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Docteur junior en médecine générale : un "manque de respect vis-à-vis des étudiants, des enseignants et des patients" dénoncé

Au CMGF, la conférence sur la mise en œuvre de la réforme de la quatrième année d’internat en médecine générale est comble. Face à l’absence de publication de texte législatif venant encadrer le statut des docteurs juniors, le discours est tendu, pour ne pas dire ponctué « d’agacement », de la part des internes et des enseignants. Mais la réforme, elle, tient toujours.

29/03/2025 Par Pauline Bluteau
Docteur Junior Internat CMGF 2025
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"Personne n’est dupe", attaque Bastien Bailleul, président de l’Intersyndicale nationale des internes de médecine générale (Isnar-IMG). Difficile en effet de participer à une conférence autour de la mise en œuvre de la quatrième année d’internat en médecine générale quand beaucoup de questions restent toujours en suspens.

Dans la salle, l’entrée en matière du représentant des internes est largement applaudi : "Cette quatrième année n’est pas prête, que penser de ce qu’il adviendra quand on nous offrira des postes à l’hôpital ? Les généralistes ne retourneront pas en cabinet. Et même avant cette quatrième année, comment ne pas craindre qu’on se retrouve à se tirer dans les pattes pour savoir qui ira à l’hôpital même si cela va à l’encontre de notre projet professionnel ? Il faudrait faire confiance aux classements, aux matchings ?"

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Dans ce contexte, parvenir à trouver des "leviers d’accélérateur pour être prêt en 2026" relèverait presque du parcours du combattant.

"Une forme de sidération"

"Je vais me joindre à l’agacement de Bastien Bailleul", poursuit le Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des enseignants en médecine générale (CNGE). Celui a qui participé à la rédaction d’un deuxième rapport, présenté au ministre de la Santé Yannick Neuder en février dernier, "avoue une forme de sidération due au fait que les textes ne soient pas publiés". "C’est un manque de respect vis-à-vis des étudiants, des enseignants et des patients."

Dans ce rapport qui fait suite aux premières recommandations remises au gouvernement à l’été 2023, les conclusions devaient justement aboutir à une mise en œuvre effective de la réforme. "Ces nouvelles recommandations s’axent autour de la maquette pédagogique, du passage de la thèse, de la procédure d’appariement, de la permanence des soins ambulatoires et du statut de docteur junior", résume le Pr Saint-Lary.

Des recommandations plutôt approuvées par l’Isnar-IMG. Bastien Bailleul rappelle d’ailleurs l’intérêt de cette quatrième année d’internat : une "occasion de se former à son exercice futur", d’éviter de se "retrouver complètement démuni" au moment de l’installation, de découvrir "des structures, des équipes de professionnels de santé", un territoire, etc. "On a plein d’attente mais il faut anticiper", assure-t-il.

Or, un mois après la remise du rapport, les discussions sont toujours au point mort. En janvier dernier, les internes en médecine générale ont fait grève "pour dénoncer ce manque de préparation", rappelle Bastien Bailleul. "Ce qu’il en ressort ? Un comité de suivi qui n’a toujours aucune date, aucune promesse, aucun lancement. On nous dit que les textes ne sont pas prêts."

Au micro, la Dre Elise Fraih, ancienne présidente de Réagjir exprime elle-aussi sa colère : "On a tous été auditionnés par le ministère et les objections (vis-à-vis de la réforme) ont déjà été portées il y a deux ans. Le terrain doit être entendu parce que là, ça suffit !"

Aujourd’hui, nous avons un MSU pour 50 internes en médecine générale contre 1 pour 3 dans d'autres spécialités

Tous s’accordent sur la nécessité "urgente" d’un arbitrage au niveau national. "On est toujours en attente, on met les étudiants dans un sentiment d’insécurité et ça devient très long", appuie Olivier Saint-Lary. Parce qu’à côté de l’incertitude des internes, d’autres freins persistent. D’après le président du CNGE, l’attente perturbe aussi le recrutement des maîtres de stage universitaires. "Aujourd’hui, nous avons un MSU pour 50 internes en médecine générale contre 1 pour 13 en psychiatrie et parfois 1 pour 3 internes dans d’autres spécialités." Des chiffres qui ahurissent la salle.

Le co-coordonnateur du collège de la médecine générale de l’URPS des médecins libéraux Île-de-France, Richard Handschuh, le confirme également : "On s’est rendu compte en 2022 qu’on allait manquer de ressources : on avait 1.200 MSU en exercice en 2022, 30 % d’entre eux avaient plus de 60 ans, donc d’après nos estimations, il faudrait recruter 1.500 nouveaux MSU pour répondre au besoin de renouvellement et d’augmentation des promotions d’internes." 

Du côté de l’ARS Île-de-France, des chargés de mission ont été recrutés pour amplifier le nombre de MSU, cartographier les terrains de stage et répondre aux attentes des internes. Mais après deux ans de campagne de recrutement, les objectifs ne sont pas atteints : "Nous avons ciblés 4.600 généralistes, 703 se sont dits volontaires pour devenir MSU mais finalement, 108 ont été recrutés en Île-de-France car tout dépend des critères des départements de santé universitaires. On est attristés", poursuit Richard Handschuh.

À l’inverse, au niveau national, le CNGE  se veut plus optimiste : 14.340 MSU recensés au 1er janvier 2025, 500 de plus qu’un an auparavant. Une "dynamique très forte" et encourageante donc, selon le président, et ce malgré l’absence de texte législatif qui peut encore bloquer certains réticents.

Pas de report de la réforme en vue

Dans ce contexte, le représentant des internes est le seul à exiger le report de la réforme car les conditions de mise en œuvre restent incertaines. "Je partage les inquiétudes mais pas les solutions, rétorque Olivier Saint-Lary. C’est justement le moment de poser nos conditions."

C’est d’ailleurs tout l’objectif de Guillaume Bailly, ancien président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) et désormais responsable du comité de suivi chargé de mettre en place la réforme. Le docteur junior en cardiologie peine à trouver sa place, ne sachant pas sur quel pied danser pour tenter de rassurer les internes de médecine générale. "Au ministère [de la Santé], on n’envisage pas le report, on envisage le succès". De quoi faire sourire la salle. "On a beaucoup d’inconnus, on a travaillé sur le rapport et les scenarii sont sur la table, précise Guillaume Bailly. On attend des arbitrages mais le ministre a la volonté que ça avance, c’est un allié. On est conscient des difficultés qui vont arriver et on va s’inspirer des endroits où ça fonctionne pour donner cette impulsion à d’autres régions, notamment l’Île-de-France."

"Entendez que je n'ai aucun intérêt à retarder tout ça", s'est défendu le ministre

Pas de quoi convaincre le président de l’Isnar-IMG : "Le manque de respect est total : le sentiment qui ressort, c’est que la réussite de cette quatrième année passe avant les internes. La réforme passera même s’il y a de la casse... et la casse, c’est nous."

En fin de journée, Yannick Neuder a renouvelé son engagement de prendre les décrets "avant l'été". "Entendez que je n'ai aucun intérêt à retarder tout ça, a plaidé le ministre, très chahuté pendant son discours. Moi-même quand j'étais interne, je voulais savoir où est-ce que je m'installerai dans 6 mois, comment… Toutes ces problématiques, je les ai vécues, je n'ai pas envie de les faire vivre aux autres. Je suis dans un temps contraint, ça fait partie de mes priorités, nous y travaillons. Ce n'est plus qu'une question de semaines", a-t-il assuré.

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13 k points
Débatteur Passionné
Chirurgie générale
il y a 3 jours
les zautorité n'en ont RAF des critiques des étudiants intéressés: "s'ils critiquent,c'est qu'ils sont de (extrême)droite! et puis: "les manants se plaignent,il faut leur donner le bâton" on se cr
Photo de profil de Gregory Cuffel
402 points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 3 jours
Comment vont t-ils pouvoir trouver en île-de-france 1500 médecins généralistes disposés à être MSU et possédant un local disponible en 2 ans ?
Photo de profil de Pierre Frances
766 points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 3 jours
Depuis le départ cette 4ème année est une réforme de dupes
Vignette
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