Prescriptions d'antibiotiques : les Centres régionaux en antibiothérapie peuvent vous aider
Connaissez-vous les Centre régionaux d’antibiothérapie (CRAtb) ? Mis en place dans chaque région depuis 2 ans, ils ont un rôle de promotion du bon usage des antibiotiques, via différents canaux, mais peuvent aussi constituer des interlocuteurs privilégiés en cas de questions ou de crise dans ce domaine.
On connait le contexte actuel, compliqué, concernant la prescription d’antibiotiques. Mais face à cette montée de l’antibiorésistance et des risques de rupture de stocks, il existe certaines ressources qui peuvent aider le praticien. Certaines sont bien connues, comme les recommandations de bon usage, les Trod, ou encore AntibioClic … D’autres, en revanche, sont moins connues. C’est pourquoi une session plénière du 17ème Congrès Médecine Générale France (Palais des Congrès de Paris, 21-23 mars) a été consacrée à ce thème.
On comptabilise, chaque année, en France, 125 000 infections par bactéries résistantes, à l’origine de 5 500 décès (1,27 million dans le monde en 2019). Et si les chiffres ont tendance à baisser, la France reste le 4ème plus gros consommateur d’antibiotiques en Europe. Et ce, "en sachant qu’environ la moitié des antibiotiques sont inappropriés, notamment en cas d’infection respiratoires virales", souligne la Dre Marie-Anne Bouldouyre (infectiologue, Hôpital Saint Louis). Les médecins généralistes sont particulièrement concernés : en 2022, 93% des antibiotiques ont été délivrés en ville ; et dans 3 cas sur 4, ils étaient prescrits par un médecin généraliste.
Devant cette problématique, la position du médecin est loin d’être facile. Il fait, en effet, face à la pression des patients, à laquelle s’ajoutent des tensions d’approvisionnement et des ruptures de stocks, en constante augmentation. En outre, c’est un domaine médical pour lequel il n’y a pas d’innovations thérapeutiques. "Il est urgent de garantir la disponibilité des 'vieux' antibiotiques afin de maintenir une diversité pharmacologique absolument nécessaire pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens" a affirmé Alban Dhanani, (Directeur adjoint à la direction des médicaments, ANSM).
Face à tous ces éléments, le médecin généraliste peut s’appuyer sur diverses ressources, qui sont de plusieurs ordres : matérielles, techniques et humaines.
Les CRAtb pour améliorer le bon usage des antibiotiques
Récemment crées, les Centre régionaux d’antibiothérapie (CRAtb) sont des structures de coordination qui visent à améliorer le bon usage des antibiotiques. Leur but est de réduire la consommation de ces traitements pour rejoindre les moyennes européennes, soit de 25%. Cela passe tout d’abord par le choix de la bonne molécule, ie celle avec le spectre le plus étroit. A ce sujet, la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) a émis deux listes d’antibiotiques critiques, pour l’hôpital et la ville. Ainsi, en ville, il faut faire attention à l’amoxicilline - acide clavulanique, à l’azithromycine (macrolides à longue durée de vie, donc il faut des durées plus courtes), aux céphalosporines, aux fluoroquinolones, et la rifampicine. Les durées doivent être les plus courtes possibles. Ainsi, il est probable qu’en 2024 la durée de prescription de l’antibiotique pour une pneumopathie sera abaissée à 3 jours (5 jours pour une exacerbation de BPCO). Pour les infections urinaires masculines aussi, il devrait y avoir une réduction de l’antibiothérapie, en l’absence de fièvre, à 7 jours.
C’est un des rôles des CRAtb de diffuser ces recommandations des sociétés savantes. La création de ces structures régionales date de 2020. Et depuis 2 ans, un CRAtb a été mis en place dans toutes les régions de France*. A côté de ce rôle de promotion du bon usage des antibiotiques, les CRAtb permettent, entre autres, de conseiller et d’appuyer les acteurs de terrain, de coordonner et animer les réseaux de professionnels ; et ce en ville, en Ehpad, et dans les établissements médicaux sociaux et hospitaliers. Ils créent et diffusent aussi divers outils régionaux.
Ils sont constitués par des équipes multidisciplinaires coordonnées par un binôme médecin infectiologue-médecin généraliste. Les participants sont à temps partiels dans ces structures et gardent une activité clinique.
Chaque CRAtb travaille avec ses équipes multidisiplinaires en antibiothérapie (EMA), qui sont issues des anciennes équipes mobiles qui travaillaient uniquement à l’hôpital. Ces EMA sont en lien avec les professionnels de ville. La plus grande partie de leur activité consiste à donner des avis, en particulier via la télé-expertise, et à organiser des formations. Ainsi, en plus de leur rôle de promotion du bon usage des antibiotiques, les CRAtb constituent une aide dans la pratique quotidienne en permettant d’augmenter le lien ville-hôpital, en facilitant les échanges de pratique, en fournissant des outils, et en représentant une aide pour la gestion de crises (en particulier en cas de tension d’approvisionnement).
Pour diffuser leur activité, les CRAtb disposent aussi de « médecins ambassadeurs », qui constituent des relais auprès de leurs pairs, pour le bon usage des antibiotiques.
Des outils d’aide à la prescription
Autre nouvel outil récent, les antibiogrammes ciblés. La Haute Autorité de santé (HAS) a émis des recommandations, en octobre 2023, concernant leur utilisation pour les ECBU chez la femme et la jeune fille de plus de 12 ans. Il s’agit, pour le laboratoire, en cas d’entérobactérie, de ne rendre qu’une partie des antibiotiques testés, de façon à limiter la prescription d’antibiotiques à risque de résistance.
Alban Dhanani a aussi rappelé le principe de l’ordonnance conditionnelle, pour la prescription d’antibiotique en cas de suspicion d’une angine à streptocoque du groupe A : "En cas de test négatif, une dispensation inutile d’antibiotiques sera évitée".
Pour avoir un tableau des outils d’aide utilisés en antibiothérapie, le Dr Josselin Le Bel (médecin généraliste à Paris, et membre du comité d’experts du site Antibioclic), a présenté les résultats d’une étude réalisée auprès de 1018 médecins généralistes, qui montre que les outils d’aides à la décision les plus utilisés sont les Trod angine, AntibioClic, et la bandelette urinaire. L’ordonnance de non prescription semble aussi intéressante pour sensibiliser les patients ; mais elle est très peu utilisée. Enfin, les médecins participants se servaient principalement d’AntibioClic et des recommandations de la HAS comme outils de formation.
Pour les aider à l’avenir, les médecins évoquent la possibilité d’intégrer des outils d’aide à la décision – en particulier AntibioClic – aux logiciels métiers, promouvoir l’utilisation des antibiogrammes ciblés pour les ECBU, et favoriser l’utilisation des tests antigéniques pour la grippe, le Covid, et le VRS. Enfin, ils prônent l’intégration d’un support d’information dans le carnet de santé de l’enfant.
*Les coordonnées des CRAtb se trouvent sur le site du ministère ; et certains ont des sites dédiés.
Références :
17ème Congrès Médecine Générale France (Palais des Congrès de Paris, 21-23 mars). Session plénière « Antibiotiques : outils pour la pratique » (21 mars), co-organisée avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Avec la participation des Drs Marie-Anne Bouldouyre (Hôpital Saint-Louis) Alban Dhanani, (Directeur Adjoint à la Direction des Médicaments, ANSM) et Josselin Le Bel (Paris).
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