
Rétrocession à 25%, thèse, gardes... Ce que préconise le nouveau rapport sur la quatrième année d'internat de médecine générale
Alors que les textes encadrant la quatrième année d'internat sont attendus au printemps, un rapport sur l'accompagnement et le suivi de cette réforme a été rendu ce jeudi 20 février au ministre de la Santé. Rémunération des docteurs juniors, participation à la PDSA, dérogation pour le passage de la thèse… Ce document liste une série de recommandations. Egora fait le point.

C'est une nouvelle étape dans la mise en place de la quatrième année d'internat de médecine générale. Alors que le Gouvernement a promis que les textes réglementaires encadrant cette réforme – attendus depuis de longs mois – seraient publiés au printemps, le ministre en charge de la Santé et de l'Accès aux soins, Yannick Neuder, a reçu ce jeudi 20 février le rapport "d'accompagnement et de suivi" de cette refonte.
Les auteurs de ce document, les Prs Bach-Nga Pham, Olivier Saint-Lary, Stéphane Oustric et la Dre Mathilde Renker*, avaient publié de premières recommandations début 2023. Missionnés à nouveau quelques mois plus tard par Sylvie Retailleau, ex-ministre de l'Enseignement supérieur, et Aurélien Rousseau, alors locataire de l'avenue de Ségur, ils publient de nouvelles conclusions afin de permettre "la mise en œuvre effective" de cette quatrième année. Statut des docteurs juniors, rémunération, participation à la permanence des soins ambulatoire (PDSA), thèse… Ils formulent 26 recommandations, qui pourraient être suivies par le Gouvernement.
Médecin généraliste, serez-vous volontaire pour encadrer un docteur junior ?

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En tant que MSU , je ne souhaite pas participer à cette mascarade. Il ne s’agit pas de formation, mais d’utilisation de ressource... Lire plus
Pour Bastien Bailleul, président de l'Isnar-IMG**, les préconisations formulées dans ce rapport vont dans le bon sens. "Elles sont complètement [en accord] avec nos positions et ce que l'on demande", estime le représentant étudiant. "On ne peut qu'appuyer ce rapport", ajoute-t-il. "C'est un outil supplémentaire, une nouvelle pierre à l'édifice dans la mise en place" de cette réforme, avance, de son côté, Killian L'helgouarc'h, président de l'Isni***.
Un statut "différent" pour les docteurs juniors en médecine générale
Parmi les principales recommandations de ce rapport de 76 pages, qu'Egora a pu consulter, la nécessité de créer un véritable "statut de docteur junior de médecine générale exerçant une activité ambulatoire libérale, en secteur 1". Les docteurs juniors, qui doivent faire leur première rentrée en novembre 2026, devront bénéficier d'un statut "différent" du "statut de docteur junior des autres spécialités médicales", précisent les auteurs du rapport, puisque cette quatrième année d'internat "ne validera pas une année en vue de l'obtention du secteur 2, contrairement aux autres spécialités".
Pour exercer en secteur 1, et rendre cette année supplémentaire "professionnalisante", les futurs généralistes devront faire des démarches administratives, à commencer par s'inscrire sur un tableau spécial de l'Ordre des médecins pour obtenir leur numéro RPPS, s'affilier à la CPAM, à la CARMF…, peut-on lire.
Surtout, les auteurs du rapport confirment l'intérêt d'une rémunération mixte des docteurs juniors ; une position déjà adoptée dans leurs premières conclusions en 2023. Ils préconisent une rémunération comportant "une part fixe correspondant aux émoluments forfaitaires mensuels perçus par tous les docteurs juniors" à laquelle s'ajouterait "une part variable", liée à une rétrocession sur honoraires perçus de 25%.
Une victoire pour l'Isnar-IMG, qui craint que le ministère de la Santé ne privilégie une rémunération unique avec primes. "Cette recommandation va complètement dans le sens de nos demandes", confirme Bastien Bailleul. "Le travail réalisé dans ce rapport est chiffré et pertinent, et prend en compte toutes les charges qui peuvent exister", poursuit-il.
Pas plus de 25 actes quotidiens
De plus, le nombre d'actes réalisés chaque jour par le docteur junior devra s'établir entre 10 et 25, contre les 30 maximum recommandés dans le rapport de 2023. "La fourchette basse tient compte des possibles difficultés que certains étudiants pourraient rencontrer (lenteur, manque de confiance en eux…)", tandis que "la fourchette haute tient compte de l'obligation de respecter le temps de travail légal des docteurs juniors, du sentiment d'exploitation que les étudiants pourraient avoir s'ils ont une activité importante", pointent les quatre auteurs.
"Cette une bonne fourchette, commente Killian L'helgouarc'h. Il ne faut pas [que ce nombre d'actes] soit trop bloquant ni trop rigide […] Il faut suffisamment de consultations pour que l'interne puisse travailler en autonomie, mais en restant en dessous de ce que font les docteurs seniors."
Le rapport précise, par ailleurs, que si ce système de rémunération mixte est acté, les docteurs juniors ambulatoires ne pourront percevoir "ni la prime d'autonomie supervisée annuelle, ni l'indemnité forfaitaire de transport, ni l'indemnité forfaitaire d'hébergement".
Autre sujet brûlant : selon les quatre experts, la participation des docteurs juniors à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) doit être volontaire – point déjà tranché dans leur premier rapport – et strictement encadrée. Il faudra notamment "définir qui sera responsable de la supervision du docteur junior" et "qui sera le praticien ayant la responsabilité des actes réalisés" par cet interne si le professionnel "assurant la PDSA n'est pas le MSU encadrant le docteur junior", écrivent les auteurs.
La rémunération de cette participation à la PDSA doit, elle, être "à hauteur de la totalité des honoraires produits par le docteur junior durant sa garde", indique le rapport. En outre, "la supervision du docteur junior serait rémunérée par un forfait de garde". "Ce n'est que comme ça que la PDSA sera attractive", croit Bastien Bailleul.
Former rapidement des directeurs de thèse
Dénoncée par certains représentants de la pédiatrie, la fusion des stages santé de l'enfant et de la femme – de trois mois chacun, contre six auparavant -, permettant de dégager un stage libre de six mois, doit être maintenue, estiment les auteurs de ce rapport. Les objectifs pédagogiques du stage couplé doivent toutefois êtes précisément définis, et le stage libre doit répondre aux besoins d'apprentissage et au projet professionnel de l'interne.
Un dernier point majeur est celui de la thèse. "Pour rappel, la soutenance de la thèse fait partie des conditions pour accéder à la phase de consolidation et obtenir le statut de docteur junior. Réglementaire, la thèse doit être soutenue avant la fin de la phrase d'approfondissement", soit avant le début de la quatrième année d'internat, précise le rapport. Or, les passages de thèses en médecine générale ont déjà du retard. "Plus de 4 000 jeunes médecins ont terminé leur DES et ne sont pas thésés", glisse Bastien Bailleul. Et cette liste devrait s'allonger avec la mise en place de réforme, puisque les futurs généralistes n'auront plus six mais trois ans pour soutenir leur thèse après le début de leur internat.
Les quatre auteurs du rapport préconisent donc d'octroyer des moyens supplémentaires pour former rapidement des praticiens à la direction de thèse, et d'accorder une dérogation d'une année supplémentaire pour soutenir leur thèse pour les promotions ayant débuté leur internat en 2023, 2024 et 2025. Une recommandation saluée par l'Isnar-IMG, qui s'interroge sur la possibilité "d'élargir cette dérogation à d'autres promotions". "Il faut surveiller l'évolution du passage des thèses [ces prochaines années]", pense Bastien Bailleul.
Reste encore à savoir si les ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur – également présent ce jeudi lors de la remise du rapport - suivront ces recommandations pour encadrer la réforme, dont seule la maquette a été actée à l'été 2023. "On espère qu'ils suivront cette version", avance Bastien Bailleul, rappelant toutefois : "La limite, pour nous, c'est qu'il faudra un maître de stage universitaire pour chaque interne en novembre 2026". Cette ligne rouge a poussé, à l'appel de l'Isnar-IMG, plusieurs centaines d'internes de médecine générale dans les rues fin janvier.
Du côté de l'Isni, on presse aussi le Gouvernement d'agir. "On a toutes les clefs en main pour avancer, maintenant il faut le faire vite, réagit Killian L'helgouarc'h. Il faudrait que l'on ait une bonne visibilité sur le contenu des décrets [encadrant la réforme] avant mai."
*La Pre Bach-Nga Pham est PU-PH en immunologie et doyenne honoraire de l'UFR de médecine et maïeutique de Reims ; le Pr Olivier Saint-Lary est président du Collège national des généralistes enseignants ; le Pr Stéphane Oustric est PU en médecine générale à la faculté de médecine de Toulouse ; et la Dre Mathilde Renker est interne en médecine générale à Nancy et ancienne présidente de l'Isnar-IMG.
**Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale.
***Intersyndicale nationale des internes.
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