Migraine

Les triptans, plus efficaces que les antimigraineux plus récents ?

Utilisés depuis une trentaine d’années dans le traitement aigu de la migraine, les triptans sont plus efficaces que leurs alternatives plus récentes, dont les gépants et les ditans, révèle une méta-analyse publiée dans le British Medical Journal (BMJ). Ces résultats demeurent toutefois peu applicables au contexte français, estime la Dre Anne Donnet, neurologue, cheffe du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD, hôpital de la Timone, AP-HM, Marseille).

04/10/2024 Par Romain Loury
Neurologie
Migraine

Reposant principalement sur l’usage d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et de triptans, le traitement de la crise de migraine varie selon l’intensité. Comme le rappelle la Dre Anne Donnet, du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD) à l’hôpital de la Timone (AP-HM, Marseille), "si la céphalée est légère, on commence par un anti-inflammatoire, puis on complète par un triptan lorsque la réponse à une heure est insuffisante. Si l’intensité est modérée à sévère, on débute par un triptan, avant d’ajouter éventuellement un anti-inflammatoire. Dans des cas plus réfractaires, on propose d’emblée l’association triptan et anti-inflammatoire".

Depuis les triptans, disponibles depuis les années 1990, de nouvelles classes thérapeutiques ont vu le jour. Parmi elles, les ditans : il n’en existe à ce jour qu’un seul représentant, le lasmiditan, autorisé aux Etats-Unis mais pas dans l’Union européenne - en raison de ses effets indésirables, notamment l’incapacité de conduire au cours des huit heures suivant la prise. Ou encore les gépants, parmi lesquels quatre sont disponibles aux Etats-Unis, mais seulement deux en France, le rimegépant et l’atogépant, respectivement disponibles depuis octobre 2023 et juin 2024. Si ce dernier n’est indiqué qu’en prévention (traitement de fond) de la migraine, le rimegépant l’est également en traitement aigu.

Ditans et gépants, pas plus efficaces que les AINS

Selon une méta-analyse portant sur 137 essais contrôlés randomisés, pour un total de près de 90 000 patients (1) qui vient d’être publiée dans le British Medical Journal, les ditans (le lasmiditan) et les gépants (le rimegépant et l’ubrogépant, celui-ci n’étant pas encore autorisé dans l’UE), seraient d’une moindre efficacité que les triptans pour soulager la douleur migraineuse, aussi bien lorsqu’elle est évaluée à deux heures qu’à 24 heures. Selon ces résultats, leur efficacité ne serait pas significativement différente des AINS et du paracétamol. Parmi les triptans, les résultats donnent l’avantage à l’eletriptan, au rizatriptan, au sumatriptan et au zolmitriptan, en termes d’efficacité comme de sécurité.

Conclusion des auteurs : les triptans, moins onéreux et plus efficaces, devraient donc être plus largement utilisés qu’ils ne le sont actuellement aux Etats-Unis et en Europe. A l’inverse, les ditans et les gépants seraient à réserver aux cas de non-réponse ou de contre-indication (notamment cardiovasculaire) aux triptans.

Pour Anne Donnet, ces conclusions, aux implications plus profondes outre-Atlantique, ne sont "pas un scoop" au regard du marché français. "En France, les triptans restent les traitements de première ligne. Quant aux gépants [en l’occurrence le rimegépant, le seul indiqué en traitement aigu, ndlr], on ne les utilise que quand les triptans et les anti-inflammatoires sont contre-indiqués ou ne marchent pas. Il y a une place pour les gépants, mais elle est déjà bien identifiée dans nos recommandations", explique-t-elle.

Un médicament cher et non remboursé

Par ailleurs, le rimegépant, actuellement non remboursé, demeure d’un coût élevé, "aux alentours de 50 à 60 euros le comprimé", ce qui limite fortement son usage en France, indique Anne Donnet. La Société française d’étude des migraines et céphalées (SFEMC) devrait prochainement prendre position en faveur de son remboursement pour le traitement aigu, mais uniquement chez les patients ne répondant pas, ou qui présentent une contre-indication ou une intolérance aux triptans et aux AINS. De manière générale, "l’idéal serait d’obtenir un remboursement de tous les traitements qui ciblent la voie du CGRP [Calcitonin-Gene Related Peptide], dont les anticorps monoclonaux et les gépants", que ce soit en traitement de fond de la migraine ou, pour le rimegépant, en traitement aigu, explique Anne Donnet.

Quant à l’éventuelle sous-utilisation des triptans, évoquée par les auteurs de l’étude, "c’est aussi le cas en France", observe la neurologue : "Nous continuons à voir des patients qui arrivent en consultation hyperspécialisée, et qui n’ont pas reçu de triptan. Nous initions souvent ces traitements alors qu’ils devraient l’avoir été par le médecin traitant ou par un neurologue de ville, bien avant d’arriver dans une consultation de troisième ligne."

"Au lieu de cela, certains de nos patients n’ont pris que des AINS, tandis que d’autres ont reçu des opioïdes", ajoute Anne Donnet. Or les opioïdes sont déconseillés par la SFEMC, "car ils exacerbent les nausées, augmentent le risque de céphalées par surconsommation de médicaments et comportent un risque de mésusage et d'abus", rappelait la société savante dans ses recommandations publiées en 2021(2).

 

(1) Karlsson WK et al., British Medical Journal, 18 septembre 2024

(2) Ducros A et al., Revue neurologique, 30 juillet 2021

Références :

Entretien avec la Dre Anne Donnet, cheffe du Centre d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD, hôpital de la Timone, AP-HM, Marseille)

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