proposition a fait du mal. Il ne faut pas qu’on se dirige vers un deuxième échec. Nous, en tant qu’observateur, on pourra sensibiliser les acteurs de ces négociations sur la place des internes dans le système de santé.
Vous avez décidé de relancer l'enquête sur le temps de travail des internes, pourquoi ?
Mes prédécesseurs ont lancé des procédures contre les CHU pour les contraindre à mettre en place le décompte du temps de travail. Aujourd’hui, le rapport au travail a changé. Cette enquête doit d’abord permettre de documenter le temps de travail mais aussi de comprendre ce qu’on peut attendre de la procédure en justice contre les CHU. On veut poser un diagnostic pour voir comment ça a évolué par rapport à la première enquête de 2019 et comprendre ce qu’attendent les internes de nos procédures.
Quelles seront les autres priorités de votre mandat ?
On perd un certain pourcentage d’internes tous les ans, il faut qu’on s’interroge sur le “pourquoi”. C’est une étude que nous aimerions mener et que beaucoup aimeraient lire, qu’ils soient universitaires, politiques ou institutionnels. Nous souhaitons aussi travailler sur la parentalité chez les internes, c’est une question compliquée. Quand vous faites le calcul entre la durée d’un congé maternité et le temps de présence obligatoire en stage, vous comprenez vite qu’il est difficile d’allier les deux. On va aussi accueillir en mai 2024 l’European Junior doctor à Montpellier avec les représentants de tous les pays européens dans la plus vieille faculté de médecine du monde. Et puis bien sûr, continuer la cohésion intersyndicale avec tous les syndicats d’internes, c’est essentiel d’avancer main dans la main.
*Diplôme d’études spécialisées
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