« L’activité physique (AP) ne se réduit pas au sport. Elle inclut tout mouvement corporel intervenant au cours de la vie professionnelle ou courante », introduit la Dre Vanessa Cottet, épidémiologiste (Inserm, CHU Dijon). Son intensité est mesurée en MET (équivalent métabolique d'une tâche) : les activités sédentaires ont une dépense énergétique < 1,6 MET, celles d'intensité modérée (natation, jardinage, marche rapide,…) sont comprises entre 3 et 6 MET, celles d’intensité élevées (cyclisme, travaux, escaliers…) entre 6 à 9 MET et au-delà pour des activités de haute intensité (course à pied…). L'OMS recommande un minimum d’activités physiques modérées de 150 min / semaine ou 300 min pour un bénéfice santé additionnel. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) préconise au moins 5 jours d’AP / semaine et 30 min / jour d'activité d'intensité modérée à élevée permettant d’atteindre 600 MET minimum / semaine. Elle recommande également du renforcement musculaire, de l’assouplissement, de la mobilité articulaire et de limiter les activités sédentaires. « En effet, l’inactivité physique a un impact propre sur la santé et sur le risque de cancer », précise-t-elle. Un niveau de sédentarité « moyen » est compris entre 3 à 7h / jour et « élevé » au-delà de 7h / jour. Santé publique France simplifie les recommandations en 2019 en conseillant une AP d’au moins 30 min / jour ainsi que la réduction de la sédentarité par quelques exercices toutes les 2h. Selon les guidelines Paga (pour Physical activity guidelines for Americans) chaque tranche de 5 min d’AP fait gagner des bénéfices santé. Pourtant, selon l’OMS, l’AP reste insuffisante dans le monde. C’est le 4ème facteur de risque de mortalité prématurée générant 3,2 millions de décès / an. L’inactivité physique et la sédentarité augmentent de 20 à 30% les risques de cancers, de maladies cardiovasculaires, de diabète ou d’AVC. Faisant référence à l'enquête Eurobaromètre, le STEP UP, publié par l'OMS et l’OCDE, indique que 45% des Européens ne pratiquent jamais d'exercice physique et 1/3 a un niveau d’AP insuffisant. En France, 32,2% des adultes sont en dessous des seuils recommandés. « Atteindre les recommandations d’AP en France permettrait d'éviter 10 000 décès prématurés mais aussi, d’ici 2050, 11,5 millions de nouveaux cas de maladies non transmissibles, dont 400 000 cancers. On estime que d’ici 2050, la France devra dépenser chaque année environ un milliard d'euros pour prendre en charge les maladies liées à une AP insuffisante », précise l’épidémiologiste. L'étude française Esteban avait d’autre part montré que seules 53% des femmes ont une activité modérée ou intense, un chiffre en baisse sur 10 ans, comparé à celui en progression des 70% d'hommes adultes physiquement actifs. De plus, 89 % des adultes en France ont un niveau de sédentarité modéré ou élevé quel que soit le sexe, l'âge ou le diplôme. Et un adulte sur cinq en France cumule un niveau de sédentarité élevé et niveau d’AP inférieur aux recommandations. Les liens entre l'activité physique et la prévention des cancers activement étudiés Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) et l'Institut national du cancer (INCa) ont montré que, sur les 350 000 nouveaux cas de cancer diagnostiqués par an, 142 000 pourraient être attribuables au mode de vie et à l’environnement dont 0,9% seraient dus à une inactivité physique soit 3 000 cas de cancer évitables par an. La méta-analyse de Moore et al. (Jama Intern. Med. 2016), étudiant 1,44 million d’adultes et 26 types de cancers, avait déjà montré que l'association avec l'activité physique de loisir est très variable d'une localisation à l’autre. « Pour les cancers de l'endomètre, du côlon et du sein, les niveaux de preuve sont désormais suffisants pour faire le lien entre activité physique de loisirs et réduction du risque pour ces localisations », rappelle la Dre Cottet. La méta-analyse du WCRF (2018) indique un lien entre activité physique totale ou intensive avec un niveau de preuve élevé pour le cancer du côlon et probable pour le cancer du sein et de l’endomètre. D’autres localisations, œsophage, poumon, foie ont des données plus limitées. « La réduction du risque est de 20% dans le cancer du côlon, de 30 % dans celui de l’endomètre et de 13 % dans celui du sein. L’analyse dose-réponse est significative, même si cette relation n'est pas linéaire avec l'activité physique de loisirs. Dans le cancer de l'endomètre, le risque lié à la sédentarité > 3h / jour, bien que le niveau de preuve soit limité, est de 1,46 », détaille l’intervenante. Le Collège américain de médecine du sport a confirmé ces analyses (Patel et al. Med. Sci. Sports Exerc. 2019) pour les cancers du colon, du sein et de l’endomètre avec une significativité sur la réduction du risque de 20 % pour les cancers de la vessie, de l'estomac et de l'œsophage. Les données sont plus « parcellaires pour les autres localisations, notamment le lymphôme, le rectum et le cancer du foie ». Concernant la sédentarité, « l’augmentation du risque est de 28 à 44 % pour les cancers du côlon, de l'endomètre et du poumon avec un niveau de preuve modéré ». Des mécanismes multiples Une publication de Célia Garcia-Chico (Cancers 2023) recense l'ensemble des mécanismes en jeu avec le niveau de preuve en fonction des études chez l'animal et l'homme et des différents types d'activités physiques. Avec l’exercice, les muscles sécrètent des myokines interagissant notamment avec les adipocytes. Un effet indirect est produit sur le surpoids et l'obésité à travers le tissu adipeux. Les fonctions métaboliques sont régulées. L'inflammation de bas grade serait diminuée grâce aux adipokines et aux cytokines inflammatoires. La régulation des hormones sexuelles agit sur la diminution de la prolifération cellulaire. L’insulino-résistance est régulée. Le système immunitaire est stimulé (recrutement de cellules immunitaires, amélioration de la réponse immunitaire innée et acquise et de l’immunosurveillance tumorale) de même que l’apoptose et l’angiogénèse. « D’autres mécanismes sont propres à certaines localisations, comme l'accélération du temps de transit du colon. Des mécanismes plus récents autour de l’épigénétique et du microbiote sont encore à confirmer. Ce sont des champs de recherche en plein essor », conclut Vanessa Cottet.
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