Egora-Le Panorama du Médecin : En quoi les Covids longs sont-ils un enjeu ?
Dr Olivier Robineau* :Après un épisode de Covid-19, une infection qu’ont contractée au moins 8 millions de personnes en France depuis le début de l’épidémie, un certain nombre de patients souffrent de symptômes persistants qui peuvent être : de la fatigue, une dyspnée, des douleurs thoraciques, des troubles du goût et de l’odorat, des douleurs, des troubles de l’attention, et plus rarement des palpitations, des nausées, des sensations d’engourdissement. Autant d’effets “secondaires“ de la maladie dont les mécanismes physiopathologiques sont à peine connus et pour lesquels la Haute Autorité de santé (HAS) a d’ores et déjà proposé quelques pistes de prise en charge. Quelles sont les problématiques posées par les différents syndromes rencontrés? Il faut d’abord faire connaître ce phénomène et la réalité des plaintes, quelle(s) que soi(en)t leur(s) cause(s) (inflammatoire, virale, fonctionnelle…). Les recommandations de la HAS, sous forme de fiches pratiques, offrent des propositions pragmatiques de prise en charge pour chacun des symptômes du Covid long. Les plaintes, atteignant différents systèmes ou organes, doivent être recherchées et prises en compte. Elles peuvent être fluctuantes (dyspnée, douleurs, fatigues, troubles de la mémoire) et très invalidantes. Le fait que les examens complémentaires soient normaux est rassurant mais peut être déroutant pour le patient comme pour le médecin. Il résulte de cette méconnaissance de la maladie, de son caractère intriguant, de la dissociation entre l’intensité des symptômes et la normalité des examens, de l’incompréhension, qui a un retentissement majeur sur le moral et les relations interindividuelles (travail et famille). Les plaintes obligent à une prise en charge holistique que connaissent bien et pratiquent les médecins généralistes dans le cadre d’autres symptômes post-infectieux ou en cas de troubles fonctionnels. Celle-ci doit, semble-t-il, être engagée le plus précocement possible pour que les symptômes soient moins durables. C’est dire l’intérêt de connaître l’existence des symptômes d’un Covid long. Leur reconnaissance comme pathologie spécifique est rendue plus délicate en l’absence de mécanisme physiopathologique clair parce que certains des symptômes persistants post-Covid sont similaires à ceux que l’on voit après d’autres infections par le virus de la grippe, le cytomégalovirus ou la mononucléose infectieuse par exemple. Les modalités de prise en charge aujourd’hui élaborées à l’occasion de la Covid pourraient par conséquent être appliquées avec un relatif succès à d’autres infections… Une autre difficulté est de ne pas “surattribuer“ à la Covid des symptômes Autrement dit, le Sars-Cov2 n’est pas à l’origine de tous les symptômes persistants au décours d’un Covid (Matta et al., JAMA Internal Medicine, 8 novembre 2021. doi: 10.1001/jamainternmed.2021.6454). Il est très important pour les médecins de garder en tête des diagnostics qui se surajoutent. Autre problématique, celle de l’identification des phénomènes à l’origine de la persistance, un objectif majeur de recherche. On conjecture ainsi, au plan organique, une inflammation résiduelle comme pour le CMV ; une persistance du virus ; une atteinte vasculaire, notamment des capillaires cérébraux. Ces causes organiques sont très souvent mises en avant, mais qu’en est-il des autres mécanismes et notamment des troubles somatiques fonctionnels qui sont des maladies bien réelles dont l’origine n’est pas que psychologique ? Dans tous les cas, à ces symptômes sans lésions d’organes, pas d’explication encore, mais des hypothèses, et sans doute pas de cause unique. Les débats actuels rappellent ceux sur la maladie de Lyme, dont les symptômes polymorphes sont proches de ceux que l’on observe chez les patients Covid-long. Un grand travail doit donc être engagé sur l’origine de ces symptômes, dans un climat apaisé, ce qui n’est en l’occurrence pas tout à fait le cas actuellement tant l’épidémie de Covid est émaillée de rebondissements, de prises de position scientifiques trop tranchées dans un climat d’incertitudes. Cette question complexe ne se résoudra pas en une poignée d’études. Quelles sont les réponses que l’on peut apporter actuellement? La prise en charge holistique, qui repose sur la rééducation, l’écoute et le soutien psychologique, est assez mal développée en France. La recherche sur les troubles fonctionnels, leurs déterminants et traitements, qui profiterait à tous les syndromes post-infectieux, doit être encouragée. Les recommandations de la HAS vont dans ce sens. Lorsque des hypothèses physiopathologiques solides émergeront, des essais thérapeutiques pourront être envisagés. Malheureusement cela prend du temps. *Le Dr Robineau déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises ViiV, Gilead, MSD, CORREVIO.
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