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Pollution de l'air : une première évaluation française de la morbidité
Maladies respiratoires et cardiovasculaires, mais aussi diabète de type 2, voire maladie d’Alzheimer, autisme et naissances prématurées… La pollution de l’air constitue un poids majeur pour la santé publique. Au-delà de la surmortalité, Santé publique France a livré, mercredi 29 janvier, de premières estimations d’impact sur la morbidité.
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En 2021, Santé publique France avait estimé à environ 40 000 le nombre annuel de décès attribuables en France à la pollution par les particules fines PM2,5, d’une taille inférieure à 2,5 microns. Qu’en est-il de la morbidité ? Dans sa première étude menée à ce sujet, portant sur la France hexagonale et déclinée par régions, l’agence sanitaire confirme "le fardeau considérable" que constitue la pollution, sur la santé comme sur l’économie.
Menée à partir de données 2016-2019, cette évaluation quantitative d’impact sur la santé (Eqis) a porté sur deux polluants majeurs (PM2,5 et dioxyde d’azote) et sur huit maladies chroniques. Parmi elles, le cancer du poumon, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’asthme de l’enfant et de l’adulte, les pneumopathies et autres infections aiguës des voies respiratoires inférieures (grippe exclue), les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les infarctus du myocarde, l’hypertension artérielle et le diabète de type 2.
Jusqu’à 20% des maladies respiratoires infantiles
Selon les résultats, entre 12% et 20% des nouveaux cas de maladies respiratoires de l’enfant (de 7 000 à presque 40 000 cas, selon la maladie et le polluant) sont attribuables aux PM2,5 et au NO2 d’origine anthropique, en France hexagonale. Chez l’adulte, entre 7% et 13% des nouveaux cas de maladies respiratoires, cardiovasculaires et de diabète (entre 4 000 et 78 000 cas) sont liés à la pollution de l’air.
D’un point de vue économique, la pollution liée aux PM2,5 engendrerait un coût annuel de 12,9 milliards d’euros, soit 199 euros par habitant et par an, se répartissant entre dépenses de santé, pertes de production et atteinte au bien-être. Pour le NO2, le coût annuel serait de 3,8 Md€.
Selon la Dre Sylvia Medina, coordinatrice du programme de surveillance air et santé de Santé publique France, "toute réduction des niveaux de pollution aura des impacts bénéfiques en termes de santé et d’économie". Si la France atteignait les valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit 5 µg/m3 pour les PM2,5 et 10 µg/m3 pour le NO2, la morbidité liée aux huit maladies pourrait être diminuée de 75% pour les premiers, de 50% pour le second.
Entrée en vigueur en décembre, la nouvelle directive européenne sur la qualité de l’air a revu les seuils réglementaires à la baisse, avec un objectif 2030 de 10 µg/m3 pour les PM2,5, de 20 µg/m3 pour le NO2, en valeurs moyennes annuelles. Soit des taux bien moins élevés que ceux en vigueur jusqu’alors (respectivement 25 et 40 µg/m3), mais deux fois plus que les valeurs guides de l’OMS. Selon Santé publique France, ces nouveaux seuils européens devraient permettre de diminuer de l’ordre de 13% la morbidité liée à chacun des deux polluants.
D’autres maladies liées à la pollution
Au-delà des huit maladies analysées, d’autres affections ont été associées à la pollution de l’air. Parmi elles, l’obésité, les maladies neurodégénératives (dont la maladie d’Alzheimer), les troubles du développement neurologique (dont ceux du spectre de l’autisme), la dépression, ainsi que le faible poids de naissance et les naissances prématurées. "Au-delà de l’appareil respiratoire, les particules fines peuvent aller dans les divers organes de notre corps, et engendrer des maladies cardiovasculaires, neurologiques et métaboliques comme le diabète", rappelle Sylvia Medina.
Faute des données requises, en particulier des fonctions concentration-risque (FCR) liant un niveau de pollution à un risque sanitaire spécifique, Santé publique France n’a pour l’instant pu produire de données sur ces maladies. Le sujet semble plus avancé pour les démences liées à l’âge, pour lesquelles une FCR a été établie par l’OMS, mais dont ne manquaient que les données d’incidence. Selon Sylvia Medina, une estimation "devrait être disponible prochainement".
Au niveau européen, la France, condamnée en 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne et à plusieurs reprises par le Conseil d’Etat, fait pâle figure en termes de lutte contre la pollution. En juin 2023, la justice a même condamné l’Etat à indemniser les parents de deux enfants atteints de bronchiolites et d’otites répétées, en raison, entre autres, du dépassement des seuils en Ile-de-France.
Si les seuils réglementaires peinent à être respectés dans plusieurs grandes villes, la qualité de l’air s’est nettement améliorée au cours des dernières décennies. Selon un rapport publié en 2022 par l’Observatoire régional de la santé (ORS) d’Ile-de-France, le nombre annuel de décès attribuables aux PM2,5 aurait baissé de 40% entre 2010 et 2019 dans la région. La pollution de l’air y demeure toutefois responsable de près d’un décès sur dix, selon les données 2019.
Références :
D’après une conférence de presse de Santé publique France (29 janvier)
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