« Inévitablement, les besoins de prise en charge en santé mentale vont augmenter dans les semaines et mois à venir et la France n’est pas armée pour y faire face », souligne le Pr Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMental, psychiatre à l’hôpital Henri Mondor et directeur d’un laboratoire de recherche Inserm. Alerte aussi au plan international Ce risque est aussi constaté à l’échelle internationale. Ainsi, selon une enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiée le 5 octobre dernier, et portant sur 130 pays, la pandémie de Covid-19 a perturbé ou interrompu les services de santé mentale essentiels dans 93% des pays du monde, et les besoins augmentent. « Une bonne santé mentale est absolument fondamentale pour la santé et le bien-être en général », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l'OMS. « Le Covid-19 a interrompu les services de santé mentale essentiels dans le monde au moment où ils en ont le plus besoin. Les dirigeants mondiaux doivent agir rapidement et de manière décisive pour investir davantage dans des programmes de santé mentale qui sauvent des vies - pendant la pandémie et au-delà ». Une augmentation des troubles psychiatriques en population générale Du fait de la situation sanitaire et de ses implications sur le plan non seulement médical, mais aussi personnel, professionnel, social…, les cas de stress post traumatique, troubles anxieux, addictions, dépressions, sont en augmentation assurent les spécialistes. Des données de Santé Publique France datant de mars montraient déjà que la prévalence de l’anxiété en population générale était de 26,7% au début de l’épidémie, soit deux fois plus qu’avant la pandémie, tout particulièrement chez les femmes, les jeunes et les personnes en situation de précarité économique. Aux Etats-Unis, une étude (Journal of the American Medical Association -Jama, 2 septembre 2020) montre que la prévalence de la dépression a plus que triplé pendant la pandémie, passant de 8,5% avant l’épidémie à 27,8%, pendant. Le risque était particulièrement accru pour la dépression sévère (0,7 à 5,1%). Un revenu plus faible, et une exposition à plus de facteurs de stress majoraient encore ce risque. « Le seul rempart, c’est la détection et la prise en charge pour réduire les risques d’apparition ou d’aggravation de pathologies psychiatriques », insiste le Pr Marion Leboyer. Un lien physiopathologique Plusieurs études attestent, par ailleurs, d’un lien entre infection Covid et troubles psychiatriques. Ainsi, une étude italienne (Mazza et al., Brain Behav Immun. 30 juillet 2020) portant sur des patients infectés par le Sars-CoV-2, met en évidence un nombre important de cas de dépression (31%), de troubles stress-post traumatique (28%) et de troubles anxieux (42%) dans les mois qui ont suivi l’infection. S’y ajoutent des troubles du sommeil dans 40% des cas. Au total dans cette étude, 56% des patients présentaient un trouble mental. L’association entre pathologies psychiatriques et infections est connus de longue date. Elle est liée, entre autres, à la réponse immuno-inflammatoire à l’infection. La dépression, le trouble bipolaire, la schizophrénie et les troubles du spectre de l’autisme sont ainsi associés à une augmentation des marqueurs de l’inflammation dans la circulation périphérique et le système nerveux central. Marion Leboyer alerte : « les patients qui ont été infectés par la Covid doivent faire l’objet d’un suivi rapproché afin de repérer et prendre en charge le plus précocement possible les troubles anxio-dépressifs qu’ils pourraient présenter. Parallèlement, des études doivent être menées afin de mesurer le risque de développer des troubles anxio-dépressifs et suicidaires et leur lien avec la persistance de marqueurs de l’inflammation. » Pour l’association FondaMental, « alors que la psychiatrie est le parent pauvre du système de soins français, cette épidémie met en lumière la place fondamentale de cette discipline dans la gestion de la pandémie et de ses répercussions ». Et « il est très important d’informer sur le stress, les troubles du sommeil, les troubles anxieux, les addictions et de rappeler les règles d’hygiène de vie (rythme de sommeil, activité physique, liens sociaux,...) ».
Des données épidémiologiques ont montré que les patients présentant une maladie psychiatrique n’étaient pas plus touchés par l’infection Covid-19 que le reste de la population. En revanche, il semble qu’ils développeraient plus de formes graves et auraient une mortalité augmentée. Ainsi, une étude publiée le 30 septembre dans publiée mercredi par le Jama, qui a porté sur 1 685 patients Covid admis dans plusieurs établissements de soins entre février et avril, a montré que les patients présentant une maladie psychiatrique préexistante avaient un taux de mortalité a moins deux fois plus élevé que les autres, avec 35,7% vs 14,7% de mortalité à 2 semaines et 40,9% vs 22,2% à 3 semaines (P <0,001 ).
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