Les traitements ciblés deviennent le quotidien des dermatologues
Depuis plus de vingt ans maintenant, les thérapies ciblées se multiplient en dermatologie, grâce à une meilleure connaissance des voies inflammatoires et/ou immunitaires impliquées. Le Pr Julien Seneschal (CHU de Bordeaux), qui a présenté les progrès réalisés dans le traitement du vitiligo, évoque les principales molécules qui ont fait l’actualité durant cette édition 2024.
Egora : À mesure que les processus physiopathologiques sont décryptés et permettent d’identifier les premières étapes de dérégulation, des médiateurs communs à différentes pathologies dermatologiques sont identifiés. C’est notamment le cas dans le vitiligo et la pelade ?
Pr Julien Seneschal : En effet, malgré leurs spécificités cliniques, ces deux maladies peuvent partager des mécanismes immunologiques et génétiques communs. JAK-Stat est ainsi l’une des voies communes les plus importantes à cibler car elle limite l’activation des cellules T et l’activité des cytokines inflammatoires envers les mélanocytes ou le follicule pileux, respectivement. Ainsi, le baricitinib et le ritlécitinib ont été approuvés ces derniers mois dans la pelade et devraient être rejoints par d’autres molécules, comme le deuruxoclitinib qui a montré son efficacité dans les études de phase III Thrive-AA1 et AA2 présentées cette année. Dans le vitiligo, le ruxolitinib topique, récemment enregistré, confirme son intérêt selon l’étude d’extension qui a été présentée et va voir d’autres anti-JAK lui succéder (povorcitinib, upadacitinib, baricitinib).
De nouveaux mécanismes d’action commencent également à émerger ?
En effet, de nouvelles cibles biologiques émergent régulièrement, et la recherche clinique est suffisamment active pour que l’on dispose progressivement de molécules plus faciles à administrer, notamment per os. L’une des dernières familles qui a émergé concerne celles ciblant l’enzyme TYK2, une tyrosine kinase intracellulaire qui fait partie de la famille des JAK et qui est associée à la réponse de plusieurs cytokines inflammatoires impliquées dans le psoriasis, comme l’IL-12 ou l’interféron alpha (IFN alpha). Le deucravacitinib est déjà autorisé dans cette indication, mais d’autres, comme le zasocitinib ou l’ESK-001, ont fait l’objet de communications qui confirment l’efficacité de contrer cette cible dans le psoriasis et l’arthrite psoriasique.
Grâce à ce démembrement biologique, le panel de molécules disponibles aujourd’hui peut-il modifier les principes de prise en charge de certaines de ces maladies ?
Ces thérapies ciblées permettent, en effet, de faire bouger les lignes. C’est notamment le cas dans l’hidradénite suppurée, par exemple, qui est une maladie complexe, à la fois inflammatoire, immunitaire et liée à une dysbiose dans laquelle la première approche ciblée a été l’utilisation des anti-TNF alpha. Cette année a été présentée une étude de phase III ayant évalué l’izokibep, un anti-IL-17a bien plus petit et de plus longue demi-vie que les anticorps monoclonaux. Cette molécule administrée par voie sous-cutanée offre une réponse supérieure à celle du placebo après 12 semaines, avec notamment 22% des patients atteignant une guérison de l’ensemble des lésions contre 8% sous placebo, en plus du traitement conventionnel. Le ruxolitinib topique a aussi été décrit comme favorable dans les formes de la maladie légères à modérées, avec une diminution significative du nombre de nodules inflammatoires, mais des études de phase III sont attendues pour évaluer son efficacité sur les formes sévères. Il faut reconnaître que toutes ces thérapies contrôlent l’inflammation, mais cela ne suffit pas toujours à éliminer les fistules, qui favorisent la récidive et qui continuent à faire de la chirurgie une intervention souvent nécessaire.
*Le Pr Julien Seneschal déclare être consultant ou intervenant pour AbbVie, Bristol Myers Squibb, Calypso Biotech, Eli Lilly, Incyte, LEO Pharma, Novartis, Pfizer, Pierre Fabre, Sanofi.
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