La migraine, une histoire neuronale avant tout
Le système nerveux est dépourvu de nocicepteurs ; ce sont les méninges qui souffrent et en particulier la dure-mère, richement vascularisée où se projettent notamment les axones du nerf trijumeau (qui appartient au système nerveux périphérique). L’innervation de ce nerf V se fait par des fibres myélinisées et surtout non myélinisées, C peptidergiques, qui libèrent le fameux peptide CGRP (inhibé par ces nouveaux médicaments que sont les gépants) avec une participation du système nerveux autonome. Il existe aussi une composante génétique : des gènes de susceptibilité et une mutation des canaux ioniques (qui intervient sur le fonctionnement cellulaire).
Le cerveau d’un migraineux est à l’évidence différent d’un cerveau "sain" y compris en intercrise parce que sujet à une hyperexcitabilité neuronale : "Il lui est plus facile d’atteindre le seuil de déclenchement d’une crise", observe la Dre Lénaïc Monconduit, enseignante-chercheuse à l’Université de Clermont-Ferrand. Cette hyperexcitabilité est visible à l’imagerie dans le cortex somatosensoriel surtout.
En particulier, l’imagerie permet d’observer la dépression corticale envahissante (DCE), qui suit l’aura migraineuse visuelle, et qui correspond à une vague lente de dépolarisation des neurones, de la zone occipitale vers le cortex frontal. Ce qui se produit à la périphérie du cerveau passerait donc par la DCE ou le système nerveux autonome, l’activation des fibres nerveuses provoquant la libération de neuropeptides dont le CGRP qui se fixent sur les vaisseaux (à l’origine d’une vasodilatation) et sur les neurones (créant une excitation supplémentaire), favorisant la mobilisation de molécules inflammatoires qui sensibilisent le système nerveux périphérique puis central…
"Les recommandations actuelles de prise en charge élaborées par la Société française d'études des migraines et céphalées (SFEMC) datent de 2021, rappelle la Dre Geneviève Demarquay (Hospices civils de Lyon et NeuroPain). La prise en charge d’une migraine épisodique (moins de 15 jours par mois) vise le soulagement des douleurs et des co-symptômes, avec, selon l’intensité de la crise, l’aspirine seule ou combinée à un antiémétique, le paracétamol, un anti-inflammatoire non stéroïdien (diclofénac/ibuprofène/kétoprofène) ou l’un des 7 triptans, des traitements à prendre chacun dès le début de la crise, à posologie efficace d’emblée, la consommation de traitements de crise ne devant pas excéder 8 jours par mois", insiste la spécialiste.
Migraine chronique : de nouveaux traitements
En cas de migaine chronique, le traitement prophylactique doit être proposé lorsque le retentissement fonctionnel, évalué en 6 questions (échelle HIT-6), est supérieur à 60, mais l’efficacité des médicaments (propanolol ou métoprolol, utile pour les migraines épisodiques surtout ; antidépresseur ou antiépileptique sur les migraines chroniques) est modeste ou leur tolérance peu acceptable - en cas de grossesse pour le topiramate et le valproate, en particulier.
La toxine botulique qui a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2021 est fortement recommandée pour les migraines chroniques après échec de traitements per os. Enfin, les anticorps monoclonaux anti-CGRP sont efficaces à la fois sur les migraines épisodiques (de plus de 8 jours par mois) et chroniques, même en cas de surconsommation médicamenteuse. Ils permettent de réduire le nombre de jours de crise et ce, sans sevrage préalable. L’activité physique en aérobie, les plantes, la mélatonine, le coenzyme Q10 et l’acupuncture peuvent être des alternatives ou compléments utiles.
Trois gépants sont aujourd’hui disponibles en France, en sous-cutané, à un rythme mensuel, dont un en réserve hospitalière (dans certains centres) et les 2 autres en ville : le rimégépant de Pfizer pour la crise et le fond, l’atogépant de AbbVie en prévention pour les patients "difficiles", après 2 à 4 échecs de traitement de fond, pour environ 250€ par mois, "out of pocket". Tous 3 sont considérés comme des médicaments d’exception, prescrits par les neurologues. "S’il n’existe pas d’étude comparative directe toxine botulique (qui diminue la libération du CGRP) versus anticorps, ils pourraient avoir un effet additif", déclare le Dr Michel Lantéri-Minet (CHU de Nice). Un certain nombre de questions restent irrésolues : comme l’identification de facteurs prédictifs de réponses aux gépants, la connaissance du temps optimal d’évaluation de ces molécules ou l’intérêt des associations des anciens à ces nouveaux médicaments.
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