Lors du congrès de la Société française d’étude et de traitement de la douleur (Sfetd), qui vient de se dérouler à Lille du 14 au 16 novembre 2018, les algologues ont fait part de leur inquiétude car la douleur ne figure pas dans le plan "Ma santé 2022" et ne fait plus l’objet de programme spécifique de lutte depuis 2010.
Le Pr Serge Perrot, qui présidait le Sfetd jusqu’au 14 novembre 2018, préconise les mesures à prendre pour améliorer cette situation. Egora : Où en est-on de la prise en charge de la douleur en France ? Pr Serge Perrot : L’état des lieux est préoccupant. Depuis 2010, aucun plan dédié à la lutte contre la douleur n’a été élaboré. Et, si nous sommes d’accord avec sa philosophie globale, le plan "Ma santé 2022" ne comporte nulle part le mot douleur. Or, l’impact de la celle-ci s’accroît en raison du vieillissement de la population - la douleur étant fortement liée à l’âge -, d’une augmentation de l’obésité qui majore la survenue de douleurs, du problème sociétal des douleurs au travail (lombalgies, douleurs musculo-squelettiques), que les patients ont souvent du mal à faire reconnaître. Un élément positif est malgré tout que, depuis mars 2018, la médecine de la douleur est reconnue comme discipline universitaire. Mais, il reste à gagner notre combat pour qu’elle devienne une spécialité médicale. Ce qui est essentiel pour améliorer la prise en charge, développer la recherche, la douleur étant une véritable maladie et non un simple symptôme. Premier motif de consultation chez le médecin et le pharmacien, elle altère la qualité de vie dans de nombreuses affections et est un facteur de risque de morbidité et de mortalité. Lors d’un forum de la douleur, qui s’est tenu le 24 octobre dernier au ministère de la santé, la Sfetd a signé un plaidoyer avec 10 autres associations et organisations professionnelles, proposant des mesures prioritaires pour donner un nouvel élan à la lutte contre la douleur. Pourquoi ce plaidoyer ? Le délai de prise en charge par une équipe spécialisée est de 5 ans pour un patient douloureux chronique. Il est essentiel de le raccourcir. Or, nous connaissons une crise démographique et financière dans les hôpitaux, qui a débouché sur la fermeture de centres de la douleur comme celui de l’hôpital Bichat-Beaujon de Paris, tandis que d’autres sont menacés en région. Avec ce plaidoyer, nous voulons montrer que la médecine de la douleur est une médecine moderne car s’intéressant aux patients dans leur globalité, proposant une gamme de traitements variés qui ne repose pas que sur les médicaments, et impliquant d’autres professionnels de santé que les médecins. Il est essentiel d’améliorer la formation à la douleur de tous les professionnels du soin, de prendre en compte la douleur comme facteur de risque tout au long du parcours de soins des patients en particulier des plus fragile - enfants, sujets âgés - et en cas de chirurgie, chimiothérapie, soin douloureux, car une douleur non prise en charge va évoluer vers la chronicité. Or, la prise en charge de la douleur est mal prise en compte lors du virage ambulatoire, qui se met en place. Ce qui pourrait d’ailleurs en freiner le développement. Il serait également important de mettre en place des appels d’offres dédiés à la recherche sur la douleur, comme cela a été le cas dans le passé. Très peu de projets sont, en effet, financés lorsqu’ils entrent en concurrence avec d’autres affections comme le cancer, les maladies auto-immunes. Nous devons aussi mener des expérimentations pour améliorer le parcours de soins du patient douloureux. Actuellement, nous menons une enquête avec l’ARS des Hauts-de-France auprès de plus de 1000 patients pour analyser les points de rupture de ce parcours, lesquels peuvent être multiples entre ville et hôpital, médecin généraliste et spécialiste, et peuvent déboucher sur des comportements d’automédication inadaptée ou du mésusage. Les médecins généralistes devraient pouvoir effectuer des consultations complexes de prise en charge de certaines douleurs chroniques, avec la tarification qui va avec, car ceci requiert du temps d’écoute et d’analyse. Ceci nécessiterait de l’argent au départ mais déboucherait sur une économie importante, les patients étant traités précocement. Où en est-on des risques associés au mésusage des opioïdes en France ? La question du mésusage est à prendre très au sérieux et il faut être dans une attitude préventive, même si les signaux en France ne sont pas pour l’instant trop inquiétants. La prescription des médicaments opioïdes est complexe, car il existe des formes à libération immédiate et prolongée ; il n’y a pas de dose maximale ; il faut réaliser une titration ; on doit tenir compte des risques de mésusage, d’addiction. Il faut éviter de naviguer entre deux extrêmes, prescrire trop facilement sans réévaluer, ou être réfractaire à la prescription de morphiniques et laisser des patients avec des douleurs intenses. Le mieux est de se former pour apprendre à prescrire, évaluer la douleur, expliquer le risque de mésusage au patient en recourant à des échelles. En cas de doute sur un risque de mésusage, les médecins traitants pourront adresser rapidement le patient pour avis en Centre d'évaluation et de traitement de la douleur (Cetd). Vous êtes rhumatologue en plus d’être spécialiste de la douleur et avez fait, lors de ce congrès, une présentation sur la douleur arthrosique. Comment peut-on aujourd’hui la traiter ? Il faut combattre certains préjugés comme celui que plus la douleur est forte, plus les dommages sont importants. En fait, l’intensité de la douleur n’est pas corrélée à l’intensité des dommages articulaires, et on peut la soulager, même si on n’améliore pas l’état articulaire. Une autre idée fausse est que la prise de médicaments peut, en masquant la douleur, user l’articulation. En réalité, à l’exception peut-être des sportifs de haut niveau, bouger une articulation n’est pas délétère et plus on a des muscles de qualité, moins on a mal. Il faut donc bouger pour améliorer la fonction en plus de réduire la douleur. Il faut différencier douleurs continues arthrosiques et douleurs mécaniques. Dans les douleurs continues, il faut parfois donner des traitements de fond de la douleur de type antidépresseurs. Les douleurs mécaniques doivent être anticipées. Le patient pourra recevoir une ordonnance lui proposant de tester puis prendre avant les situations où il risque d’avoir mal (marche, séance de kinésithérapie) le médicament de son choix (paracétamol, AINS, opioïde faible de type codéine ou tramadol).
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