Bon usage des benzodiazépines, pourquoi est-ce si compliqué ?
Les données les plus récentes concernant l’utilisation des anxiolytiques et des hypnotiques mettent en lumière l’immense travail qu’il reste à accomplir pour que les benzodiazépines (BZD) ne soient plus automatiques. Un état des lieux sur ce sujet a été fait lors du Congrès Médecine Générale France (Palais des Congrès de Paris, 21-23 mars).
La consommation d’anxiolytiques est restée stable globalement (entre 2017 et 2022) sauf pour les moins de 19 ans chez qui elle a cru de 30 % (et particulièrement chez les filles, de 42 % !). Quant aux hypnotiques, ils sont aujourd’hui moins prescrits (une baisse globale de 20 %) excepté chez les filles de moins de 19 ans, là encore.
Les experts, réunis lors de cette session plénière, ont rappelé le bon usage de ces médicaments : préférer les alternatives non médicamenteuses, ne pas initier une prescription après 65 ans. Et si prescription il y a, celle-ci doit être à la dose plus faible possible (en privilégiant les BZD à demi-vie courte notamment au-delà de 65 ans), et pour la durée la plus courte possible. Ainsi, pour les hypnotiques, c’est 2 à 5 jours en cas d’insomnie occasionnelle, 2 à 3 semaines en cas d’insomnie transitoire ; et pour les anxiolytiques, 8 à 12 semaines dans l’anxiété.
Une 2ème consultation doit être programmée dès l’initiation pour réévaluer la balance bénéfice/risque et envisager l’arrêt (progressif).
« En dehors de leurs effets adverses qui devraient inciter à la plus grande prudence, l’intérêt de ces médicaments a été établi il y a très longtemps : la plus grosse cohorte de référence date de 1972… », rappelle le Dr Marc Besnier (chercheur en addictologie, CHU de Poitiers, Collège de Médecine Générale). Par ailleurs, leur utilisation repose parfois sur des mythes, par exemple celui d’une prescription obligée de BZD à l’initiation d’un traitement antidépresseur. Dialoguer ou impliquer d’autres professionnels permet de différer la prescription. « A contrario, les outils d’aide à la prescription peuvent s’avérer contre-productifs, en incitant à rédiger une ordonnance », prévient le praticien.
Sevrage : prendre le temps
Le sevrage d’une BZD délivrée depuis des dizaines d’années doit être lent et progressif, sur des mois. Il peut être facilité en changeant de molécule ce qui casse les conditionnements, affects et représentations. En cherchant la motivation, en assertissant l’intérêt pour le patient. Les BZD sont une thérapeutique d’exception, pour une plainte ponctuelle : après une semaine, l’arrêt n’est pas un problème ; après un mois, l’arrêt s’apparente à un sevrage et relève de l’addictologie…
Si l’on doit twister vers une autre BZD (à demi-vie plus courte toujours), ne pas hésiter à surdoser au début avant de réduire rapidement, l’ordonnance étant faite pour des durées courtes ce qui permet de revoir le patient rapidement (ou un psychologue), l’objet principal de la consultation étant alors la réévaluation de son anxiété (et non ses médicaments).
Références :
Congrès Médecine Générale France (Palais des Congrès de Paris, 21-23 mars). D’après la session plénière « Le bon usage des benzodiazépines » avec les communications de Alexandre de la Volpilière, directeur général adjoint en charge des opérations (ANSM) et du Dr Marc Besnier (chercheur en addictologie, CHU de Poitiers, Collège de Médecine Générale).
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