Malgré leur fréquence perçue en population générale, les études dédiées à la prévalence des troubles musculo-squelettiques (TMS), a fortiori en France, sont peu nombreuses, et les fourchettes d’estimation larges. Deux études présentées dans le cadre du congrès ont permis de préciser les choses à partir des données de la cohorte Constances, visant à préciser ces informations dans la population française de 18 à 69 ans. Ainsi, les lombalgies modérées à sévères depuis au moins 30 jours concerneraient 18,6 % de cette population. « Si sa prévalence augmente avec l’âge, elle montre un pic au début de la vingtaine qui n’avait jamais été décrit», précise le Dr Florian Bailly (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris). La lombalgie chronique concernerait majoritairement ceux ayant des facteurs de risque (sexe féminin, IMC élevé, faible niveau d’études, port de charge dans le cadre professionnel). À l’inverse, une catégorie socioprofessionnelle élevée et la pratique d’une activité physique de loisirs constituaient des facteurs protecteurs. L’autre élément important issu de cette cohorte est la fréquence des autres sites douloureux : 13% et 11,3 % avaient une gonalgie ou une cervicalgie modérées à sévères depuis au moins 30 jours, ainsi que 10,6% et 9% une scapulalgie ou des douleurs des mains et poignets. De hautes prévalences qui se traduisent par la « présence d’un syndrome douloureux diffus chez 7,5% de cette population adulte », ajoute le rhumatologue. Lombalgies : approches non médicamenteuses Une session dédiée à l’approche de la problématique des lombalgies chroniques a insisté sur le dialogue et l’alliance thérapeutique, qui ne sont pas de vains mots lorsqu’il s’agit de déconstruire les idées reçues sur la douleur et inciter les patients à s’engager dans une activité physique. Ces deux éléments doivent permettre de les rassurer et de les voir s’engager dans une activité physique adaptée. « Les lombalgiques chroniques ont des représentations et des modèles de la douleur, et des conditions de son apparition qu’il faut prendre en considération. Il faut parfois de nombreuses tentatives pour les faire évoluer. La douleur n’est pas synonyme de dégradation. Et la douleur chronique n’est pas une baisse du seuil auquel apparaissent des lésions mais une baisse significative du seuil de perception de cette douleur. Cette 'hypersensibilité' est un état de surprotection, il faut rassurer les patients sur le fait que leur dos est solide », a explicité le Dr Stéphane Genevay (Genève, Suisse). Une remise en activité inadaptée peut se traduire en une spirale descendante : crise douloureuse, réduction d’activité, peur et baisse du seuil de sensibilité, nouvelle crise pour un niveau d’activité inférieur. « Elle demande donc de bien doser et diversifier les activités et mouvements, et les fractionner sur la journée », insiste le Dr Genevay. Et si la crise est déclenchée par une activité modeste, « c’est souvent que d’autres facteurs ont porté le patient au bord de cette crise » et demandent à être remis à plat. Autres messages à transmettre au patient : « il existe bien une zone profitable de l’activité pour le système musculosquelettique (ni trop ni trop peu), mais cette plage est plus étroite chez le lombalgique, et n’est pas toujours une zone de non-douleur, comme l’est le sport ». Il faut donc accepter une zone raisonnable et tolérable de douleur afin de progresser. L’étude Confi-Lomb, qui a été conduite au cours du confinement, confirme l’importance de cette activité : ses résultats, présentés en congrès, ont montré un impact du confinement globalement délétère pour les patients lombalgiques chroniques, notamment ceux qui avaient eu une faible activité physique, sans impact des comportements sédentaires ou du manque d’adaptation du poste pour les sujets en télétravail. Quid de l’ostéopathie ? L’étude LC-Osteo publiée l’an dernier avait montré que six séances étaient supérieures à 6 séances placebo (massage) en termes de limitation de l’activité à 3 et 12 mois et de douleurs. Restait à savoir à qui la proposer. Dans l’analyse secondaire, présentée cette année, « la réponse au traitement semble liée à des facteurs démographiques, socioprofessionnels et cognitivo-psychologiques, et sans doute pas en priorité de facteurs cliniques », a précisé Alexandra Roren (masseuse-kinésithérapeute à l’hôpital Cochin, Paris) : ceux n’appartenant pas à une catégorie socioprofessionnelle élevée et ceux qui avaient le plus d’attente vis-à-vis de l’ostéopathie avaient été les plus répondeurs, alors que les femmes et les plus gros consommateurs d’antalgiques avaient à l’inverse tendance à répondre aux massages placebo. La place des tractions lombaires en cas de lomboradiculalgie avec hernie discale a aussi été abordée : « Les données de la littérature sont insuffisantes pour trancher, car les effectifs sont souvent faibles et les protocoles utilisés variables », a expliqué la Dre Elsa Bernhard (Reims). Elle a toutefois présenté la plus large étude rapportée à ce jour sur le sujet avec plus de 400 patients inclus, et qui s’est révélée favorable aux tractions associées au traitement médical (infiltrations épidurales, antalgiques, antiinflammatoires et kinésithérapie) versus traitement médical seul sur le critère de diminution de la douleur radiculaire à 1 et 3 mois. «Il faut maintenant homogénéiser les protocoles et définir la population cible qui serait la plus améliorée par ces tractions », a-t-elle conclu. Opérer les sciatiques ? Si plus des trois quarts des syndromes radiculaires par hernie discale guérissent seuls, les autres récidivent, le plus souvent dans la première année suivant la guérison. Si ces récidives sont fréquentes, la question de la chirurgie peut être évoquée, mais pour quel bénéfice ? Stéphane Genevay a résumé l’intérêt de l’option comme telle : « elle peut être envisagée après un processus de réflexion partagée entre patient et médecins, puisqu’il apparaît que la chirurgie n’est pas indispensable à la guérison, et que le taux de récidive est globalement comparable entre ceux qui ont été opérés et les autres ». Pour l’heure, en effet, difficile d’identifier des facteurs de risque de récidive réellement déterminants en dehors du tabagisme ou du diabète. Le sexe, l’IMC ou la nature du travail ne semble pas influencer ce risque, et ceux propres à la hernie ne concordent pas tous selon que les études (protusion ou non, Modic, hauteur discale).
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