Un "service médical à la Nation" pour les jeunes médecins : l’alternative des doyens à la coercition
Pour pallier la mauvaise répartition des médecins sur le territoire, la conférence des doyens de médecine a évoqué la mise en place d’un service médical à la Nation. Une sorte de reconnaissance pour les jeunes médecins vis-à-vis du territoire, sous-doté, qui les a formés.
L’annonce n’a "rien d’officiel", prévient le Pr Benoit Veber, lors de la conférence de presse organisée jeudi 17 octobre après une journée de colloque sur les "médecins de demain". Pourtant, le président de la Conférence des doyens de médecine l’évoque plusieurs fois dans sa conclusion face aux journalistes.
Plus tôt dans la journée, le Pr Patrice Diot, doyen honoraire de la faculté de médecine de Tours et ancien "Doyens des doyens", avait soufflé l’idée au moment de présenter quelques solutions face aux déserts médicaux. Il semblerait que l’idée ait fait son chemin, sur la pointe des pieds.
Un CESP revisité ?
Le constat est rabâché par Patrice Diot : les médecins ne sont pas assez nombreux et pire encore, il existe des inégalités territoriales qui mettent à mal le système de soins. D’après l’ancien président de l’Observatoire national de la démographie des professionnels de santé (ONDPS), la planification démographique doit évoluer. "J’entendais le Premier ministre [Michel Barnier, lors de son discours de politique générale le 1er octobre, NDLR] parler d’un ‘plan Hippocrate’ qui envisage d’affecter des étudiants en fin d’études dans des zones sous-denses. Mais étudier dans une zone sous-dense c’est risqué d’être formé dans une zone où personne ne sera là pour vous enseigner donc il faut être prudent", commence-t-il.
Plutôt que le programme Hippocrate, Patrice Diot insiste sur la création d’un nouveau "service médical à la Nation". "La coercition, on en parle depuis des années et ça va arriver. Mais plutôt qu’une coercition aveugle, nous pourrions réfléchir à la mise en place d’un service médical à la Nation auquel contribueraient, non pas des étudiants, mais des jeunes médecins, après validation de leur thèse et leur diplôme d’études spécialisé."
A l’heure actuelle, seul le contrat d’engagement de service public (CESP), créé en 2009, présente plus ou moins le même fonctionnement. Dans ce dispositif, seuls les étudiants en médecine volontaires peuvent demander à bénéficier d’un CESP à partir du deuxième cycle. S’ils reçoivent une allocation de 1 200 euros par mois pendant leurs études, en échange, ils s’engagent à exercer plusieurs années dans une zone où l’offre de soins est insuffisante. Le CESP doit "être développé", insiste d’ailleurs Patrice Diot.
Un 'turn over annuel de médecins inexpérimentés'?
Avec le service médical à la Nation, les jeunes médecins rendraient plutôt un service, comme son nom l’indique, à ceux qui les ont formés. "Quand ils ont leur thèse en poche, on pourrait contractualiser, pendant un an, en étant rémunéré bien sûr, un service à donner à la région qui les a formés. Une façon de rendre à la Nation ce qu’on leur a donné, à savoir, se former, explicite Benoit Veber. C’est une façon de rentrer dans la mission de médecin tout en rendant service à la Nation."
Quant à savoir si l’idée pourrait plaire aux principaux concernés, l’avis est plus nuancé. "C’est une idée qui n’est pas nouvelle mais de notre côté, si ce service reste sur la base du volontariat, il n’y a pas d’opposition franche même si ce n’est pas la solution, pointe le Dr Raphaël Dachicourt, président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (Réagjir). L’objectif est d’avoir des installations pérennes de médecins traitants pour avoir un suivi au long cours de la population et non un turn-over annuel de médecins inexpérimentés qui crée un suivi fragmenté et donc de moindre qualité." Selon lui, les médecins généralistes qui auront déjà dû suivre une année de plus avec la réforme de l’internat en médecine générale ne devraient pas consentir à "sacrifier une année supplémentaire après avoir donné quatre ans pendant leur internat dans des conditions peu enviables".
Une "idée" à présenter au ministère
Les doyens, eux, semblent plutôt convaincus. "Il faudra le co-construire avec les étudiants bien évidemment car pour l’instant, il n’y a pas vraiment de contenu", précise Patrice Diot. Le doyen honoraire de Tours insiste aussi sur les moyens pour rendre faisable le projet. "Plutôt qu’une coercition qui ne marche pas, proposer un service médical serait une alternative intéressante à condition que ce soit accompagné d’un point de vue matériel." L’actuel président de la Conférence des doyens de médecine, Benoit Veber, indique tout de même déjà que si "rien n’est officiel", "l’idée pourrait être présentée au ministère".
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